Qui douterait qu'une lampe de chevet puisse être façonnée avec une carotte râpée? Éric Chevillard, sage littérateur dans sa folie douce, joue des mots, de leurs homonymies, allitérations, rimes et autres sonorités pour faire feu de tout bois, jusqu'aux délires et néo-épithètes les plus inattendus au fil de phrases qui s'étirent comme autant de gageures, avec une économie de ponctuation elle-même productrice d'effets comiques si réussis qu'ils appellent irrépressiblement les applaudissements d'un lecteur ébloui lâchant de temps à autre ces pages pour aller chercher, avec le plus heureux profit, raretés et finasseries de langue chez MM. les Grand Robert ou Littré.
Mais comment définir ce texte qui, du coq à l'âne, voire pire et mieux, saute du coati au clysoir ou du conjungo au clifoire, et où va-t-il, avec pareil livre, ce Chevillard perturbé parce que le bouchon depuis toujours bleu de la bouteille de sa lessive habituelle vient d'être remplacé par un blanc ? Qui donc aurait jamais affirmé que la littérature devrait aller quelque part ? «Je me lance dans la poésie à quarante-cinq ans [...] me lance me balance et d'emblée j'y suis en free-lance en frisbee» Rien à redire, en somme.
On ajoutera que les parfaits dessins de
Philippe Favier, du plus beau rouille et d'une précision technique jouant elle-même avec l'absurde s'accordent avec la plus juste élégance à ce livre irrésistiblement foutraque.
Critique parue dans "Encres de Loire" n° 57 page 31, automne 2011
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