Un famille de robins huguenots du Sud-ouest, petite noblesse de robe, se trouve soudain privée d'emploi, sauf à abjurer leur foi. Ils préfèrent s'exiler et envoient leur jeune fils Guillaume (14 ans) rejoindre le frère aîné déjà installé au Brandebourg. le jeune
Guillaume Chenu de Laujardière quitte Bordeaux en bateau en mars 1686 à destination de Madère, première étape de son voyage. Mais les choses tournent mal. le gouverneur de l'ile reçoit l'ordre de convertir de force tous les protestants et les menacent des Jésuites. Guillaume, ferme dans sa foi, et qui les a en horreur, s'embarque sur le premier bateau en partance vers les grandes Indes.
Ce genre de voyage n'est pas sans péril. Un pirate les attaque. le bateau y réchappe, mais le capitaine et le premier pilote sont tués. le Cap de Bonne Espérance passé, il faut se ravitailler. Une chaloupe est envoyée en reconnaissance. Guillaume s'y embarque. L'accostage est impossible. le mauvais temps se lève. La chaloupe ne retrouve plus le bateau qui les a abandonnés. La chaloupe longue la côte plusieurs jours dans la tempête pour tenter d'aborder. Finalement à moitié morts d'épuisement, les marins sont fort mal accueillis par les tribus indigènes qui les massacrent tous, sauf Guillaume qui est recueilli par le chef cafre, qui le soigne et l'adopte. Il y reste un an avant de trouver enfin à s'embarquer vers le Cap, puis, après d'autres péripéties, vers l'Allemagne où il retrouve sa famille et sa mère, qui meurt d'émotion à son retour ! Devenu militaire, muni d'un brevet de capitaine, il écrit, probablement aidé par son frère, le récit de ses aventures, pour les siens et sa bienfaitrice, la princesse Albertine-Agnès d'Orange-Nassau. le manuscrit, recopié à plusieurs exemplaires, est resté inconnu et n'a pas été publié jusqu'à la fin du XXème siècle.
Le récit de Guillaume Chenu de Laujardière est étonnant. Au XVIIème siècle, les Cafres ont la plus mauvaise réputation : féroces, incroyants, cannibales, ils n'appartiennent même pas à l'humanité. le récit de Laujardière ne va pas dans ce sens. Il observe leur manières, les décrit avec précision, participe à leurs expéditions guerrières, et sait se faire apprécier. Lorsqu'il quitte la tribu pour embarquer vers le Cap à destination de l'Europe, le chef, qui l'aurait bien adopté, en le mariant à l'une de ses filles, vers des larmes : Lorsque nous nous séparâmes, il fit retentir l'air de ses cris, je ne pus à mon tour refuser de la tendresse à la sensibilité d'un homme à qui j'avais tant d'obligations. Un siècle plus tôt, un autre bordelais évoquait le bon sauvage dans les chapitres Des Cannibales et Des Coches de ses Essais. Il aurait peut-être souri des aventures de son jeune compatriote.
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