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EAN : 9782012697485
324 pages
Hachette Livre BNF (01/05/2012)
4/5   3 notes
Résumé :
Les petites comédies du vice / Eugène Chavette ; ill. de Kauffmann
Date de l'édition originale : 1890

Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces œuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Les Petites Comédies du Vice » est un recueil de nouvelles et de saynètes extrêmement varié, et qui est resté étonnamment drôle malgré le siècle et demi qui nous en sépare. L'humour est en effet un genre contextuel, souvent propre à son époque, et qui vieillit très mal, tant on ne rit pas des mêmes choses d'un siècle à l'autre. Alphonse Allais, Courteline et Tristan Bernard restent encore aujourd'hui les seuls qui ont pu bénéficier d'une postérité séculaire, soit par la finesse de leur rhétorique, soit, comme Courteline, parce que le hasard les a poussés à brocarder - entre autres - une corporation qui n'a qu'assez peu changé avec le temps.
Tombé totalement dans l'oubli, en dehors du « Guillotiné par la Persuasion », qui ouvre ce recueil, Eugène Chavette mériterait pourtant d'être redécouvert, même si cet homme qui a traversé le XIXème siècle alterne à la fois l'humour d'avant-garde et l'humour d'arrière-garde, des idées progressistes, d'autres rétrogrades, un rire de caserne et un rire sarcastique plutôt tourmenté. On ne rit pas forcément à tout ce qu'écrit Eugène Chavette, certains gags sont clairement éventés, mais on rit forcément à un moment ou à un autre, on rit même beaucoup plus que l'on ne rit d'Alphonse Allais, dont la finesse de plume atténue souvent les effets de ses farces.
Dans « Les Petites Comédies du Vice », Eugène Chavette raconte des histoires comme l'on pourrait oralement se raconter des blagues, avec une relative simplicité, malgré quelques formulations parfois vieillottes. Comme Allais, c'est un moqueur mondain, mais il est moins imbu de sa personne que ne l'était Allais. Il pratique peu les situations récurrentes ou les fils rouges narratifs. Ce qui ne l'empêche pas pour autant d'avoir un style, un humour et une causticité bien à lui, immédiatement identifiables, mais qui se situent plus dans le style d'histoires qu'il raconte que dans la manière de les raconter.
Par la suite, Eugène Chavette, enfin reconnu comme écrivain, rédigea de manière bien plus littéraire ses contes, ce qui les rend à la fois plus intéressants et hélas beaucoup moins drôles.
Lien : https://mortefontaine.wordpr..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
(La scène se passe en province, dans une petite ville du Midi).
Un employé de la préfecture a été nommé membre du jury.
Dans la session, on juge un homme accusé de dix-sept meurtres, sans compter la petite musique des effractions et vols.
Il est condamné à mort.
En rentrant au logis, l’employé juré se dit :
« Voici une excellente occasion de rendre tous les dîners que j’ai reçus ».
Aussi, le moment arrivé, écrit-il à ses amis :
« Nous guillotinons Saint-Phar jeudi : venez donc me demander à déjeuner, j’ai trois fenêtres sur la place et un rare cordon bleu. Nous verrons à rire un peu ».
Au jour dit, tous les amis sont au rendez-vous de l’employé, qui a aussi invité son chef de division, homme influent qui le protège.
Comme aucune exécution publique n’a eu lieu depuis cinquante années dans la ville, on a négligé le personnel de l’exécution.
Le bourreau est un vieillard débile.
Son premier aide a quitté cette terre.
Le second valet relève d’une longue maladie qui l’a laissé sans forces.
Si le condamné, qui est un Hercule, n’y met pas un peu de bonne volonté, la justice des hommes sera difficilement satisfaite.
Au moment du dessert, arrive de la prison cette terrifiante nouvelle :
« Saint-Phar ne veut pas se laisser taquiner ».
Désespoir des invités, qui s’écrient en chœur :
« Voici notre petite fête gâtée ! On ne peut plus compter sur rien ! »
Le chef de division fronce le sourcil.
Son subordonné, qui voit son avancement compromis, fait de vains efforts pour calmer le mécontentement de ce personnage influent.
Enfin, il se résout à un grand moyen.
« Je connais un peu Saint-Phar, dit-il, je vais aller lui faire entendre raison. »
Il se rend à la prison et pénètre dans la cellule du condamné.
Le dialogue suivant s’établit :
LE TENTATEUR. – Eh bien ! Qu’est-ce que tous ces menteurs-là me disent ? (Lui tapotant les joues) Que tu ne veux pas te laisser guil-lo-ti-ner ?
SAINT-PHAR, sèchement. – Non.
LE TENTATEUR. – La raison, s’il vous plaît ?
