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♫Il vient chez vous la nuit
Sans déranger votre sommeil
Il décroche sans bruit
Le tableau acheté la veille
Puis avant de partir
Après ses coupables travaux
Il laisse un mot sur le piano
C'est le plus grand des voleurs♫
Jacques Dutronc- 1975 -
---♪---♫---🧐---🐱‍👤---🧐---♫---♪---
Vie et moeurs d'un charmant agitateur, anarchiste et voleur
Alexandre Marius Jacob (1879-1954)
"J'aime l'argent.
J'ai vu la joie orgueilleuse de ceux qui en ont
et l'envie torturante de ceux qui n'en ont pas;
j'ai entendu ce qu'on dit aux riches
et le langage qu'on tient aux malheureux"
C'était un homme d'action qui n'avait pas froid aux yeux.
Un homme qui aurait pu, s'il avait été mieux né,
s'il avait eu sa chance, connaître un tout autre destin.
On a dit que Maurice Leblanc s'en est inspiré
pour créer son personnage d'Arsène Lupin !?
Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé
j'ai la cosse, excusez...
Je me suicide un samedi.
Tout homme a droit au banquet de la vie ...
J'ai vu le monde et il n'était pas beau !
Le travailleur de la nuit
Par Matz et Léonard Chemineau
Reconstitution d'un parcours réussie 🧐



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Palais de justice d'Amiens, 8 mars 1905. Devant le juge, un certain Alexandre Marius Jacob, qui, faisant fi de l'autorité de ce dernier, ne manque pas de se moquer de lui. L'écoutant relater son enfance, depuis ses études primaires jusqu'à sa désertion, à 13 ans, alors qu'il était marin, Alexandre Jacob se souvient...
Né à Marseille en 1879, fils de boulanger, il se destine à un tout autre avenir : marin. Il se fait embaucher comme mousse, sur le Tibet, en 1905 par un certain Martinaud, au grand dam de sa maman qui le pleure. Malheureusement, les traversées ne se passent pas comme il l'imaginait. On était bien loin des récits de Jules Verne et le jeune homme, qui devait trimer à longueur de journée, est déçu. Il découvre la misère et l'exploitation, les maltraités et les exploités, et se rend compte combien le monde n'est pas beau. de retour chez lui, désoeuvré et écoeuré, il se réengage pourtant à bord d'un bateau des messageries maritimes. Là encore, son voyage se passe mal et, lors d'une escale à Sydney, il quitte le bateau et déserte...


Matz, au scénario, retrace le parcours pour le moins rocambolesque, romanesque et atypique d'Alexandre Jacob, cambrioleur notoire, coupable de plus de 150 vols. Des vols que lui qualifiait de "reprise individuelle" dans le sens où il ne volait que les parasites (comme les juges ou les curés) et redistribuait aux plus démunis. Reconnu coupable de tous ces méfaits, il passera presque 20 années au bagne de Cayenne, un endroit où l'espérance de vie est de 5 ans. Divisé en 5 parties, dont chacune s'ouvre sur le procès de 1905, cet album retrace, dans les grandes lignes, le parcours tumultueux de celui qui fut à la tête des Travailleurs de la nuit, de celui qui revint vivant du bagne et qui dénonça les conditions de vie dans cette prison, de celui qui aurait inspiré le célèbre personnage d'Arsène Lupin, de celui qui dérobait aux riches pour donner aux pauvres et de celui qui se moquait de toute forme d'autorité. Matz nous offre ainsi un scénario rythmé et passionnant mettant en scène un homme anarchiste et libertaire. Graphiquement, les aquarelles de Léonard Chemineau sont magnifiques. Que ce soit les toits de Paris ou le port de Marseille, le décor est détaillé. Les personnages sont expressifs et la mise en page très dynamique.
Une "riche" aventure...
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Un gros coup de coeur pour cette BD qui retrace la vie d'une homme révolté.

Alexandre Marius Jacob commence a travailler à l'âge de 11 ans. Il rêvait d'embarquer sur un navire, les écrits de Jules Verne lui ont donné cette envie. Lorsqu'il croise le chemin d'un capitaine d'armement, son voeux est exaucé. Mais son destin lui réserve des surprises.

Cet homme a appris la vie en voyageant, en voyant ce qu'il se passait dans son pays et dans le monde. Mais pour lui le monde est d'une noirceur sans pareille. Il se révolte sur tout et surtout reste fidèle à ses conviction quoi qu'il arrive.

