Pour cet essai, Natacha Chetcuti a interrogé des lesbiennes sur leur coming out, sur leurs premières relations, comment elles s'identifient (s'affirment-elles en tant que lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles…?), etc. de leur vie sociale à leur vie sexuelle, sans oublier leurs rapports professionnels, Chetcuti dresse des portraits de femmes homosexuelles ; ils forment un ensemble que l'autrice a étudié afin de partager avec nous ses recherches.
Cet essai est une relecture ; j'avais eu l'occasion de le découvrir à sa sortie (2010) mais il m'avait laissé peu de souvenirs. J'étais jeune et, si le sujet m'intéressait, je n'avais toutefois pas assez de bagage pour vraiment m'imprégner de toutes les données dont il est question dans le livre. Avec le temps, je comprends mieux pourquoi Chetcuti a ciblé des lesbiennes entre 30 et 50 ans : elles ont suffisamment d'expériences diverses et de recul pour pouvoir en parler sans filtre, pour pouvoir les comparer les unes aux autres.
Si l'on remarque que Se dire lesbienne date déjà un peu (par exemple, le mariage n'était pas autorisé pour les homosexuel.le.s lors de sa parution), les propos restent pertinents, notamment en ce qui concerne la sous-représentation des lesbiennes dans la société, et donc le manque de modèles. Toutefois, en faisant le parallèle avec mon vécu, avec le vécu de mes amies, je constate qu'il suffit d'une génération pour observer des points de vue bien différents sur certains sujets, sur lesquels il faut alors avoir un peu de recul. Cela dit, même si l'on ne s'y retrouve pas forcément, cela nous permet de nous interroger.
C'est donc un livre à lire, à partager, et dont il faut ensuite discuter ; il faut remettre les choses dans leur contexte. Il est très ciblé mais peut être lu autant par des lesbiennes que par hétérosexuel.le.s, et quiconque le souhaite.
"Contrairement au conflit, mode relationnel interactif susceptible d'entraîner du changement, la violence - signalant d'ailleurs l'incapacité à communiquer - est perpétrée de façon univoque et destructrice. [...] Quelle que soit la nature des actes, le mécanisme de violence se met en place dès lors que le vainqueur de l'altercation est toujours le même." [Jalna Hanmer, citée in Les violences envers les femmes en France]
La visibilité du minoritaire est précisément ce que la société n'accepte pas : "Faites ce que vous voulez, mais de la discrétion, que diable !". Ces propos d'Alain Finkielkraut, tenus en 1990, sont représentatifs d'un discours qui se veut libéral, mais qui est surtout hypocrite : ne pas être conforme aux normes de l'hétérosexualité et ne pas s'en cacher, c'est forcément l'afficher.
"La peur de la violence, la menace de la violence ne conditionnent pas exclusivement les femmes qui l'ont directement subie" [Paola Tabet, La grande arnaque]
Cette mise à distance du groupe social "femme" s'inscrit dans la honte (en tant qu'homosexuelle) et le mépris de soi (en tant que femme).
[...] "entre dire et laisser voir", quelles sont les marges de manœuvre d'un groupe minoritaire ?
Comment s'appelle le premier roman de Benjamin Alire Saenz !?