Il semble que la Grande Guerre n'ait pas encore livré tous ses secrets. Pour le non spécialiste «
La Bataille des cinq empires » apporte des éclairages nouveaux et une vision globalisante sur l'année 1916 qui fut celle des occasions manquées pour les généraux et diplomates et un enfer pour les combattants. Eurent lieu Verdun, la Somme, les offensives russes et italiennes ainsi que l'entrée en guerre de la Roumanie et de la Bulgarie avec des résultats stratégiques modestes pour des pertes humaines immenses.
Par rapport à l'historiographie officielle, certains diraient le roman national,
Benoit Chenu rééquilibre des éléments : Verdun n'était un objectif clé du conflit pour personne mais est devenu un symbole pour les politiques et les peuples et Pétain n'est pas le seul vainqueur de cette bataille.
L'offensive sur la Somme n'a pas été un échec et aurait pu être une immense victoire française si l'état-major avait enlevé ses oeillères, Joffre plus politique que militaire et Foch bloqué dans son approche « scientifique » de la bataille temporisèrent alors que la 6ème armée française avait percé le front allemand.
Les russes ont remporté de grandes victoires contre les Autrichiens mais aussi les Allemands en ayant tiré les leçons des échecs français de 1915.
Il rétablit aussi la mémoire du général de Castelnau qui fut sans doute le meilleur militaire français et qui sauva Verdun davantage que Pétain. Classé parmi les cléricards, Castelnau fut laissé au second plan par les politiques français alors que les observateurs étrangers avaient distingué ses mérites.
Ce qui rejoint la question de la conduite de la guerre, sachant qu'elle est trop sérieuse pour être laissée aux militaires, les politiques s'en mêlent avec plus ou moins de bonheur entre autres en choisissant des officiers « politiques » plutôt qu'efficaces.
Ce que montre très bien
Benoit Chenu c'est que la grande difficulté pour ces cinq empires était de se coordonner à la fois sur le plan militaire entre eux et sur le plan diplomatique avec les autres pays (Italie, Turquie, Roumanie, Bulgarie…) ce qui donna lieu à ratages et désorganisation.
L'impression d'ensemble à la fin de l'année 1916 est évidemment celle d'un grand gâchis devant une évolution modeste des fronts malgré des centaines de milliers de morts, ce qui au passage ne semble pas émouvoir les généraux tant qu'il y a des régiments de réserve.
Sur le plan historiographique le livre nous apprend aussi qu'il faut se méfier des mémoires des généraux qui sont prompts à s'attribuer les mérites des autres, à gommer leurs fautes et à réinventer le passé à leur profit.
Lecture facile mais riche et pédagogique à conseiller aux passionnés de la Grande Guerre.