SAINT PHAR, d’un ton froissé. – On me prévient au dernier moment.
LE TENTATEUR. – Quoi ? Au dernier moment ! Toute la nuit tu as entendu des coups de marteau qui t’empêchaient de dormir; cela ne t’a pas intrigué ? Tu n’as pas eu la curiosité de te dire : « Qu’est-ce que c’est ? ». Eh bien ! C’était la petite machine que l’on te dressait sur la place Bourdaillard, dont le marché est remis à cause de toi. (Avec reproche) Et tu attends à la dernière heure pour faire le capricieux ? Allons ! viens, grand enfant !
SAINT-PHAR, inébranlable. – Non.
LE TENTATEUR, surpris. – Mais, malheureux ! Tout le monde est arrivé ! La magistrature, le clergé, le peuple, les soldats qui vont te faire la haie comme pour l’Empereur; chacun est en place… On n’attend plus que toi… (Insistant) On n’attend plus que toi u-ni-que-ment.
SAINT-PHAR. – J’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR, vivement. – Tiens ! tu connais ce bon M. de Puisec, ce vieux noble qui n’était pas sorti de chez lui depuis le départ des Bourbons et qui avait juré de ne plus quitter la chambre ? (D’un accent de triomphe) Eh bien ! Il est venu, il est là… Pour qui ? Je te le demande, gros vilain (Souriant) Pour toi, pour son petit Saint-Phar… Allons, viens, par politesse pour M. de Puisec.
SAINT-PHAR, brutalement. – Il ne m’a pas été présenté… Non.
LE TENTATEUR, d’un ton dédaigneux. – Moi qui te croyais bien élevé ! (S’écriant tout à coup) Ah ! Je devine ! (Le prenant à l’écart) Ne rougis pas de te confier à un ami. Est-ce l’argent qui t’arrête, hein ? (Bas à l’oreille) Tous les frais sont payés : c’est l’État qui te régale.
SAINT-PHAR, fier. – Je ne demande pas l’aumône.
LE TENTATEUR. – Oh ! de la susceptibilité, à présent ! Si tous les fonctionnaires étaient susceptibles comme toi pour leurs traitements, où en serait demain le gouvernement, hein ? Réponds, je te prie… Allons, viens vite; je crains à tout moment qu’on ne s’aperçoive de ton absence.
SAINT-PHAR. – Non, j’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR, sévèrement. – Tu n’es qu’un ingrat envers le Ciel. (S’emportant) Quoi ! tous les jours, au fond de la Californie, à Java, au Brésil, il y a des pauvres diables qui sont malades, impotents, qui ne peuvent se traîner; et ils n’ont qu’un seul désir, ils ne forment que ce seul vœu : « Ah ! que je voudrais donc mourir dans ma belle et douce patrie ! ». (Éclatant) Toi, te voilà dans ta ville natale, au milieu de tous tes compatriotes !… Mais dis-moi donc un peu ce qu’il te faut de plus ? Gourmand !!!
SAINT-PHAR. – Possible !… Mais j’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR. – Voyons, ne fais pas le fou, raisonnons un peu… Sois franc : avant d’être pris, tu ne vivais pas tranquille… Tu avais des remords… Tu te disais : «Si on me pince, on me fourrera en prison, j’irai au tribunal où les juges me diront mille choses désagréables – des personnalités même ! ». Bien, très bien, tu raisonnais juste. Mais aujourd’hui tout cela est passé, le plus difficile est fait… Il ne t’en reste plus que pour cinq minutes à peine… Et tu hésites ? Je ne te comprends pas. Avec ça que c’est amusant, la prison… Et surtout bon pour la santé; que tu es jaune comme un coing ! (Avec intérêt) Viens… Au moins tu prendras l’air, ça te fera passer un instant.
SAINT-PHAR. – Non, je suis casanier.
LE TENTATEUR. – Sans parler de monsieur le bourreau qui, depuis ce matin, te graissotte son petit meuble… Des prévenances comme pour un fils, le cher homme ! C’est, entre vous, les premiers rapports, et tu le dédaignes ? (Sérieux) Un ennemi que tu te fais ! Prends garde !
SAINT-PHAR. – Je n’aime pas les nouveaux visages; le sien est triste.
LE TENTATEUR. – Crois-tu donc qu’il soit bien gai par état ? Jadis, il avait au moins la roue pour son amusement, et on la lui a retirée ! Si on lui donnait le choix, il préférerait un voyage en Suisse, sois-en bien certain… Voyons, te décides-tu ?
SAINT-PHAR. – Non, j’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR. – Sans te parler de moi-même qui ai répondu de toi à douze amis qui me sont venus exprès de la campagne. Si tu crois que je te mens, envoie demander; leurs carrioles sont encore dans ma cour.