Cet homme a l'humour acerbe et si franc est un être comme j'aurais aimé en rencontré. Et j'avoue que même si il a choisi parfois des chemins un peu tortueux, je respecte ces hommes qui restent droits et qui vont au bout de leurs idées. Surtout quand celle-ci se résume en un mot : la liberté !

Des hommes comme Alexandre sont rares et je remercie fortement les auteurs de cette BD pour avoir su, avec brio mettre en avant un personnage d'une telle grandeur.
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D'aucuns prétendent que Maurice Leblanc s'est inspiré du personnage central de cette BD pour créer son Arsène Lupin. C'est possible.
Cet Alexandre Marius Jacob est un certes un voleur, mais un voleur en col bleu, qui mouille la chemise et dont la conduite est dictée par de solides valeurs de lutte des classes.
La narration de Matz est efficace, prenante, richement inspirée d'une bibliographie conséquente.
Les planches aquarellées de Chemineau offrent à cette histoire émouvante des couleurs et des scènes magnifiques.
A découvrir absolument.
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C'est en fredonnant "c'est le plus grand des voleurs, oui mais c'est un gentleman..." que j'écris ce billet.
Dès la première réplique j'ai aimé Alexandre et j'ai Jubilé face à son courage, ses répliques, sa réparti. Sa rhétorique est d'une justesse imparable . Dès la première planche le ton est donné et c'est avec une grande délectation que je me suis calée un peu plus dans mon fauteuil et que j'ai plongé dans cette BD pour faire plus ample connaissance avec ce grand Monsieur qu'est Alexandre Marius Jacob.
Dès sa plus jeune enfance il est confronté à des désillusions sur le monde qui l'entoure, monde de mensonges, de perversités, de trahisons. Tout cela va le conduire à devenir ce héros, ce Robin des bois.
Un petit détour vers sa biographie, s'impose maintenant pour moi afin de mieux connaître cet Alexandre Marius Jacob si attirant. J'espère que je ne serai pas déçue car le portrait qu'en brosse Matz est tout à fait fascinant.
Je te rejoins Visages et je comprends ton enthousiasme pour ce beau personnage. Tu as toujours eu un faible pour Robin des bois ;-)
BD coup de coeur.
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Alexandre Jacob a réellement existé.
Avec pareil pédigrée, il eût été ballot de ne point en faire une BD.

Kouasi anti-tout (ami curé, collecteur d'impôt, militaire, de cet Alexandre, ton ami tu n'aurais fait), il était un curieux mélange d'audace, de révolte, de naïveté et d'opiniâtreté qui en firent le cauchemar des puissants et le client fidèle des prétoires.
Il se murmure que par sa façon d'agir, il aurait inspiré Maurice Leblanc, créateur d'Arsène Lupin, assertion qui sera toujours vigoureusement niée par l'intéressé.

Alors quid de cette personnalité atypique ?
Attachant, voilà bien le terme qui convient.
Non exempt d'une certaine violence, il s'efforcera de coller au plus près de ses valeurs tout en y apportant certains bémols une fois le bagne expérimenté, à son corps défendant.

Le Travailleur de la Nuit retrace ses vies, son oeuvre car le bougre aura goûté à tout. Mais toujours du mauvais côté de la barrière aux yeux de la loi.

Le travail de fond de Matz associé au trait caressant de Chemineau file à une allure folle sur les rails du succès.
N'étaient certaines ellipses bien trop longues, ce récit, nerveux et visiblement bien documenté, m'aura fait découvrir un personnage hors norme.
De ceux qui auront eu mille vies sans jamais ployer sous le joug d'une société pour laquelle il n'était pas formaté. Devait fonctionner sous windows 2, le gars.

