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André Chénier (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070328123
491 pages
Gallimard (04/01/1994)
3.47/5   37 notes
Résumé :
Ce volume reproduit en fac-similé l'édition critique que Louis Becq de Fouquières (1831-1887) a publiée en 1872 chez Charpentier ; il s'agit de la deuxième édition de Becq de Fouquières, revue et corrigée, la première ayant paru, également chez Charpentier, en 1862.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Pour pouvoir apprécier la poésie d'André Chénier, il faut s'inscrire dans le mythe antique, revisiter la mythologie et ses dieux et déesses, Panthéon d'amour, de volupté, de jeux sensuels qui clament la beauté, les joies, mais aussi les turpitudes d'hymens vécus ou rêvés. Car Chénier, même si sa poésie semble grandiloquente, prise d'emphase parfois, exhale en fait une prose romantique merveilleuse, une ode à l'amour, catalogue d'expressions, de mots pour glorifier sa muse, sa dulcinée, au firmament des amants sublimés. La magie de la poésie de Chénier se trouve dans la possibilité infinie des variantes, c'est une rhétorique poétique interchangeable, avec lui on peut construire sa propre poésie d'amour dans sa poésie existante, la richesse des thèmes, la floraison de personnages, les mots choisis permettent d'offrir la plus belle des sérénades à sa promise, tel un romancero grattant sa guitare, en déclamant son madrigal à la nuit tombée.
Si on fait la synthèse de la dialectique utilisée par l'auteur, on s'aperçoit rapidement, des ressemblances avec l'oeuvre de Pétrarque ou de Ronsard, copie d'un lyrisme passionné exacerbé pour le premier et style précieux et maniéré pour le second. Mais là où Chénier apporte sa touche personnelle, c'est bien dans la forme presque épique et dans le fond antique magnifié, transformant ses vers en hymnes héroïques, chantant les amours désenchantés. Dans la seconde partie du recueil, l'auteur nous conte avec gravité, les événements qui ensanglantent la France Révolutionnaire, d'ailleurs, lui-même suspect et arrêté, rédigera, la plupart de ses poèmes en prison, là aussi, la verve lyrique est porté à son paroxysme, mais cette fois malheureusement, avec un ton aux accents de terreur et de désespoir.
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Ca y est, je m'en suis souvenu. Enfoui au plus profond de ma mémoire, Freud aurait aimé mon cas, j'ai repensé au seul, à l'unique, livre dont j'ai abandonné un jour la lecture.

Plus de flagornerie de ma part dans mes billets. Je ne pourrais plus écrire que tel auteur avec son livre n'a pas eu raison de moi et que j'ai pu aller jusqu'au bout.

Et bien, j'ai caché dans mon moi profond, cet oubli volontaire favorisé par une forme d'orgueil. Alors, je peux trouver des excuses, j'étais jeune (même pas), je ne suis pas un adepte des oeuvres poétiques, possible. Ce dont je me souviens est que ce recueil de Chénier avait été inscrit sur une liste des auteurs du XVIIIème siècle par l'un de mes professeurs de français au lycée. Pas pour le lire, mais pour nous donner des références historico-littéraires. C'est à cette occasion que j'avais appris que les poèmes de Chénier avaient été rédigés lors de son emprisonnement, durant la Révolution française, avant qu'il ne monte sur la guillotine.

