Citations sur Le dernier crâne de M. de Sade (15)
Laissez donc faire la Nature. C'est elle qui décidera du jour et de l'heure de notre ami. Il est déjà admirable, après la vie qu'il a menée, qu'il soit encore parmi nous, dressé contre la Mort comme la sentinelle de son propre destin !
Qu'est-ce qui nous pousse à des actions,-enquêtes, traques de documents, visites, conversations intéressées, - dont nous savons que nous les regretterons à peine les avons-nous entreprises? J'étais à la recherche d'un crâne. Et je ne le savais que trop :un crâne c'est une vanité plus ironique, plus tenace, plus nouée sur son os arrondi, ses orbites creuses et le rire de sa mâchoire en ruine, qu'aucun autre objet de désir ou de répulsion, masque ou jouet mensonger, tout juste capable de me distraire provisoirement de mon vrai sort.
C'est parce que l'Homme est seul qu'il a si terriblement besoin de symboles. D'un crane, d'amulettes, d'objets de conjuration. La conscience vertigineuse de la fin de l'ere dans la mort. A chaque instant la ruine. Peut être faudrait-il regarder la passion d'un crane et simplement d'un crane hanté, comme une manifestation désespérée d'amour de soi et du monde déjà perdu.
.....Le crâne de M. de Sade n'a pas besoin d'ornements. Il est ornement lui-même, de volume concentré, d'ordre élevé, de magie intense, de hantise sonore et de silence où retentissent, et fulgurent, l'orgueil de la Raison et le vol de l'aigle.
.....L'abbé n'est pas un innocent. Il a derrière lui dix-huit siècles d'une Eglise arc-boutée sur le dogme et le pouvoir charbonneux.
Pour l'abbé Geoffroy, sans répit, le monde se résout dans un affrontement : le diable contre Dieu.
Et M. de Sade, c'est le diable.
....Mais c'est tout le corps qui est atteint, quasi obèse, maintenant adipeux, persillé de blanc et de rouge, alors que l'esprit brasille, foudroie, - la parole de M. de Sade est toujours aussi tranchante, - et que l'œil bleu exige.
Le dedans, le dehors.
“L’anus bée, ourlé comme un bijou fruité, couleur de braise, de framboise des bois, un rouge rosé sur l’ombre où il voudrait inviter. Le docteur Doucet s’interroge. Stupeur et admiration. Qu’a fait le marquis, que fait-il encore, pour arriver à ce trou étrange? Qui favorise ce vice? Quels monstrueux objets polis ou subtilement contournés perforent cette chair extasiée et rougeoyante? Cette lascivité porcine, râlante, grognante, ce tas de viande qui halète et se pâme sous le boutoir. Et tout cela qui sert d’enveloppe, de support corporel déchu, à l’esprit le plus aigu et le plus libre de son siècle.”
C'est parce que l'homme est seul, qu'il a si terriblement besin de symboles.
Tout ce qui peut lui être agréable lui prolonge l'existence. Homme de passion, donc d'humeur, et d'éclats, une grenade toujours prête à exploser. Il serait faux de le prier. Laissez donc faire la Nature. C'est elle qui décidera du jour et de l'heure de notre ami. Il est déjà admirable, après la vie qu'il a menée, qu'il soit encore parmi nous, dressé contre la Mort comme la sentinelle de son propre destin !