Une belle découverte qu'il convient d'approfondir ultérieurement histoire de creuser un peu plus la trajectoire inaccoutumée de ce rebelle des temps anciens.
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Coup de coeur pour cette BD et coup de foudre pour Alexandre Jacob! Cet homme est à la fois Robin des bois et Arsène Lupin mais avec un charisme et une conscience politique et sociale bien supérieurs! Si on y ajoute ses valeurs humanistes et son coeur juste et tendre cela en fait l'homme idéal... incroyable mais vrai ! Certes, c'est un voleur,mais voleur pour une société capitaliste c'est être bienfaiteur pour l'humanité. Il ne volait pas n'importe qui et ne faisait pas n'importe quoi de son butin. Cet anarchiste qui prônait " la reprise individuelle" et " le transfert des richesses" plutôt que la violence des bombes, a eu une vie extraordinaire. Depuis ses onzes ans où il embarque comme matelot, en passant par la prison,le bagne, son engagement dans les " travailleurs de la nuit"ll n'a jamais fait faux bond à ses valeurs et à son amour inconditionnel de la liberté. Jusqu'à son dernier souffle c'est l'amour de la justice et le respect des êtres qui l'auront guidé.
Le graphisme de Léonard Chemineau est parfait,les expressions plus vraies que nature, chaque page explose des couleurs de la vie. le texte de Matz est tout simplement digne d'Alexandre Jacob et lui rend l'hommage qu'il mérite. Des extraits du livre le Voleur de Georges Darien sont plusieurs fois cités et me donne très envie de le découvrir.
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NUMÉRO 34777

« Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire. Attila. - P.S. : Ci-joint dix francs pour la vitre brisée et le volet endommagé. »

C'est ainsi qu'Alexandre Marius Jacob dit Marius Jacob s'excusera, à l'aide de l'une de ses habituelles cartes de visite laissée en apparence sur le meuble du bureau d'une maison que lui et sa bande étaient sur le point de cambrioler... Au cours de cette fortuite visite, le sieur Jacob, anarchiste par conviction, lettré autodidacte par passion et cambrioleur pour vivre et redistribuer, s'aperçu qu'il avait mis les pieds chez un certain Julien Viaud, certes Capitaine de Frégate - notre monte en l'air n'appréciait guère les brutes galonnées pas plus que tout ce qui portait uniforme d'une manière générale -, mais néanmoins écrivain, et quel ! puisqu'il s'agissait rien moins que du célèbre, encore bien plus à l'époque qu'aujourd'hui, Pierre Loti.

D'ailleurs, pour lui, le vol n'avait pas qu'une dimension pratique, une fonction vitale, loin s'en faut. C'était aussi, éminemment, un geste politique quasi pur. D'ailleurs, il se refusait à cambrioler certaines personnes : «nous ne touchons pas à ceux qui travaillent et sont "utiles" : les médecins, les écrivains, les professeurs, les travailleurs, les commerçants, même s'ils sont riches». La cible de ce détrousseur de haute voltige, ainsi que de sa bande, qu'il avait nommé "Les travailleurs de la nuit" (d'où le titre de l'ouvrage), la voici : «Nous nous attaquons aux exploiteurs, et aux parasites : les églises, les juges, les militaires, les rentiers...» expliquera-t-il au cours du procès qui finira par l'envoyer au bagne pour... Dix-huit années, quand l'espérance de vie à Cayenne, dans les conditions que l'on imagine, n'excédait pas les cinq ans !!!

Car procès retentissant, il y eut, et il put alors s'expliquer, avec fougue, avec verve, truculence même, humour souvent : cet homme d'origine alsacienne mais qui naquit à Marseille dans un milieu populaire s'embarqua très tôt, à douze ans, après le certif'. Il verra des choses bien sombres, les trafics, l'esclavagisme, des réprouvés envoyés au bagne, des actes de piraterie, la violence des marins contre les plus faibles (et souvent les plus jeunes d'entre eux), l'homosexualité contrainte, l'appât du gain facile, l'alcoolisme... Mais une force de caractère peu commune et une intelligence redoutable lui permirent d'échapper au pire, de louvoyer dans ces eaux saumâtres d'une humanité dont il dira à cette occasion : « J'ai vu le monde ; il n'est pas beau. »

Malgré ses opinions politiques - l'anarchisme plutôt que le socialisme -, il parviendra à s'insérer dans la société à son retour de mer, tout en s'adonnant à un militantisme somme toute assez tranquille. Mais l'anarchisme est combattu comme jamais en ces années de "Belle-époque", désavoué par les rangs socialistes qui ont choisi d'agir au grand jour et par l'action légale, tandis que nombres d'actes anarchistes s'expriment par l'assassinat, la terreur et les bains de sang. C'est du moins l'essentiel de ce que voit et condamne l'opinion publique de l'époque ainsi que la justice et les pouvoirs établis. Nombre d'entre eux finissent pendus, tués au cours d'assauts policiers ou guillotinés. Ravachol en sera l'un des exemples les plus fameux.