J'ai tenté et j'ai échoué. le nombre de pages à lire tout en poésie a entamé mon courage d'aller jusqu'au bout. Je n'ai même pas conservé ce livre pour me rattraper. Un mal pour un bien, je pense que oui.
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En feuilletant ce très gros volume, j'ai découvert qu'André Chénier (1762- 1794) a été un poète tout à la fois précoce et prolifique. Son oeuvre a été principalement posthume. Il a écrit de très nombreux poèmes, inspirés plus ou moins directement par les poètes de l'Antiquité: il y a de belles pièces, notamment des élégies douces et élégantes, comme "La jeune Tarentine" qui demeure sa poésie la plus célèbre; j'ai choisi de mettre en citation un extrait de "Néére" qui est dans le même style et que j'ai beaucoup apprécié. Evidemment, les amateurs de Prévert (par exemple) risquent de trouver cette poésie un peu vieux jeu.
Bien sûr, il n'était pas question pour moi de lire intégralement ce recueil: cela aurait été fastidieux. Je suis passé à la fin du recueil et j'y ai lu des textes plus âpres. Chénier, pris dans la tourmente révolutionnaire, a été arrêté puis, hélas, guillotiné à l'âge de 31 ans. Alors qu'il était incarcéré, il a écrit des poèmes très marqués par sa situation de futur condamné: j'ai ajouté un extrait de son dernier texte écrit à la prison Saint-Lazare.
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Cette édition est souvent prise à tort pour une édition des oeuvres complètes d'André Chénier, probablement pour le très complet et très universitaire appareil critique.
Il n'en est rien, car c'est le fac-similé d'une édition de 1872 dans laquelle en outre est expressément reconnue la "censure" de certaines pièces -principalement parmi les Iambes- ("À Marie-Joseph Chénier" est amputé de 3 strophes sur 5, précisément celles qui constituaient un cinglant camouflet au frère d'André) ; les 3 premiers vers de Iambes III "Écrit à Saint-Lazare" ne sont pas repris.

Quant au célèbre "Comme un dernier rayon", il est atrocement charcuté. Il manque du 15e au 24e vers, puis on a inséré, du 25e au 52e vers ceux de Iambe IX "Quand au mouton bêlant" puis il manque une douzaine de vers un peu avant la fin !

Et manquent les Iambes les plus féroces...

Décevant.
Heureusement, pour compenser (et compléter) il y a l'édition (petite en apparence mais fort dodue en contenu) de la "bibliothèque Lattès" (1989).
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André Chénier, c'est un orage qui passe juste avant la Révolution.
Le ton est soutenu, voire docte mais la phrase est souple et le lyrisme explose.
La Grèce antique est à l'honneur mais pas comme le faisait le Neo- Classicisme de l'époque. La veine antique n'est pas décorative, elle est le creuset d'un souffle et d'un modèle d'équilibre et de liberté que ce natif hellène met en branle dans ses poèmes.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
"Travaille ; ose achever cette illustre conquête.
De preuves, de raisons, qu’est-il encor besoin ?
Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.
Montre ce qu’on peut faire, en le faisant toi-même ;
Si pour toi la retraite est un bonheur suprême,
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux ;
Si tu sens chaque jour, animé de leur ame,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme,
Travaille. À nos censeurs, c’est à toi de montrer
Tous ces trésors nouveaux qu’ils veulent ignorer."
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Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Anime la fin d'un beau jour,
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour ;
Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière !
Avant que de ses deux moitiés
Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés
Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,
Remplira de mon nom ces longs corridors sombres
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Le jeune malade.

" Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères,
Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires,
Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant,
Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant !
Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée,
Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée,
Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils ;
Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis,
Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante
Qui dévore la fleur de sa vie innocente.
Apollon, si jamais, échappé du tombeau,
Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau,
Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue
De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue ;
Et, chaque été nouveau, d'un jeune taureau blanc
La hache à ton autel fera couler le sang.

Eh bien ! mon fils, es-tu toujours impitoyable ?
Ton funeste silence est-il inexorable ?
Enfant, tu veux mourir ? Tu veux, dans ses vieux ans,
Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs ?
Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière?
Que j'unisse ta cendre à celle de ton père ?
C'est toi qui me devais ces soins religieux,
Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux.
Parle, parle, mon fils, quel chagrin te consume ?
Us maux qu'on dissimule en ont plus d'amertume.
Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis ?

- Ma mère, adieu ; je meurs, et tu n'as plus de fils.
Non, tu n'as plus de fils, ma mère bien-aimée.
Je te perds. Une plaie ardente, envenimée,
Me rouge ; avec effort je respire, et je crois
Chaque fois respirer pour la dernière fois.
Je ne parlerai pas ; adieu... Ce lit me blesse,
Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse ;
Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me Meurs.
Tourne-moi sur le flanc. Ah ! j'expire ! ô douleurs !

- Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage ;
Sa chaleur te rendra ta force et ton courage.
La mauve, le dictame ont, avec les pavots,
Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos ;
Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes,
Une Thessalienne a composé des charmes.
Ton corps débile a vu trois retours du soleil
Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil.
Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière ;
C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère
Qui pleure ; qui jadis te guidait pas à pas,
T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras ;
Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire ;
Qui chantait, et souvent te forçait à sourire
Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs,
De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs.
Tiens, presse de ta lèvre, hélas ! pâle et glacée,
Par qui cette mamelle était jadis pressée,
Un suc qui te nourrisse et vienne à ton secours,
Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours.

