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L'écrivain en Afrique, tout anti-héros soit-il, qu'il se nommât Jean-Léon ici ou Oreille rouge là-bas, n'est guère parvenu à dérouiller mes zygomatiques malgré l'ironie de l'écrivain en France. L'écrivain au Mali dans les mots de l'écrivain de Minuit est pourtant épinglé comme un papillon exotique, aux ridicules ailes cloquées.

Fat à souhait, autocentré dans ses pauvres pérégrinations qui ne le conduisent qu'à peaufiner son image, n'apprenant rien à force de plaquer ce qu'il pense savoir, imperméable à tout sauf à sa propre transpiration, Oreille rouge a l'oeil voilé de celui qui ne voit que ce qu'il souhaitait trouver. Et encore, pas toujours. L'hippopotame se dérobe. L'éléphant entre dans sa valise (8 cm par 15).

De plus, le bonhomme est aussi couard que satisfait.
“Les touristes l'indisposent avec leurs gros sabots. Il va pied nus. Métaphoriquement, il va pieds nus, car il y a tout de même l'inquiétant grouillement des vipères et des scorpions dans la brousse."
Il n'est là que pour piller. Dans son carnet de moleskine noir les notes promettent le grand poème sur l'Afrique. "Tout ce qu'il est possible d'extraire, de puiser, de capturer, de cueillir, de produire en Afrique sera extrait, puisé, capturé, cueilli et produit puis précipité pêle-mêle dans son poème.”

Le retour le rend insupportable. A tous. "Ses doigts tambourinent sur les tables, sur le capot des automobiles, sur tout ce qui sonne". Tout est percussion pour lui. On doit le menotter pour qu'il cesse de nous tapoter le crâne."

Oui mais… Si le nom de l'écrivain voyageur importe peu (les marchandises maliennes), celui de l'écrivain de Paris m'importe davantage: Chevillard n'est pas Echenoz. Ironique, certes mais d'une ironie émoussée. La formule se délaie, s'obscurcit, peine. Il me manque cette fulgurance echenozienne, la nonchalance du dandy, le lapidaire brillant.
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Un écrivain est invité à résider et écrire au Mali, mais le monsieur est casanier ; pas question de partir. Oui, mais comment résister au plaisir de lancer négligemment dans la conversation : « Peut-être vais-je aller en Afrique au début de l'année prochaine, je ne sais pas encore. Je me tâte. »
Bref, il reçoit son passeport, fait ses vaccins et part.
C'est de la fiction, mais ce n'est pas un roman. Ça parle d'écrivain et d'écriture, mais ce n'est pas un essai. C'est un texte humoristique, ironique, mais qui m'a plus ennuyée qu'autre chose.
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Du même auteur, que je ne connaissais pas, Il y a quelques semaines j'avais été enthousiasmé par la lecture de « L'autofictif ». Éric Chevillard excelle dans les formats courts ; Aphorismes, pensées et autres pirouettes littéraires, mais avec un roman ... ? Et qui plus est, un roman de voyage ... ! Et bien, il s'en sort pas mal, même s'il explore davantage les possibles de la narration écrite que le Mali lui-même. Parce que ce qui est important ici c'est le style ; inventif, libre et personnel. Oreille rouge est un écrivain casanier, on lui propose une résidence d'écriture au Mali ... quelques semaines ... il hésite, tergiverse ... mais bon ... il y va. Il veut voir la girafe et le lion, et surtout l'hippopotame (les autres ne sont pas au Mali), il va méditer au pied du baobab, il doit écrire « le grand poème de l'Afrique », il y croit ... mais déception ! Il n'est pas le grand-T-écrivain-aventurier romantique. Il n'est qu'un pâle touriste égaré, qui au mieux, invente des proverbes africains.
Le lecteur, lui, doit être concentré, plus concerné, plus imaginatif aussi, car l'auteur mieux que d'autres favorise l'abstraction. Éric Chevillard prend du recul ; Oreille rouge c'est lui. L'autodérision, la liberté de ton, la richesse et les jeux de l'écriture, voila de quoi est fait cet étonnant petit roman (158 p.). Allez, salut.
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Reprenant les mots de Beckett, Deleuze disait dans son abécédaire, à propos des intellectuels qui vont au bout du monde pour parler ou écrire : «On est con quand même, mais pas au point de voyager pour le plaisir». Éric Chevillard transforme cette assertion en une chose délectable et féroce, avec le voyage d'Oreille rouge au Mali.

L'homme est écrivain, invité en résidence d'écriture en Afrique. Il ne compte pas y aller, casanier, pleutre et ne connaissant rien, mais il jouit d'étaler cette perspective, se voit grand voyageur, le clame sur tous les toits.