Les moins violents - et ceux qui s'y refusent philosophiquement - sont souvent conduits à mener des existences interlopes... C'est ce qu'il arrivera à notre héros malgré lui. Arrêté pour une sombre affaire d'explosifs, il sera dès après fiché par la police. Dès lors, chaque fois qu'il cherchera à retrouver un travail honnête, des agents viendront immédiatement en informer ses futurs employeurs qui s'empresseront de le renvoyer, plutôt que de souffrir mille tracasseries judiciaires... À partir de ce moment-là, Alexandre Jacob s'enfoncera dans un "illégalisme pacifique", devenant donc le travailleur de la nuit que la postérité gardera en mémoire, sera attrapé par deux fois, la première, à Toulon, où il simulera la folie et parviendra à s'échapper avec la complicité d'un des infirmiers de l'asile, sera momentanément commerçant quincaillier sous le nom de sa femme (pour, expliquera-t-il, étudier les mécanismes des coffre-forts en toute légalité dans son magasin !).

La seconde fois sera cependant la dernière : le 22 avril 1903, il est "serré" avec deux de ses complices à Abbeville. Sa bande toute entière sera définitivement démantelée dans la foulée et il sera jugé deux ans plus tard à Amiens pour 156 affaires ! C'est ce prétexte - dont il demeure toutes les traces, ce qui permet une exactitude pas toujours identique avec ce genre de personnage décidément très haut en couleur. Lui-même écrira l'histoire de sa vie par la suite - que prennent le scénariste Matz et le dessinateur et coloriste talentueux Léonard Chemineau pour servir de fil rouge au déroulé de cette vie d'Arsène Lupin véritable (Maurice Leblanc, alors chroniqueur judiciaire pour se procès, refusera toujours d'admettre les correspondances entre son personnage de papier et le talentueux, fascinant anarchiste cambrioleur. Il n'empêche que les points communs sont trop nombreux - attirance de Lupin pour la "jet-set" mise à part, ainsi qu'une dimension politique quasi absente chez le "gentleman" - pour s'y tromper tout à fait.

Puis ce sera le Bagne... Une correspondance passionnée avec le grand reporter et écrivain Albert Londres permettra à Jacob de revenir en France après dix-huit années, dont onze de cellule, dans des conditions la plupart du temps désastreuses pour la santé physique comme morale, mais l'homme est un coriace, et il tiendra bon !

À son retour, il cessera toute activité illégale mais, fort de ses lectures (Élisée Reclus, Pierre Kropotkine, Malatesta et bien d'autres, qu'il a pu approfondir, malgré tout, à Cayenne), de ses connaissances en droit accumulées durant ces interminables années de rétention en enfer, il s'engagera dans la propagande auprès du journal le Libertaire. Revenant déçu d'Espagne où il comprendra que rien n'était possible pour les anarchistes, en interne, face aux communistes staliniens, aux luttes de pouvoir et, bien entendu, face aux franquistes, il fera comme nombres d'anarchistes après l'armistice : sans s'engager dans quelque réseau que ce soit, la porte de sa petite maison de Reuilly sera connue pour être un havre à tous ceux cherchant, pour un temps, à se cacher des autorités d'occupations ou de collaboration.

Sa mort est à la hauteur du personnage, sans dieu, sans maître et dans un geste total de liberté, non sans un ultime trait d'esprit, attendrissant à défaut d'être drôle. Un homme debout, droit et fidèle à lui-même, jusqu'à la fin. (A ses femmes aussi : ses deux épouses, l'homme devenant veuf au bagne... ainsi que sa chère maman. Mais laissons-en un peu au lecteur !)

Quoi que relativement connu pour qui s'intéresse au mouvement anarchiste, à l'histoire et à la littérature de cette fameuse "Belle-époque", il était vraiment très judicieux de dépoussiérer un peu cette biographie à peine romancée d'un être dont c'est la vie elle-même qui pourrait passer pour un roman ! L'ensemble est mené de main de maître par ces deux créateurs, et si l'on peut dire que Matz a de la bouteille en tant qu'écrivain, Léonard Chemineau ne signe là que son quatrième album. Pour autant, son dessin qui se balade entre réalisme et semi-réalisme, fait d'aquarelles extrêmement stylées, d'une grande précision lorsqu'il s'agit de rendre des atmosphères de villes ou l'exactitude d'un bâtiment, très évocateur, dynamique et vivant dès lors qu'il portraiture les personnages de l'époque, ce dessin est d'une grâce sans égal et un véritable bonheur visuel.