- Ô coteaux d'Erymanthe ! ô vallons ! ô bocage !
Ô vent sonore et frais qui troublais le feuillage,
Et faisais frémir l'onde, et sur leur jeune sein
Agitais les replis de leur robe de lin !
De légères beautés troupe agile et dansante !
Tu sais, tu sais, ma mère, aux bords de l'Erymanthe...
Là, ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons.
Ô visage divin ! ô fêtes ! ô chansons !
Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure...
Aucun lieu n'est si beau dans toute la nature.
Dieux ! ces bras et ces fleurs, ces cheveux, ces pieds nus
Si blancs, si délicats ! je ne les verrai plus !
Oh ! portez, portez-moi sur les bords d'Erymanthe,
Que je la voie encor, cette nymphe dansante !
Oh ! que je voie au loin la fumée à longs flots
S'élever de ce toit au bord de cet enclos !
Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse,
Sa voix, trop heureux père ! enchante ta vieillesse.
Dieux ! par-dessus la haie élevée en remparts,
Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars,
Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée,
S'arrêter et pleurer sa mère bien-aimée.
Oh ! que tes yeux sont doux ! que ton visage est beau !
Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau ?
Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles,
Dire sur mon tombeau : Les Parques sont cruelles !

- Ah ! mon fils, c'est l'amour ! c'est l'amour insensé
Qui t'a jusqu'à ce point cruellement blessé ?
Ah ! mon malheureux fils ! Oui, faibles que nous sommes,
C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
S'ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur
Verra que cet amour est toujours leur vainqueur.
Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle nymphe dansante,
Quelle vierge as-tu vue an bord de l'Erymanthe ?
N'es-tu pas riche et beau ? du moins quand la douleur
N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur ?
Parle. Est-ce cette Aeglé, fille du roi des ondes,
Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes ?
Ou ne sera-ce point cette fière beauté
Dont j'entends le beau nom chaque jour répété,
Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses ?
Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses,
Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi ?
Cette belle Daphné ?... - Dieux ! ma mère, tais-toi,
Tais-toi. Dieux ! qu'as-tu dit ? elle est fière, inflexible ;
Comme les immortels, elle est belle et terrible !
Mille amants l'ont aimée ; ils l'ont aimée en vain.
Comme eux j'aurais trouvé quelque refus hautain.
Non, garde que jamais elle soit informée...
Mais, ô mort ! ô tourment ! ô mère bien-aimée !
Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours.
Ecoute ma prière et viens à mon secours :
Je meurs ; va la trouver : que tes traits, que ton âge,
De sa mère à ses yeux offrent la sainte image.
Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux ;
Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux ;
Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie ;
Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie ;
Jette tout à ses pieds ; apprends-lui qui je suis ;
Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils ;
Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse ;
Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse...
Pars ; et si tu reviens sans les avoir fléchis,
Adieu, ma mère, adieu, tu n'auras plus de fils.

