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EAN : 9781534310384
152 pages
Image Comics (19/02/2019)
5/5   1 notes
Résumé :
HEY KIDS! COMICS! takes its cue from nearly a century of turbulence and triumph, despair and drama in the comics racket.

Artists and writers, conmen and clowns, ganefs and gangsters, create the foundations of today’s biggest entertainment business―or at least the tail that wags the dog.

Some of it really happened, and the names have been changed to protect the innocent and guilty...

...although in the end, everyone ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par Howard Chaykin. La mise en couleurs a été réalisée par Will Quintana. le lettrage a été réalisé par Ken Bruzenak. Don Cameron a réalisé les photographies de couverture.

Le 9 octobre 1967, à Broadway, à une époque où les gens s'habillaient encore pour sortir, la foule se presse à la première du film Powerhouse, Meyer Hershenson foule le tapis rouge avec une belle jeune femme à son bras, quand il est accosté par un petit monsieur mal rasé, à la cravate triste. Hershenson reconnaît Irwin Gaser l'un des 2 créateurs du personnage Powerhouse. Ils échangent quelques mots sur la mort subite d'Ira Gelbart, l'autre cocréateur de Powerhouse. La belle dame dit à Hershenson que c'était gentil de sa part d'accepter d'échanger quelques mots avec cet individu à la triste mine. Elle lui demande s'il a jamais dessiné Powerhouse, et Hershenson l'informe qu'il l'a cocréé. 1945 - Ted Whitman et Ray Clarke viennent de terminer leur service au sein de l'armée et se retrouvent en sortant du métro à Manhattan. Ils avaient tous les deux dessiné quelques comics avant la guerre et ils viennent chercher du boulot chez Yankee Comics Publications. Ils pénètrent dans le gratte-ciel qui abrite les bureaux de l'éditeur et arrivent à l'étage correspondant. Benita Heindel, la secrétaire à l'accueil, les reconnaît, et eux la reconnaissent également. En arrivant devant la porte du bureau de l'éditeur en chef, ils voient Sid Mitchell en sortir visiblement mécontent. Ils s'assoient devant le bureau de l'éditeur qui leur explique que les superhéros sont passés de mode et qu'il est à la recherche de l'artiste qui saura lui dire quelle sera la prochaine tendance.

Après le rendez-vous avec l'éditeur en chef, Ted Whitman, Ray Clarke et Benita Heindel vont prendre un verre au bar d'à côté. Accoudé au comptoir, se trouve également Ron Fogel qui est en train de proposer à un autre dessinateur d'être son assistant, mais il refuse. Ted Whitman et Ray Clarke vont ensuite proposer leurs services chez l'éditeur Verve Comics et ils croisent à nouveau Sid Mitchell sortant du bureau de l'éditeur, toujours furax et suggérant à l'éditeur d'aller se faire voir dans le bureau de son oncle. 1955 - Dans un pub irlandais de Manhattan, les auteurs et éditeurs de comics se sont réunis pour étudier le projet d'un syndicat les représentant. La polémique démarre tout de suite, certains créateurs estimant que les responsables éditoriaux n'ont rien à faire là. Après s'être fait traiter d'homosexuel, Jess Mailberg décoche un coup de poing dans le visage d'Alfred Kessler. Après 10 ans passés à travailler à son compte, Ted Whitman finit par prendre un poste d'employé chez Masters, Bryant et Olyphant. Benita Heindel se fait embaucher par le périodique Manhattan Magazine. Ray Clarke travaille dans un studio de dessinateurs.