L'ensemble est une telle réussite, fourmille de tant de détails - aussi bien narratifs que graphiques - qu'on se prend à très vite le relire, à le savourer encore un peu... Puis à se diriger vers les oeuvres de Georges Darien, grand littérateur classé parmi les "prolétariens" (dénomination qui fait presque toujours fuir, alors même qu'il se trouve des pépites parmi ces romans-là), pour reprendre, enfin, le voleur, qu'on a découvert il y a si longtemps qu'on pense qu'il est enfin temps d'y remettre le nez ! Car si Leblanc s'inspira certainement d'Alexandre Jacob pour son Arsène Lupin, il est incontestable que ce monte en l'air de génie, cet intellectuel qui s'est formé lui-même, ressemble de manière troublante au personnage principal du roman passionnant de l'auteur de Biribi ou encore de Bas les coeurs ! , lui-même intellectuel engagé dans l'anarchie politique.

Sans doute l'ex-marin, ex-cambrioleur, ex-bagnard aurait-il pu faire siens, au seuil de sa vie, ces mots d'introduction à La belle France, ou Darien évoque l'idée d'un relèvement du pays : «Ce sont des choses que je ne veux plus croire, que je ne veux plus voir, à présent. Je n'ose pas dire ce que je crois, ni ce que je vois ; je n'ose pas dire : Vive la France de demain ! Je persiste à crier, seulement : À bas la France d'aujourd'hui !»
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Et si nous démarrions cette chronique par un petit quiz ? Ce personnage est adepte des toits et des nuits. Les fenêtres, les portes cadenassées, les coffres forts les plus hermétiques ne savent pas lui résister. Il défraie la chronique journaliste de ce début du XXème siècle. C'est un grand séducteur, il a beaucoup d'humour, laisse ses cartes de visite sur les lieux de ses forfaits et tire sa révérence devant l'ordre établi. Ah ! Dernier petit détail, ce personnage a réellement existé. Vous avez cinq secondes pour deviner qui se cache derrière ce portrait. Arsène Lupin ?! Mais non, vous n'y êtes pas du tout. Arsène Lupin n'a jamais existé, en revanche celui-ci aurait inspiré Maurice Leblanc pour construire son personnage de prédilection, bien qu'il s'en soit toujours défendu.
Non, ici je vous présente le fameux Alexandre Jacob, personnage réelle. Salutations, s'il vous plaît pour lui !
Cette merveilleuse BD m'a enchanté comme dans les récits de Maurice Leblanc, à la différence qu'ici le personnage principal est construit dans une dimension sociale, anarchiste, révoltée qui lui donne une épaisseur palpable, nous venons à lui avec empathie, faisant presque passer Arsène Lupin pour un cambrioleur d'opérettes.
La BD se tient en cinq chapitres. Chacun de ses chapitres est un feed-back qui commence sur ce procès de 1905 où Alexandre Jacob tient quasiment lui-même sa plaidoirie de manière éloquente et brillante, plaidant non pas sa cause personnelle mais celle des autres, les laissés pour compte, celle qui le tient debout et le fait marcher en équilibre sur l'arrête des murs, les toits, les faitages comme les chats de gouttières...
Ses allers-retours entre passé et présent nous amènent tout d'abord à l'enfance. Alexandre Jacob a treize ans. Il a des étoiles plein les yeux, traîne sur les quais du port de Marseille, lit Jules Verne, rêve du grand large, rêve d'embarquer et de partir. Ce sont des étoiles qui seront vite éteintes lorsqu'il embarquera. C'est là que son coeur d'éponge entend une forme d'injustice autour de lui, sur les docks, sur les embarquements. C'est là qu'il se rend compte très vite que le monde ne ressemble pas à l'image qu'il s'en faisait.
Matz, le scénariste nous peint une histoire totalement rocambolesque, violente, émouvante aussi, avec un personnage magnifique, intelligent, élégant, entier, à fleur de peau, avec une toile de fond sociale et politique très réaliste... Les dessins de Léonard Chemineau sont magnifiques, les personnages, les espaces, la dynamique dans laquelle l'histoire s'anime, va et vient, les villes portuaires, les toits de Paris, le bagne de Cayenne, tout cela qui va et vient dans le coeur tourmenté et aimant d'Alexandre Jacob...