SAINT-PHAR. – Non, j’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR, avec prière. – Sois gentil pour moi, un ancien camarade de pension. Nous n’avons pas suivi la même carrière… Toi, te voilà arrivé !… Ne fais pas le parvenu avec moi… Je suis un pauvre fonctionnaire avec femme et enfants. Mon chef de division est là qui attend chez moi; j’ai besoin d’avancement; fais cela pour moi, je te prie, mon petit Phar-Phar. (D’un ton de reproche) Je suis ton juré, tu es mon premier guillotiné; étrenne-moi de bonne grâce, que diable ! (Avec conviction) Comme juré, je t’ai condamné à mort. J’ai fait mon devoir. Maintenant, à toi de faire le tien… Chacun a sa mission dans la société.
SAINT-PHAR. – Non, j’ai de la méfiance.
LE TENTATEUR. – Un bon conseil en passant. Tu ne veux pas aujourd’hui… Soit !… Mais on fera venir l’exécuteur d’à côté, et ce sera pour demain… Réponds : est-il dans l’usage de vous guillotiner le lendemain de l’exécution ? Non, c’est un ordre, un ordre établi… Donc, tu inquiètes l’ordre, tu t’insurges contre l’ordre établi… Alors, sais-tu ce qu’on pensera de toi ? On dira : « Allons, bien, encore un promoteur de troubles ! ». Tu vois que tu te compromets à plaisir !
SAINT-PHAR. – Je ris du « qu’en dira-t-on » !
LE TENTATEUR, après un instant de réflexion. – Tiens, Saint-Phar, je suis très observateur, moi ! Veux-tu que je te le dise ?… Tu ne l’avoueras pas, mais cette résistance ne vient pas de toi… On t’a monté la tête… Tu te fais un monstre de la chose. Au fond, qu’est-ce ? Un rien, une simple formalité… Examinons un peu ensemble : d’abord, tu te garnis d’un confortable déjeuner. (Souriant) Est-ce bien difficile, hein ?… Puis, on te rafraîchit prestement la chevelure, c’est hygiénique, et cela te rajeunit… Ensuite, tu t’en vas tranquillement en voiture. (Insistant) En voiture, mon très bon, en voi-tu-re ! Durant le trajet, tu causes de choses et d’autres avec le prêtre, et le temps se passe en un clin d’œil… À l’arrivée, on vient à ta rencontre, on t’ouvre la portière, on te tend les bras; tout le monde est à ta disposition !… Tu montes un escalier très doux, un étage, un seul étage ! Tout au plus un petit entresol… Tu salues et… Le temps de tourner la tête… Prrrou ! C’est fini ! (Souriant) Et tout le monde s’en va content.
SAINT-PHAR. – Tout le monde, tout le monde ! Ça vous plaît à dire ! Je…
LE TENTATEUR, l’interrompant. – Ne parlons pas tous les deux à la fois, s’il te plaît. Je suis sérieux. Donc, si tu ne veux pas aujourd’hui, ce sera demain… D’abord, demain, c’est un vendredi, un vilain jour qui te portera malheur ! Demain, mes enfants seront retournés au collège; demain, on sera indisposé contre toi, on ira à ses affaires, et tu n’auras pas un chat à ton exécution. C’est donc flatteur, ça ?
SAINT-PHAR. – Je ne cherche pas la popularité.
LE TENTATEUR. – Et mes douze amis qui sont venus de la campagne ? Est-ce que tu vas me les laisser sur le dos jusqu’à demain ? Où veux-tu que je les loge ? Mets-toi un peu à ma place.
SAINT-PHAR, vivement. – Avec plaisir. Prenez la mienne.
LE TENTATEUR, heureux. – Ah ! farceur ! De l’esprit, maintenant ! Je savais bien que tu voulais seulement me donner un peu de tablature ! (D’un ton confidentiel) Entre nous, tu sais aussi bien que moi à qui ton obéissance fera plaisir ? C’est l’Empereur qui l’ordonne.
SAINT PHAR, avec l’accent d’un vif reproche. – Mais ce n’est pas dans ce but que j’ai voté pour lui.
LE TENTATEUR, vivement. – Ah ! comme je te prends là ! Je savais bien que tu n’étais pas logique. Qui te l’a demandé, cet empereur ? Personne. Les élections étaient libres; on ne t’a pas influencé. Tu as dit : « Oui, je le veux, donnez-le-moi ». Tu t’es même conformé aux textes saints qui disent : Elegite ex vobis meliorem, quem vobis placuerit, et ponite eum super solium (« Choisissez le meilleur d’entre vous, celui qui vous plait, et placez-le sur le trône »)… C’est donc le souverain de
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