«Négligemment lâchée dans toutes ses conversations, l'information fascine. Il en tire sans bouger tous les prestiges du voyageur. Voyons-nous l'hiver prochain, dit-il, puis ajoute à moins que je ne sois en Afrique. Je me demande si je ne vais pas faire un saut au Mali en janvier, murmure-t-il, songeur, comme pour lui-même. Écoute, je ne peux pas m'engager, il n'est pas impossible que je sois en Afrique à ce moment-là.
Pour qui nous prend-il ?»

Piégé par la perspective qu'il a lui-même tracée, il s'apprête à partir, mais en fait des cauchemars. Continuant de se fabriquer un personnage idéal et grotesque, il fait l'acquisition d'un carnet de moleskine pour y consigner ses précieux écrits de voyage. Il rêve d'être l'élu, l'homme blanc dont la plume capturera l'essence de l'Afrique.

Le voyage finalement entrepris est un extraordinaire chapelet de poncifs et un portrait jouissif et ridicule du touriste écrivain voyageur, cristallisé autour du carnet de moleskine et de la quête d'Oreille rouge pour apercevoir des hippopotames ou autres bêtes sauvages depuis longtemps disparues.

Oreille rouge écrit dans son carnet de moleskine le titre de son grand poème sur l'Afrique car c'est tout ce qui lui vient. Et si les mots se font rares, c'est parce qu'il est le seul, à parfaitement saisir l'essence aride de l'Afrique. Oreille rouge se voit en homme libre en Afrique, car il écrit hors des lignes de son petit carnet. Mais homme gris et conformiste il est et restera, et tel un Adrien Deume, à son retour, il reportera tout sur des fiches bristol classées par thème dans un beau classeur neuf.

Oreille rouge est pathétiquement comique, une outre de clichés, un exploiteur inconscient, tourné en ridicule par les habitants du village, tel Toka qui prétend lui faire découvrir les hippopotames.

«Tout ce qu'il est possible d'extraire, de puiser, de capturer, de cueillir, de produire en Afrique sera extrait, puisé, capturé, cueilli et produit puis précipité pêle-mêle dans son poème.»

Et son retour en France ne pourra rien changer, car si cet homme s'est rêvé «polyglotte, piroguier, danseur, musicien», il demeure tel qu'il a toujours été, lourd et rabougri, simplement affublé d'une paire d'oreilles plus rouges.
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Dans ce roman malicieux et rempli d'autodérision, l'auteur imagine un personnage d'écrivain, toujours désigné à la 3ème personne, à qui le hasard donne l'occasion d'effectuer un séjour au Mali et de sortir de sa prudente et casanière routine. Dans la droite ligne de l'ironie d'un Bouvard et Pécuchet, l'auteur présente les atermoiements, les angoisses, les dérisoires découvertes de touriste naïf, les vantardises, puis le désir de gloriole qui s'empare du héros une fois le voyage accompli. Il nous amène aussi à réfléchir, mine de rien, sur nos pitoyables expériences exotiques, si accessibles désormais à quelques heures d'avion, dans la méconnaissance parfois dramatique des vraies réalités du pays visité.
L'auteur, un habitué de variations littéraires remplies de virtuosité mais parfois gratuites, trouve ici un sujet plus intéressant, entre le culte dérisoire du moi et la découverte / occultation du réel . Une lecture pleine d'humour.
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Dans cette anti-aventure pseudo romanesque décapante, Eric Chevillard nous livre le portrait moqueur de l'occidental moyen en visite en terre étrangère: il sait tout, il a tout vu, il a tout fait. Tout est vu au travers de son prisme égocentrique et monocible. Sa quête d'ailleurs, mâtinée d'hypocrisie, d'individualisme, d'égoïsme (et autres mots désagréables en -isme) ne sert qu'à afficher la supériorité qu'il éprouve envers tous et toutes, qu'ils soient ses concitoyens, ou ses hôtes. Se prenant pour ce qu'il n'est pas (une star? un démiurge?), il erre (du moins le suppose-t-on) en affichant des airs de vieux routard rompu à toutes les vicissitudes de la vie, fin connaisseur du lieu qu'il arpente.