- J'aurai toujours un fils ; va, la belle espérance
Ne dit... " Elle s'incline, et, dans un doux silence,
Elle couvre ce front, terni par les douleurs,
De baisers maternels entremêlés de pleurs.
Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante.
La démarche de crainte et d'âge chancelante,
Elle arrive ; et bientôt revenant sur ses pas,
Haletante, de loin : " Mon cher fils, tu vivras,
Tu vivras. " Elle vient s'asseoir près de la couche :
Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche.
La jeune belle aussi, rouge et le front baissé,
Vient, jette sur le lit un coup d'oeil. L'insensé
Tremble ; sous ses tissus il veut cacher sa tête.
" Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête,
Dit-elle ; que fais-tu ? pourquoi veux-tu mourir ?
Tu souffres. L'on me dit que je peux te guérir ;
Vis, et formons ensemble une seule famille.
Que mon père ait un fils, et ta mère une fille. "
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Iambes, VI
Voûtes du Panthéon, quel mort illustre et rare
S’ouvre vos dômes glorieux
Pourquoi vois-je David qui larmoie, et prépare
Sa palette qui fait des dieux ?
Ô ciel ! faut-il le croire ! ô destins ! ô fortune !…
Ô cercueil arrosé de pleurs !
Ô que ne puis-je ouïr Barère à la tribune
Gros de pathos et de douleurs !
Quelle nouvelle en France ! et quel canon d’alarmes
Dans tous les coeurs a retenti !
Les fils des Jacobins leur adressent des larmes.
Brissot, qui n’a jamais menti,
Dit avoir vu dans l’air d’exhalaisons impures
Un noir nuage tournoyer,
Du sang, et de la fange, et toutes les ordures
Dont se forme un épais bourbier,
Et soutient que c’était la sale et vilaine âme
Par qui Marat avait vécu.
De ses jours florissants, par la main d’une femme
Ce lien aimable est rompu !
Le Calvados en rit ; mais la potence pleure.
Déjà par un fer meurtrier
Pelletier fut placé dans l’auguste demeure.
Marat vaut mieux que Pelletier.
Nul n’aima tant le sang, n’eut tant de soif des crimes.
Qu’on parle d’un vil scélérat,
Bien que Lacroix, Bourdon, soient des mortels sublimes,
Nous ne pensons tous qu’à Marat.
Il était né de droit vassal de la potence ;
Il était son plus cher trésor.
Console-toi, gibet, tu sauveras la France !
Pour tes bras la montagne encor
Nourrit bien des héros dans ses nobles repaires,
Le Gendre élève de Caton,
Le grand Collot d’Herbois, fier patron des galères,
Plus d’un Robespierre, et Daton,
Thuriot, et Chabot ; enfin toute la bande ;
Et club, commune, tribunal.
Mais qui peut les compter ? Je te les recommande ;
Tu feras appel nominal,
Pour chanter à ces saints de dignes litanies, L’un demande Anacharsis Cloots,
L’autre veut Cabanis, ou d’autres grands génies ;
Et qui Grouvelle, et qui Laclos.
Mais non, nous entendrons ces oraisons funèbres,
De la bouche du bon Garat ;
Puis tu les enverras tous au fond des ténèbres
Lécher le cul du bon Marat.
Que la tombe sur vous, sur vos reliques chères,
Soit légère, ô mortels sacrés !
Pour qu’avec moins d’effort, par les dogues vos frères,
Vos cadavres soient déterrés.

Par le citoyen ARCHILOQUE MASTIGOPHORE
(Archiloque de Paros, poète grec du VIIe siècle avant JC, créateur des Iambes - Mastigophore : dans le théâtre grec ancien : le « porteur de fouet »)
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Viens près d'elle au matin, quand le dieu du repos
Verse au mol oreiller de plus légers pavots,
Voir, sur sa couche encor du soleil ennemie,
Errer nonchalamment une main endormie ;
Ses yeux prêts à s'ouvrir, et sur son teint vermeil
Se reposer encor les ailes du sommeil.

Je revois tous ses traits, son air, son vêtement,
Comme elle était assise, et son geste charmant.
C'est ainsi qu'elle parlait, qu'elle restait muette,
Que ses cheveux erraient négligemment épars ;
Et telle était sa voix, et tels ses doux regards.

Je dors, mais mon coeur veille ; il est toujours à toi,
Un songe aux ailes d'or te descend près de moi.
Ton coeur bat sur le mien. Sous ma main chatouilleuse
Tressaille et s'arrondit ta peau voluptueuse.
Des transports ennemis de la paix du sommeil
M'agitent tout à coup en un soudain réveil ;
Et seul, je trouve alors que ma bouche enflammée
Crut, baisant l'oreiller, baiser ta bouche aimée ;
Et que mes bras, en songe allant te caresser,
Ne pressaient que la plume en croyant te presser.

Et dormant ou veillant, moi je rêve toujours.

Le doux sommeil habite où sourit la fortune.
Pareil aux faux amis, la malheur l’importune.
Il vole se poser, loin des cris de douleur,
Sur des yeux que jamais n'ont altérés les pleurs.
Perfide ; mais pourtant chère quoique perfide.
Et ton coeur m'aimera, si ton coeur peut aimer.
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André CHÉNIER – Un poète dans la Terreur (France Inter, 2015) Émission Ça peut pas faire de mal, présentée par Guillaume Galienne, diffusée sur France Inter, le 24 janvier 2015.
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