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Critique de Cigale17


Charlemagne... Non mais, quelle idée, un prénom pareil ! le « héros » de L'Affaire des vivants le doit à son grand-père qui court déclarer lui-même l'enfant à la mairie, persuadé qu'il est de l'influence bénéfique d'un tel prénom sur son avenir. Et Charlemagne, s'il subit les moqueries des autres enfants, devient un élève brillant qui ne pourra pas continuer ses études malgré l'insistance de l'instituteur et du curé : on a besoin de lui à la ferme. Charlemagne Persant aura pu bénéficier de l'amour et des conseils de son grand-père pendant douze ans seulement. Cela suffira pour qu'il réussisse à devenir un homme d'affaires prospère, craint mais souvent haï. Il consolide la ferme familiale, achète un magasin de tissus qu'il agrandit, en « acquiert » un autre grâce à son mariage, et crée une usine qui fournira ses magasins et bien au-delà de cette région lyonnaise où il est né. Christian Chavassieux situe cette histoire familiale au tournant de deux siècles. Charlemagne fera la guerre de 70, son fils celle de 14.
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J'ai trouvé ce roman enthousiasmant. On ne peut pas, je crois, aimer Charlemagne ni s'identifier à lui. Il est trop dur, trop ambitieux, trop orgueilleux, trop intransigeant envers lui-même et les autres, même si, parfois, ses carences et le manque d'éducation dont il est douloureusement conscient le rendent fugitivement touchant. Les autres personnages sont aussi infiniment bien campés. Charlemagne se hausse dans l'échelle sociale en épousant une sorte d'Emma Bovary, à la fois naïve et résignée, dont les parents sont des archétypes des bourgeois de l'époque. Christian Chavassieux nous présente différents milieux sociaux : bourgeois, paysans, militaires, ouvriers, révolutionnaires même, tous en relation de près ou de loin avec Charlemagne. On découvrira, entre beaucoup d'autres choses, la difficile condition des ouvriers de l'époque, la dureté des grèves, les balbutiements des revendications des femmes, l'ostracisation des homosexuels ; on visitera des fermes, des magasins, des usines, un bordel, l'Exposition universelle ; on assistera à une nuit de noces, au quasi lynchage d'un des seuls personnages solaires, à des scènes de guerre et au tournage d'un film d'Abel Gance dans des conditions assez étonnantes...
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L'écriture de Christian Chavassieux me ravit ! J'ai parlé ailleurs de la qualité de son style, mais je voudrais dire un mot du vocabulaire. Ici l'auteur puise dans le jargon des métiers, ramène au jour des mots oubliés, emprunte aux dialectes locaux sans que jamais cela ne devienne pesant. Il y a un bref lexique à la fin du livre On pourrait se dispenser de le consulter – le mot employé est presque toujours compréhensible dans son contexte –, mais ce serait dommage pour les précisions qu'il apporte. Ne vous privez pas non plus des « Quelques points et références » en fin d'ouvrage : ils se révèlent passionnants et donnent une petite idée de la quantité de recherches et de documentation nécessaires à la rédaction de ce beau roman. J'ai beaucoup aimé aussi un des artifices choisi par Christian Chavassieux. Ici, le narrateur, c'est l'auteur : « Joseph-Antoine Pajaud était un fieffé coquin, c'est moi qui vous le dis et vous pouvez me croire : je l'ai fabriqué dans ce seul but », écrit-il au début du chapitre 5. le procédé est repris mais s'intègre toujours parfaitement à la narration. Ça y est, je suis fan ! J'ai acheté La Vie volée de Martin Sourire en même temps que celui-ci, avant le confinement. J'attendrai que les librairies soient rouvertes pour acheter les autres…
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