La plume caustique de l'auteur nous dépeint ce portrait grandeur nature d'un homme qui pourrait être n'importe lequel d'entre nous, parti en Afrique la tête pleine de fausses certitudes et d'a priori, revenant l'esprit farci des mêmes convictions.
Lien : http://encres-et-calames.ove..
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Eric Chevillard, à travers le personnage d' « Oreille rouge » nous montre sous la forme d'un roman provocateur, moqueur à souhait, l'individualisme, la supériorité supposée, les contradictions, l'égoïsme et l'hypocrisie de l'homme occidental en quête d'ailleurs. « Oreille rouge » se rend au Mali pour y puiser l'inspiration d'un poème sur l'Afrique. Il s'y rend plein de préjugés, en revient la tête pleines de certitudes et de fausses anecdotes tandis que là-bas on le baptise Maïga ce qui signifie en tamasheq « où est-il »… La plume de Chevillard, incisive, caustique décrit la vanité humaine avec une merveilleuse efficacité. Oeuvre à explorer.
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N°1777– Septembre 2023

Oreille rougeEric Chevillard – Les éditions de Minuit.

L'écrivain que nous allons appeler Jean-Léon (un prénom double fait toujours plus sérieux) va devoir partir pour l'Afrique où on l'envoie, officiellement pour écrire un long poème sur ce continent qu'il ne connaît pas. Un intellectuel qui se respecte ne peut en effet moins faire que de sublimer son voyage-découverte par un écrit de sa main. C'est évidemment un jalon dans sa vie et surtout dans sa bibliographie. Il décrit donc ce qu'il voit, le soleil, la chaleur, les lions, les girafes, le fleuve, la couleur des boubous et le village du Mali où il arrive lui donne le nom d' « oreille rouge » et le nomme roi, enfin c'est ce qu'il prétend. Il découvre ce continent, mais avec ses yeux d'Européen mais n'échappe ni aux moustiques, ni à la pollution des villes bien peu soucieuses de nos préoccupations écologiques, s'extasie devant l'ingéniosité des Africains, s'étonne des paroles d'un griot, du travail des femmes, des légendes locales et des rituels magiques quelques peu mystérieux pour lui. Il note ses impressions sur son petit carnet noir qui lui servira plus tard pour écrire cette oeuvre mais ce qui l'intéresse le plus, en dehors des femmes qu'il croise, les baobabs et le Niger ce sont les hippopotames (on en apprend beaucoup sur eux) que lui fait découvrir Toka, un guide local .
Il va sans dire que ce poème sera sa grande-oeuvre mais, à son retour en France, en dehors de se mettre lui-même en valeur, de devenir au moins pour un temps « l'africain », qui ne jure que par ce continent, il passera vite à autre chose. Quant à son long poèmes...Que dirait-il maintenant sur le Mali qui vomit la France ?
J'avais quelques appréhensions en ouvrant ce livre, surtout depuis que j'ai croisé Chevillard. Les remarque sont pleines de bon sens et le style toujours aussi jubilatoire.
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Du grand Chevillard! Un auteur, que nous pourrions comparer à un Paul Morand contemporain, fier de sa classe académique et sûr de son génie littéraire, est amené à partir au Mali pour une résidence d'auteur. Il se croit alors investi d'une mission capitale: écrire son grand poème sur l'Afrique. Avec son sens subtil de l'ironie, Eric Chevillard s'attaque à tous les clichés que l'Occidental se fait de l'Afrique. Cela pourrait être l'Asie ou l'Amérique latine, mais dans le cas d'Oreille Rouge, c'est l'Afrique. le grand auteur se transforme alors en clown, en petit guignol ridicule et décalé, qui porte en lui pourtant la parole du dominant, et contribue ainsi à imposer la vision d'une Europe civilisatrice et bienveillante envers le monde "sauvage".
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Un écrivain casanier se voit invité à séjourner en Afrique à des fins d'écriture. Pas vraiment convaincu par la réalisation effective de ce projet, l'homme se pare cependant déjà des attributs de l'aventurier, à croire qu'il est en passe de devenir le premier homme blanc sur le continent du négus, à tout le moins le découvreur authentique des sources du Nil, bien qu'à vrai dire sa destination soit le Mali. Finalement rendu sur place, l'homme se conduit en conquérant intellectuel, en colonisateur littéraire du pays : il écrira le poème du Mali, qui exploitera les richesses de son sous-sol, sera plus ample que le cours du Niger et mettra en valeur toute la faune de la brousse. À cet égard il se fait un devoir d'honorer de sa présence les grands mammifères africains, au premier rang desquels les hippopotames ; en fait d'observation zoologique autochtones, son expérience s'arrêtera au margouillat et à quelques espèces d'étranges libellules. Retour d'Afrique notre plumitif devient l'Africain, qui éprouve les plus grandes difficultés à se réacclimater aux moeurs étriquées et à la grisaille affligeante de l'hexagone.

Éric Chevillard dresse le portrait drolatique d'un personnage ayant les ridicules, les prétentions gratuites et la gloriole facile d'un baroudeur d'opérette, tenant d'un exotisme de pacotille. Distrayant.
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