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Critique de jfcastell


François Mitterrand, dans sa très belle préface du livre de Marie de Hennezel « la mort intime » s'interrogeait :

« Comment mourir ?
Nous vivons dans un monde que la question effraie et qui s'en détourne. Des civilisations, avant nous, regardaient la mort en face. Elles dessinaient pour la communauté et pour chacun le chemin du passage. Elles donnaient à l'achèvement de la destinée sa richesse et son sens. Jamais peut-être le rapport à la mort n'a été si pauvre qu'en ces temps de sécheresse spirituelle où les hommes, pressés d'exister paraissent éluder le mystère. Ils ignorent qu'ils tarissent ainsi le goût de vivre d'une source essentielle ».

« Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie » est un petit livre qui nous donne quelques pistes de réflexion pour aborder cette grande question. Il présente l'intérêt d'avoir été écrit par le poète François Cheng, qui excelle à nous faire profiter à la fois de sa double culture, occidentale et chinoise et de sa grande érudition. Sans donner de leçon, il s'interroge. du coup, sa méditation devient, de façon très naturelle, celle du lecteur. Aux raisonnements philosophiques, il préfère les paroles des poètes, « non pour leur lyrisme, mais en raison de la fulgurante intuition qui les a suscitées, de leur formulation éminemment incarnée ».

En lisant ce livre, on se surprend donc à méditer en compagnie de François Cheng sur ces trois notions indissociables que sont la vie, la mort et le temps. Heidegger, bien sûr, est évoqué (« dès qu'un homme est né, il est assez vieux pour mourir »), mais aussi Goethe, Hölderlin, et surtout Rilke, qui décrit l'union de la vie et de la mort par le « Double royaume ». Et c'est ainsi que nous sommes invités à ne pas « nous accrocher seulement à ce seul versant de la vie, mais de nous situer au coeur du Double-royaume », puisque « en excluant la mort de sa vie, on se prive d'une vie complète et en l'y accueillant, on élargit et enrichit sa vie » (Etty Hillesum). On s'interroge ensuite sur les besoins que la conscience de la mort fait naître en nous : celui de nous réaliser (ne pas subir un « trajet de vie », mais réaliser son « projet de vie ») ; celui de nous dépasser nous-même (à travers nos passions et notamment l'amour) ; enfin, celui de tendre vers la transcendance, que ce soit par notre lien avec Dieu ou simplement avec les autres.

Ceci nous amène également à réfléchir sur ce qui distingue l'esprit de l'âme, dont François Cheng donne une définition lumineuse : « C'est elle qui, absorbant patiemment tous les dons et les épreuves du corps et de l'esprit, est l'authentique fruit conservant intact ce qui fait l'unicité de chacun. »
Après diverses réflexions, notamment sur la beauté et le mal, « les deux mystères fondamentaux qui interfèrent avec notre conscience de la mort », nous sommes enfin conduits à la grande question de la survie de l'âme. Celle-ci est vue d'abord sous l'angle de la communion des âmes au-delà de la mort, au moyen d'une belle évocation de Byron, Keats et Shelley. Evidemment, il n'y a alors plus qu'un pas pour que ce cheminement aboutisse à la question de Dieu, ou du lien qui peut unir toutes nos existences individuelles. Que l'on suive les méditations jusque-là ou que l'on ait bifurqué auparavant vers d'autres voies, on aura pris plaisir à accompagner François Cheng dans cette réflexion sur le sens de la vie : « Il n'y a qu'une seule aventure, et si chacun d'entre nous n'a qu'une seule vie, toute la Vie est une. »
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