Howard Chaykin est un auteur complet de comics ayant aussi bien travaillé pour DC Comics, que pour Marvel Comics, en tant que dessinateur, puis en tant que scénariste. Il est également un des auteurs indépendants de premier plan dans les années 1980, Frank Miller ayant à plusieurs reprises indiqué qu'il fait partie de ses inspirations. Dans cette histoire, il évoque l'industrie des comics vue de l'intérieur, à hauteur de dessinateur. Dans la postface, il explique que quand il a commencé à parler de ce projet, ses interlocuteurs comprenaient qu'il allait régler ses comptes avec ses nombreux ennemis dans la profession. Chaykin clarifie son intention : il s'agit d'évoquer le petit monde des auteurs de comics de 1945 à 2015, au travers de véritables anecdotes, mais avec des personnages fictifs. Il ne souhaite nullement procéder à un règlement de compte, mais plutôt montrer les artistes qui ont participé à la création et au développement des personnages sur lesquels, dans les années 2010, s'est développée une industrie du divertissement au chiffre d'affaires se comptant en milliards de dollars.

Mais quand même. Howard Chaykin indique qu'il ne s'agit pas de personnages réels, et qu'il a plutôt voulu réaliser l'équivalent d'un roman à clef. S'il ne connait rien à l'industrie du comics et à ses auteurs phare, le lecteur ne reconnaît personne et assiste à une comédie dramatique acerbe et amère, souvent cinglante et cynique, une sorte de jeu de massacre entre individus vivant dans un microcosme. S'il connaît un peu le monde des auteurs de comics et l'histoire de cette industrie dans les grandes lignes, il reconnaît tout de suite Stan Lee en Bob Rose : même capacité surnaturelle à l'autopromotion, même construction d'un personnage incarnant la maison d'édition (Marvel pour Stan Lee) dont il n'a jamais été propriétaire, dont il s'est fait virer comme les autres. Par voie de conséquence, il reconnaît Jack Kirby dans le personnage de Sid Mitchell et la relation qu'il entretient avec Bob Rose. Chaykin s'est fait un malin plaisir de reprendre un de ses personnages Powerhouse (dans Power and Glory) pour incarner l'archétype du premier superhéros (Superman). du coup, Irwin Glaser et Ira Gelbart ne sont autres que Jerry Siegel (1914-1996) & Joe Shuster (1914-1992). Bien sûr, s'il regarde de plus près, le lecteur constate que certains éléments ne collent pas : par exemple les dates de mort pour Siegel & Shuster. Mais il n'y a pas à s'y tromper : la clé est bien celle-là. S'il est vraiment familier de l'histoire de l'industrie des comics, le lecteur identifie aisément de nombreuses autres références comme la tentative de créer un syndicat pour défendre les auteurs, également évoquées par Will Eisner dans The Dreamer (1985), ou l'anecdote de l'artiste ayant l'habitude de voler des pages originales dans les bureaux des éditeurs. de même qu'il ne peut qu'être attristé en voyant Ted Whitman s'indigner devant l'appropriation d'une de ses cases de comics par Roy Lichtenstein (1923-1997), fait bien réel Lichtenstein s'étant approprié une case de Russ Heath (1926-2018).

Mais quand même, c'est également une comédie dramatique décapante. Il faut un temps d'adaptation au lecteur pour constater comment l'auteur a construit sa série : chaque épisode comprend des scènes passant d'une époque à une autre souvent les mêmes d'un épisode à l'autre : par exemple pour l'épisode 2 : 1945, 1955, 1965, 2001. Howard Chaykin réalise des pages impressionnantes en termes de reconstitution historique. Dès la première page et la remarque que les gens qui savaient s'habiller, le lecteur observe les tenues des hommes et des femmes et peut voir l'amour de l'artiste pour ces tenues. Il aime bien dessiner des costumes chics pour les hommes et des jupes assez serrées pour les femmes. le lecteur constate que la mode change avec les années et qu'arrivé dans les années 2000 et 2010, la décontraction prend le dessus, ce qui n'empêche pas les vétérans de l'industrie de conserver une vraie classe. de la même manière, le lecteur se repaît des décors naturels et des intérieurs, Chaykin ayant investi un temps considérable pour représenter les immeubles et leur architecture spécifique, en fonction des années, ainsi que les ameublements et les accessoires d'intérieur. Il est visible qu'il utilise des photographies de référence, parfois à peine retouchées, parfois retracées, parfois intégralement refaites en dessin. Cette approche du décor les rend réalistes et réels, ancrant le récit dans le témoignage, presque dans le reportage de terrain.

