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Critique de 5Arabella


Publié en 1908, c'est le deuxième roman de l'auteur. L'édition dans laquelle je l'ai lue, propose une nouvelle traduction ; la traductrice dans une longue préface explique son soucis de vouloir être plus fidèle à la version originale que ne l'a été la traduction historique, dans laquelle le roman porte le titre "Le nommé Jeudi". C'est sous ce titre qu'on trouve presque systématiquement le livre mentionné en français.

Le livre commence par une sorte de duel entre deux hommes que tout semble opposer, bien que tous les deux se revendiquent poètes. Gregory, un rouquin anarchiste, qui exprime l'idée que le poète est forcément un révolutionnaire et un destructeur, et Syme qui glorifie la loi et l'ordre, pour qui un train qui arrive à l'heure à l'endroit prévu est de la poésie pure : « Ce qui est rare et étrange, c'est justement arriver à destination ; la manquer, c'est grossier et commun ». Syme manie la rhétorique d'une manière redoutable et humilie Gregory, qui pour essayer d'avoir le dessus, amène son adversaire, en lui faisant jurer le secret, à une réunion d'anarchistes. Syme jure, mais avoue faire partie de la police et être là pour démasquer les anarchistes justement. Son serment le lie et l'empêche de dénoncer les membres de la société secrète, mais Gregory est piégé également : il a juré de ne pas dénoncer Syme comme policier. Ce dernier, arrive à convaincre les participants de la réunion de ses convictions, au point qu'il est élu à la place de Gregory comme membre d'un conseil secret, en tant que « Jeudi ». Cela lui permet d'être invité à une rencontre où les membres les plus influents du mouvement sont présents, tous portant le nom d'un jour de la semaine. le chef, impressionnant et redoutable se nomme Dimanche. Un attentat contre le tsar et le président français se prépare. Syme veut le déjouer, mais il est tenu par sa parole, et doit donc affronter seul les autres membres du comité. Qui se révéleront au final faire également partie de la police, sous des déguisements. Les six policiers vont désormais traquer le redoutable Dimanche, qui les engage dans une étrange poursuite.

C'est un mélange étonnant que ce roman. Il a des allures de roman policier, d'espionnage, d'aventures, mais avec une dimension métaphorique et métaphysique. Rien n'est certain dans le livre, comme les prétendus anarchistes, qui se dévoilent comme des policiers, en abandonnant leurs déguisements inquiétants. La notion du double, de l'opposé, du complémentaire, est au centre du récit. Les deux poètes antinomiques, les anarchistes-policiers, mais aussi Dimanche, qui révèle être le mystérieux homme dans le noir, qui a recruté les 6 hommes pour rentrer dans la police.

Londres ville-monde, est au coeur du récit. Mais elle est au centre de l'Europe et du monde. le périple de nos policiers les amènent en France, pour tenter de sauver le tsar russe. Les déguisements de nos hommes font du Mardi un Polonais, du Mercredi un Français, du Vendredi un Allemand, et du Samedi un Américain. Les enjeux dépassent donc très largement un cadre britannique, le monde est déjà d'une certaine manière globalisé, et ce qui se passe à un endroit a une résonance partout.

La fin est allégorique, les différents personnages revêtent des tenues qui évoquent la Genèse, ou plus exactement ce que la Genèse associe à chaque jour de la semaine. Dimanche ayant évidemment le rôle divin, même si on peut discuter de quel Dieu il s'agit. Chesterton n'était pas encore à l'époque converti au catholicisme, l'interprétation du livre dans l'optique unique de cette conversion future me paraît donc un peu réductrice.

Cette rapide présentation laisse un peu de côté ce qui fait en grande partie le plaisir du livre : un sens de l'humour basé en grande partie sur le non-sens, spécialité éminemment britannique, comme on le sait. Il y a des passages à proprement parlé hilarants, si on veut laisser un peu de côté la vraisemblance et la logique pure et dure.

Et la complexité du roman, ses différentes couches, les interprétations multiples auquel il peut donner lieu, permettent d'envisager plusieurs lectures, qui ne seront jamais tout à fait les mêmes.
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