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Critique de memma


memma
17 novembre 2016
La peur est ce que Tardi a sans cesse voulu montrer, je pense et c'est peut-être pourquoi il se réfère à Chevallier. Pour autant je ne pense pas que ce roman pose la question en terme d'héroïsme (ou d'anti-héroïsme, je veux dire). Les références héroïques, nécessairement mythiques, me semblent nécessaires non seulement à la cohésion de la communauté, mais aussi à sa production artistique. De toute façon, elles sont liées à la mort : un guerrier des épopées grecques devenait un héros à sa mort et c'était pour ça qu'il mourait.

Or ce que le roman m'a semblé montrer sans cesse (et il me semble que ça lui est très particulier), c'est que la normalité (l'humanité) du soldat ne le situe pas dans la sphère héroïque qui est la lecture de l'arrière (il n'en n'a rien à faire) MAIS pas non plus dans la lâcheté ou le néant (qui en est la version négative MAIS identique). La peur, elle, est fondée sur un instinct de conservation, qui fait se terrer quand il le faut, rechercher des rôles a priori moins dangereux - agent de liaison - et toujours se débrouiller du mieux qu'on peut, sans même s'en expliquer. Même si elle "décompose", la peur est liée à la vie, à la recherche de la survie ; j'ai constamment eu cette impression à la lecture. Je n'ai jamais noté par exemple de dimension pathétique particulièrement marquée. Et la portée militante du roman en est d'autant plus grande : montrer en réalité, qu'une guerre n'a rien de remarquable ni dans un sens ni dans un autre et la limiter à son extrême danger.

J'ai juste une remarque. Dans le Balcon en forêt, se souvenant de ce qu'il a ressenti sans cesse, Grange pense qu'il a eu "peur et envie". La peur est liée au désir et à vrai dire, le passage de la Peur que j'ai le plus admiré est vers la fin le moment où Dartemont se porte volontaire pour rejoindre une autre compagnie dans un contexte de grand danger. Il se rend compte après coup de ce qu'il vient de faire et traverse cette épreuve (dont il sort miraculeusement indemne) comme dans un rêve. J'ai sans cesse pensé au moment où dans Little Big Man (on a les références qu'on peut) un vieil indien aveugle traverse indemne les rangs de la cavalerie en se persuadant que - puisqu'il est aveugle - personne ne le voit. Cette action rêveuse, délirante et à la limite de la conscience, entièrement dominée par la peur, est peut-être non pas de l'héroïsme, mais ce qu'on a pu après coup présenter comme tel dans les légendes.

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