Comme à son habitude, Howard Chaykin donne une gueule à chaque personnage. Il a adouci la sensation d'exagération de la forme des visages, mais les émotions peu flatteuses et les états d'esprit transparaissent sur les visages sans beaucoup de filtre ou de retenue. Dans le même ordre d'idée, les réparties fusent, avec une crudité sans filtre, et un cynisme de bon aloi. Les dames sont dessalées, et les hommes ne se font d'illusion sur leur valeur économique. de ce point de vue, Chaykin est un véritable auteur qui fait le choix de mettre à nu la réalité de la situation, débarrassée de toute trace d'hypocrisie. de prime abord, cela donne l'impression de rapports humains, durs, presque méchants du fait de cette honnêteté peu flatteuse. Petit à petit, le lecteur se rend compte qu'il apprécie que les uns et les autres soient en mesure de faire preuve d'un tel recul sur leur propre situation. Les uns et les autres savent qu'ils réalisent des pages dans une chaîne de production industrielle, pour des patrons ou des chefs qui ne voient en eux qu'une main d'oeuvre facilement remplacée, à peine capables de réaliser des produits pour des enfants idiots, des produits de consommation, aussi vite lus, aussi vites jetés, aussi vite remplacés par ceux du mois suivant. Les aspirations d'auteur se brisent sur cette réalité de produit bon marché jetable, imprimé sur du papier d'une gamme à peine supérieure au papier toilette.

Une fois en phase avec la construction très inhabituelle des épisodes et de la série et avec la franchise sarcastique des personnages, le lecteur découvre un microcosme ahurissant entre le népotisme, le paternalisme, le mépris des responsables éditoriaux, l'échec consubstantielle de l'emploi des auteurs (main d'oeuvre produisant des produits à usage unique). La dimension économique prend une tournure de plus en plus cruelle, alors que ces créateurs vieillissent et deviennent, pour la plupart, moins productifs, moins innovants et passés de mode, que les jeunes générations s'inspirent sans vergogne de ce qu'ils ont fait et que les entreprises les ayant employés disparaissent ou deviennent des multinationales au chiffre d'affaire se comptant en milliards grâce à des propriétés intellectuelles (les personnages) au mieux achetés une centaine de dollars, au pire acquis dans le cadre d'un contrat de main d'oeuvre, sans aucune compensation pour la création de nouveaux personnages. La description analytique est d'autant plus cruelle qu'Howard Chaykin parle de ces sujets en tant que professionnel, et qu'il appuie là où ça fait mal (l'insupportable avatar de Stan Lee, à peine exagéré). Alors, oui, la lecture apparaît plus riche pour le lecteur connaissant l'histoire de l'industrie, car il ressent tout l'investissement émotionnel d'Howard Chaykin, il est capable reconnaître des individus, d'identifier des anecdotes. Il perçoit son propre investissement émotionnel dans ces créateurs dont les comics et les personnages lui ont parlé depuis des années, peut-être des décennies. C'est à la fois un déchirement de les voir ainsi exploité par une industrie sans âme, et un choc de les voir se comporter comme des êtres humains avec leurs défauts. Il est possible qu'un lecteur novice porte un regard plus critique sur ces individus incapables de se rendre compte de leur statut de main d'oeuvre sans aucune reconnaissance, jusqu'à ce qu'il pense à sa propre situation.

Sous réserve qu'il puisse s'adapter à la structure très particulière de cette oeuvre, le lecteur côtoie les créateurs de comics dans leur quotidien, dans ce qu'il a de révélateur de leur condition d'employé ou d'artisan libéral, dans l'évolution de leurs relations, dans l'indécence du système capitaliste qui les exploite, en bénéficiant d'une reconstitution historique remarquable. le tour de force d'Howard Chaykin est de raconter tout ça de manière digeste et élégante, le sourire aux lèvres du début jusqu'à la fin.
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