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Citations sur La vraie couleur de la vanille (30)

Nommer, c'est faire exister. C'est donner la vie. On n'a pas le droit de négliger cela. On ne peut rien faire d'une fleur si on ne commence pas par prononcer correctement son nom. Ce manque d'attention est un manque de savoir-vivre. Ne deviens jamais comme eux, Edmond. La plupart des êtres humains ne font que passer à travers la Nature. Toi, connais-là. Sens-la. Sers-la. Aime-la?. Edmond!
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Il allait élever un enfant noir. Parfaitement ! Passionnément. Partager avec lui son savoir. Il allait damer le pion à tous ces incultes abrutis par leurs richesses, qui voulaient des ceintures toujours plus dorées, des calèches toujours plus armoriées, des robes toujours plus brodées, des colliers toujours plus emperlés, des mets toujours plus gras, qui venaient faire craquer leurs articulations et leurs bottes dans les génuflexions, dimanche après dimanche, et sans rien écouter, rien comprendre de ce qui se disait sous la nef. Qui s'apprêtaient à fêter un Noël de plus, et une Épiphanie, en faisant mine de croire qu'un Noir avait pu être mage, qu'un Noir avait pu être l'un des premiers du monde à saluer leur Dieu et à le vénérer, et qui, à peine sortis de la célébration, s'en iraient recommencer à traite les nègres comme avant, comme des rats, comme des chiens.
Il allait leur montrer qu'ils avaient tort, qu'ils se trompaient.
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Ecrire un roman, c’est accumuler des pierres et des poutres éparses de réalité. Tâcher de les assembler avec un ciment d’imagination, d’intuitions. Et aérer le tout par des questions qui sont des ouvertures, des portes battantes, des vasistas.
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D'abord on ne voit rien. On ne note aucun changement. Le premier signe, c'est l'odeur. Comme quand une femme s'apprête à entrer dans la pièce et que les mouvements de ses jupes envoient des bouffées de son parfum au-devant d'elle. Ça sent la vie. Ensuite, on aperçoit, au ras du sol, et puis à hauteur d'yeux, au bout des rameaux, des pousses fraîches, des bourgeons. Les Grecs appelaient ce mois, le huitième mois de leur année, le mois d'Anthestérion, ce qui veut dire la fabrique des fleurs. Tout devient peu à peu vert tendre et orangé, couleur de miel, et rose, et blanc. Les jours rallongent, le soleil se lève de plus en plus tôt, se couche de plus en plus tard. Un matin, avant l'aube, c'est une fanfare. Une explosion. Un concert de milliers d'oiseaux. Ils sont revenus. Les plantes elles-mêmes deviennent animales. Les fleurs de noisetiers s'appellent des chatons, d'ailleurs. Les peupliers se mettent à mousser, comme des toisons d'agneaux nouveau-nés. On a envie de les flatter. Les fleurs surgissent, comme des cadeaux. Celles des iris ! l'air d'être emballées dans du papier de soie. Celles des coquelicots ! pliées comme des gants de peau souple dans des coquilles de noix. On a envie de les garder. Mais le printemps ne peut pas s'enfermer. Il passe...
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Mais Edmond était trop noir pour les Blancs, trop blanchi pour les Noirs, trop gâté pour les brimés, trop oisifs pour les travailleurs, trop soumis pour les libres, trop naïfs pour les adultes, trop édifiés pour les enfants. Trop intelligent pour le commun des mortels. Nulle part il n'était à sa place.
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Il repense à ses amis, à ses pareils, à ses confrères planteurs de l'île. A ceux de sa race, de son rang, de sa couleur, de sa classe. Il réentend leurs réflexions. Il connait leurs peurs, leurs incohérences. Les Noirs les fascinent. Ils leur prêtent des puissances inconnues. Les Noirs les terrorisent, c'est pourquoi ils tiennent tant à les dominer. Ils se voient mangés par eux, dévorés crus, ou bouillis dans leurs chaudrons de sorciers. Ils se croient maudits par eux, ensorcelé par leurs magiciens, persécutés par leurs divinités flamboyantes. Ils s'imaginent violés par eux, traversés par leurs sexes démesurés. Il revoit les gestes furtifs des dames et des jeunes filles, quand elles longent les plantations, pour se coller un mouchoir de batiste ou de dentelle sous le nez, pour ne pas sentir l'esclave, le Noir, le nègre, comme on se bouche les narines devant l'ordure ou la charogne, ou comme on cherche à éventer le parfum de l'interdit.
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Quand Edmond eut l'âge de raison, Ferréol s'octroya une folie.
Il avait été un enfant propret, guindé, brimé. Il ne devait pas rester au soleil, pas rester sous la pluie, pas rester dans le vent. Il ne devait pas prendre plaisir. Quarante ans plus tard, il allait enfin pouvoir se rattraper. En aidant Edmond à construire la cabane dont rêve tout petit garçon, et qu'il n'avait pas eue lui-même, il se rendrait l'enfance.
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Car là où les botanistes baptisaient les fleurs, les arbres et les buissons de noms sonores comme des bijoux, qui pour honorer une épouse, une fille ou une maîtresse, qui pour décorer un collègue et qui pour se flatter soi-même, les maîtres donnaient aux Noirs des noms comme des coups.
Certains pratiquaient l'ironie. Ils les affublaient de noms de dieux, d'empereurs ou de héros, Jupiter, Zéphir, Adonis, Pompée, Charlemagne, pour mieux les traiter en sous-hommes. De noms de vertus, Minutie, Généreux, Franchin, pour mieux leur infliger leurs propres vices. De noms de villes lointaines, Coblence, Bayonne, pour mieux les clouer là, les empêcher de fuir. De noms de mois de l'année ou de jours de la semaine, Janvier, Avril, Mardi, Jeudi, pour mieux leur interdire de jouir du temps, des saisons et des heures.
D'autres étaient plus directs. Ils les affligeaient de noms grecs dont le sens leur échappait, Philogène, Scholasique, Euphrasie, Polycarpe, ou de calembours idiots, Groné, Pacape, Monchéry, pour amuser, pour s'amuser. Pour tenir à distance, Ferréol était sûr que, si certains de ses pairs avaient pris un malin plaisir à baptiser ainsi les esclaves, c'était paradoxalement, pour ne pas être tentés de les appeler vraiment. Les interpeller, c'était les considérer. Leur parler normalement, c'était faire d'eux des humains à part entière. Plus grave : dire leur nom, c'était s'attendre à les aimer.
Il y a des phrases, il y a des mots qu'on ne dit pas à quelqu'un qui porte un sobriquet.
Tout commençait par un prénom. Et d'ailleurs, chez les esclaves, tout s'arrêtait avec lui. Pas de nom de famille. Pas de famille. Pas d'ancêtres. Pas de place sur une branche quelconque d'un arbre généalogique. Ils étaient des fruits tombés. Aussitôt nés, aussitôt niés. L'habitude était prise.
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Ce livre de Sophie CHERER m'a beaucoup plu car cette auteure relate un fait réel malheureusement encore d'actualité. Je le conseille à toutes les personnes s’intéressant au sujet de l'esclavage et de la ségrégation raciale ou aux passionnés de l'île Bourbon.

Pierre
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Lui s'appelait Edmond. Edmond Albius. Mais il était noir, esclave et enfant, aussi on lui a volé sa découverte, on lui a dénié son génie, et on l'a spolié de ses bénéfices.
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