Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis membre du Fan Club « 59 » d'Éric Chevillard (l'unique membre, et aussi le Président et le trésorier ! (il y en a peut-être d'autres, de ces sympathiques clubs de misanthropes ?)), aussi fin 2020 - après avoir été sollicité par les éditions de L'Arbre Vengeur - j'ai acquis pour une assez modique somme et pour [notre] mon association, un exemplaire dédicacé de l'ouvrage objet de cette note. Ce bouquin est sous-titré « Chronique du confinement (19 Mars - 12 mai 2020) », c'est là que, malgré les apparences, nous pouvons remarquer l'optimisme de l'auteur. Car en effet il écrit « DU confinement » or il y en a eu 2 ! Ha haha sacré Éric ! Dieu merci (j'aime toujours cette expression) tout ça est bien fini ! ... ! Comment ? ... Oui bon ! S'il devait y en avoir encore un, E. C. pourra toujours ressortir le même texte en changeant les dates ; OU MIEUX ENCORE, écrire le tome 2 de ce Sine die, en le rebaptisant Ad Vitam Aeternam (voir p.103). Car ces chroniques se dégustent, elles recouvrent la triste réalité d'une fantaisie débridée et poétique. le 27 mars, l'auteur se bagarre avec lui-même, un vieux truc de gémeaux (et je sais de quoi il parle). Puis il adopte Lachésis, une araignée de plafond. Éric Chevillard est un poète, il est SURTOUT un poète. Page 43, l'un des seuls bienfaits de ce confinement : La Nature reprend ses droits ! Je kiffe son écriture unique, ce style classieux et cet esprit retors. Citation p. 63 : « On en arriverait à penser que l'information transmet le virus. Que la contagion se propage en empruntant le réseau câblé, les ondes hertziennes et le Wifi-Fi ». Un dessin de François Ayroles accompagne d'un trait épuré et explicite chaque chronique, la rehausse devrais-je dire. le seul problème de ce recueil *****, c'est la dédicace ! Car elle est quasiment illisible, E.C. aurait pu être médecin (mais la littérature française aurait alors perdu gros !), j'ai donc fait appel à un graphologue patenté pour la déchiffrer (ça a coûté bonbon à l'assoc. mais quand on aime ...), en voici la traduction : « Pour Philippe, une tentative d'écriture en présentiel [Sine die] (à suivre) Amitié, Éric Chevillard » ; Ha ... l'émotion me submerge ! Allez, salut. Et bon re-con-finement ;-]
Ces chroniques ont été écrites entre le 19 mars et le 12 mai 2020,pour le Monde, puis le blog de l'auteur. Comme l'indique le sous titre, il s'agit d'une chronique du confinement.
'Encore?' direz-vous?' Moi aussi j'aurais pu en écrire une!' Tout à fait d'accord, même si on réalise que depuis, il s'en est passé des choses, ces chroniques ont déjà un air d'étrange irréalité. Et puis c'est Chevillard, alors moi je prends!
"Dehors, rôde l'horrible virus hérissé d'antennes sensibles qui captent notre présence à plus d'un kilomètre - comme le squale la goute de sang dans l'immensité de la mer- et de palpes gluants pour se suspendre à nos lèvres, comme un amoureux ardent. Des hordes de pangolins enragés se répandent dans les rues en toussant leurs poisons et, dès que le jour baisse, ce sont les chauve-souris qui fondent sur le passant pour se moucher dans son coude. Nous ne sommes plus en sécurité que chez nous."
Entre réflexions sur ses confrères, évènements imaginaires, perfidie ordinaire, logique rigoureusement appliquée à une situation grotesque, autodérision et sens de la formule, il cherche avant tout à rester sain d'esprit. Mais peut-on seulement croire, avec son faux air de ravi de la crèche, qu'il ait pu jamais l'être ?
L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
2 avril [2020]
ALORS OUI, INEVITABLEMENT, tous les écrivains en activité tiennent leur journal du confinement. Sujet imposé. Sujet unique. Ne vous accablez pas. C'est en écrivant que nous produisons nos anticorps. (...) L'écrivain (...) se transporte sur sa page pour y forger ses armes et ses outils de résistance. (p. 59)
19 mars 2020
Chacun chez soi, mais aux confins du monde. Même le sédentaire se sent dépaysé. Quelle aventure ! (...)
Grimper aux rideaux, avez-vous déjà vraiment essayé ?
Et vous cogner la tête contre les murs ?
il y a tant à faire dans une maison. (p. 11)
3 avril [2020 ]
Existerait-il aussi quelque farouche misanthrope, confiné volontaire dans une grotte à l'écart de la société et si bien calfeutré que ne lui parviendrait plus aucune nouvelle des hommes ? Tant pis pour lui, il rate alors une belle occasion de se réjouir de leur malheur. (p. 63)
Puisque l'angoisse est là, qu'elle serve. L'écrivain écrit toujours depuis sa prison. (...)
Lisez -L'Ardoise magique-, le journal que Georges Perros, asphyxié par la fumée de sa pipe, tenait durant les derniers mois de sa vie. Toute écriture est une façon d'être. (p. 60)
Orgueil et ..., de Jane Austen ?