Quelquefois, la vie tient à un fil, une façon de grimper sur un toit, poser les pas sur des faitages avec en dessous la ville de Paris qui bruit. À quoi ressemblait cet enfant naguère qui rêvait d'océans et d'îles, est-ce qu'il marchait déjà en équilibre sur le bord des quais, les pieds à quelques millimètres du vide, cet enfant devenu adulte qui aime, étreint contre son coeur la femme qu'il aime avec autant de fougue qu'il éventre et pille les coffres forts des riches bourgeois ? À quoi tient une main tendue d'un enfant vers la vie qui est devant ?
Parfois dans ses pérégrinations de grimpe en l'air, avec élégance Alexandre Jacob renonce lorsqu'il aperçoit qu'il est entré dans un endroit digne de son respect... J'ai alors entendu comme une petite chanson, celle de Georges Brassens, Stances à un cambrioleur...
Le bagne est une parenthèse de dix-huit ans. Une façon d'écrire pour continuer à vivre. Les mots sont des scies qui torturent les barreaux de sa prison. Derrière sa fenêtre, la mer est immense, ses désillusions aussi. Son cœur bat pourtant. Et c'est un bruit magnifique qu'on saisit dans le silence des murs et les aquarelles de Léonard Chemineau.
Plus tard, après le bagne, longtemps plus tard, la vie continue jusqu'au bout, ce qui compte pour Alexandre Jacob, c'est d'être libre de son destin jusqu'au bout, jusqu'au bout, jusqu'au bout...
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Après le légendaire Robin des Bois du Moyen Age et un peu avant le gentleman cambrioleur Arsène Lupin (né sous la plume de Maurice Leblanc en 1905), il y eut l'authentique Alexandre Marius Jacob.
Né en 1879 à Marseille, fils de boulangers modestes, il n'avait rien contre le travail. La preuve : il fut d'abord mousse (et pirate malgré lui) puis apprenti chez un typographe. Dans cet atelier, il fit la connaissance d'un groupe d'anarchistes, rejoignit le mouvement et commença à avoir des idées ingénieuses pour appliquer certaines théories lues chez Élisée Reclus, Pierre Kropotkine et Malatesta.
Plus qu'un moyen de s'enrichir, le vol était pour lui "comme une entreprise de démolition".
.
L'album s'ouvre sur le procès de cet homme, le 8 mars 1905. Grâce au panache et au répondant de Jacob, ces pages sont un régal.
Ses cibles en font en outre un personnage fort sympathique : "Nous nous attaquons aux exploiteurs et aux parasites : les églises, les juges, les militaires, les rentiers..." (p. 74) et la fin justifie ses moyens : "Je ne vole pas pour vivre comme un bourgeois ou un parasite" (p. 82) - il redistribue.
On jubile de le voir 'gagner'.
On s'émeut lorsqu'il se fait attraper car à cette époque, c'est le bagne, et les espoirs d'en sortir vivant sont minces ("[je] ne fais pas confiance ni aux juges ni à la justice").
.
Je me suis demandé comment il agirait aujourd'hui (un mélange de Ph. Poutou survitaminé - ah non, pas assez anar', lui - et de hacker ?), car, même si les conditions des salariés et des plus défavorisés se sont améliorées, beaucoup de choses n'ont guère changé :
"Tant que la conscience individuelle des hommes n'aura pas évolué, la volonté de puissance de quelques-uns triomphera." (p. 113)
A titre (plus ou moins) anecdotique, on peut également comparer la gabegie de l'exposition universelle de 1900 à Paris à celle des JO qui se préparent dans cette même ville :
"Une honte nationale (...). Des millions dilapidés pour des pavillons éphémères à la gloire du progrès, mais où l'entrée était si chère que seuls les bourgeois du monde entier pouvaient y aller. Alors qu'à quelques centaines de mètres de là, aux portes de Paris, les gens mouraient de faim et de maladie. (...) de quoi avoir envie de tout casser, de voler encore plus, DE PILLER, DE BRÛLER !"
(p. 83)
.
Merci aux auteurs de m'avoir fait connaître ce personnage haut en couleur. ♥
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