Nous sommes en 1948, au Caire. Une épidémie de choléra sévit, fait des ravages dans la population. La vieille Saddika Om Hassan dévouée corps et âme auprès des siens, s'occupe de son mari Saïd paralytique et élève son petit-fils Hassan orphelin. Elle découvre un jour que ce dernier présente tous les signes de la terrible maladie.
La vieille n'a pas confiance en l'hôpital, qui est un vrai mouroir... Alors il faut se cacher, fuir car l'annonce de la maladie pourrait être une déflagration dans la communauté toute proche, la peur se propage parfois plus vite que l'épidémie...
Fuir, où, quand, comment... ? Fuir pour se cacher, le temps de... le temps de six petits jours, elle reviendra
le sixième jour, car ne dit-on pas qu'au sixième jour , « ou bien on meurt, ou bien on ressuscite... »
Alors, c'est une fuite avec son petit-fils dont les forces déclinent presque à chaque heure. C'est un corps frêle qui pèse comme un fardeau en lui. Accablé. Elle non plus, la vieille Saddika Om Nassan, n'est plus très solide sur ses vieilles jambes un peu brinquebalantes. Fuir vers le Nil, là-bas sur l'eau, se réfugier sous la toile d'un felouque qui filera vers la mer, ils seront tranquilles, apaisés et au bout du sixième jour ils reviendront, elle reviendra avec son petit-fils, il sera debout à ses côtés, ou bien peut-être dans ses bras comme un petit être desséché, abandonné par la vie, poupée vidée de toutes ses forces...
Elle sait que nulle part l'enfant ne sera plus en sécurité que sur l'eau.
Elle va emporter son petit-fils dans l'entrelacement et la cacophonie des ruelles, parmi le bruit des charrettes, parmi l'odeur et les couleurs des échoppes, le dédale des quartiers qui descendent vers les rives du fleuve. À chaque page, j'avais l'impression d'être là à leurs côtés. Je me perdais comme eux dans le labyrinthe infatigable des rues. Mon coeur battait comme celui de la vieille, peut-être aussi comme celui de l'enfant dont les forces déclinaient sous mes yeux.
J'avais envie de bousculer les marchands qui tendaient vers moi leurs fruits, leurs légumes comme les offrandes de la terre, celles que le petit Nassan pourrait peut-être de nouveau enfin goûter après
le sixième jour.
D'autres personnages peuplent l'histoire, parfois bienveillants, parfois il faut s'en méfier. C'est comme ce montreur de singe qui décide de faire un bout de chemin pour les aider... J'ai aimé ce batelier de la felouque, comme un ami...
Chaque jour, chaque heure qui ont passé, ont pesé dans le coeur de la vieille et de l'enfant, et dans mon coeur aussi...
Malgré les obstacles, ils avancent... Chaque pas est un pas vers l'espoir, vers la vie, chaque pas est peut-être aussi un pas vers la mort. Qui sait...
L'écriture poétique d'
Andrée Chedid m'a pris par la main et entraîné vers les rives du Nil.
Certains y verront une histoire chargée de symboles. Je me contenterai d'y voir un récit pétri d'émotions tout en retenue, écrit avec beauté et justesse, l'amour d'une vieille femme qui veut sauver à toute force son petit-fils... C'est un roman épris d'humanité et qui fait du bien.