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Theophile Sersiron (Traducteur)
EAN : 9782207136829
464 pages
Denoël (02/09/2020)
4.03/5   276 notes
Résumé :
Les neuf histoires qui constituent ce livre brillent à la fois par leur originalité et leur universalité. Des questions ancestrales - l'homme dispose-t-il d'un libre arbitre ? si non, que peut-il faire de sa vie ? - sont abordées sous un angle radicalement nouveau.Ted Chiang pousse à l'extrême la logique, la morale et jusqu'aux lois de la physique pour créer des mondes inédits dans lesquels les machines en disent long sur notre humanité.Auréolé d'un immense succès c... >Voir plus
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Il s'agit d'un recueil de neuf nouvelles de science-fiction, plus ou moins rassemblées autour du thème du libre arbitre, de son bien-fondé et de ses conséquences ; loin de certains commentaires dithyrambiques, je l'ai trouvé inégal. ● La première nouvelle, « le Marchand et la porte de l'alchimiste » est d'inspiration orientaliste et prend pour modèle les Mille et une nuits, par le décor, les personnages et les récits intercalés. Elle évoque les voyages dans le temps et leurs paradoxes. Je l'ai trouvée brillante et très originale et elle m'a beaucoup plu : c'est la lecture de son début qui m'a décidé à acheter le recueil. ● La deuxième nouvelle, « Expiration », donne son titre au recueil en français comme en anglais (Exhalation). Il y est question d'une civilisation de robots et de leur anatomie. Là aussi, beaucoup d'originalité, mais aussi des longueurs. ● le troisième texte, « Ce qu'on attend de nous », est trop bref pour m'avoir marqué et je me rappelle déjà plus ce qu'il raconte… ● La quatrième nouvelle, extrêmement longue, « le Cycle de vie des objets logiciels », est celle que j'ai le moins aimée. Elle parle d'animaux digitaux, de leur élevage et de leur vie. Je n'en ai pas vu l'intérêt et les longueurs m'ont rebuté. J'ai failli passer à la nouvelle suivante mais ai tenu bon pour voir la fin, tout à fait quelconque : tout ça pour ça !... ● La cinquième nouvelle, « La nurse automatique brevetée de Dacey », dont l'histoire se passe au XIXe siècle, nous présente une nurse robotisée. C'est assez original et intéressant. ● le sixième texte, « Vérité du fait, vérité de l'émotion », m'a beaucoup intéressé : elle se demande ce qu'il adviendrait si nous avions la possibilité d'enregistrer l'intégralité de notre vie en vidéo. ● « le grand silence », la septième nouvelle, nous dit qu'il est vain de chercher des civilisations extra-terrestres lorsque nous avons sous les yeux une civilisation inconnue et en voie d'extinction : celle des perroquets. Pas mal, sans plus. ● le huitième texte, « Omphalos », est très étrange, mettant en scène un monde alternatif au nôtre où par exemple Chicago devient Chicagou. Il se présente sous la forme de plusieurs prières qui montrent la parfaite et curieuse adéquation entre la science et la religion dans ce monde. J'ai beaucoup aimé. ● Enfin, la dernière nouvelle « L'angoisse est le vertige de la liberté » s'appuie sur la physique quantique pour imaginer des prismes capables de nous faire explorer les branches divergentes de notre univers et ainsi de nous faire rencontrer d'autres versions de nous-mêmes : c'est avec la première, la meilleure nouvelle du recueil, malgré la fin qui est l'inverse même d'une chute. ● Il m'a semblé que dans l'ensemble ce qui ne m'a pas plu dans certaines nouvelles, c'est la propension de l'auteur à délaisser la tension narrative au profit de l'exposé didactique et scientifique, ce qui se reflète dans les titres eux aussi plats et descriptifs. Il est tellement à l'aise dans la description et l'exploration d'autres réalités que la nôtre qu'il en met de côté ce qui fait habituellement le sel du genre de la nouvelle : le brio narratif et l'art de la chute.
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Auteur discret (à peine 17 nouvelles depuis 1990), l'américain Ted Chiang s'est pourtant affirmé comme l'un des écrivains les plus importants du genre.
Détenteur de quatre prix Nebula et de quatre prix Hugo (rien que ça), il faut attendre la publication de son premier recueil, La Tour de Babylone (Stories of Your Life and Others en version originale) pour qu'il se fasse remarquer par le public et par un réalisateur des plus talentueux, le canadien Denis Villeneuve. Grâce aux efforts du scénariste Eric Heisserer, la nouvelle L'Histoire de ta vie devient en 2016 un long-métrage de science-fiction acclamé par la critique : Arrival (Premier Contact).
Depuis, Ted Chiang a continué à écrire des nouvelles dans diverses revues et anthologies. Les éditions Knopf ont donc rassemblé 9 textes de l'auteur, dont 2 inédits, à l'intérieur d'un second recueil intitulé Exhalation.

L'ouvrage s'ouvre sur un récit particulièrement connu de l'américain : The Merchant and the Alchemist's Gate (traduit sous le titre français le Marchand et la porte de l'alchimiste dans le septième numéro de la revue Fiction). Récompensé par le prix Hugo et le prix Nebula, la nouvelle nous parle de l'incroyable découverte faites par Fuwaad ibn Abbas dans une petite boutique de Baghdad tenu par un marchant et alchimiste du nom de Bashaarat. Celui-ci, non content de fabriquer des objets d'une rare finesse, a mis au point une porte permettant à celui qui l'emprunte de revenir vingt ans en arrière ou, au contraire, de se projeter vingt ans plus tard. Impressionné, Fuwaad demande au marchand si certains de ses clients ont déjà utilisé la porte en question. Après lui avoir raconté trois histoires à propos de voyageurs déterminés à changer leur passé ou à découvrir leur futur, l'alchimiste s'interroge : pourquoi Fuwaad est-il si intéressé par cette porte ?
Sur le modèle des contes des Mille et Une Nuits, Ted Chiang enchâsse quatre histoires dans son récit et analyse les conséquences de nos actes par le prisme de la conscience islamique. Cette sublime nouvelle, aussi intelligente que surprenante, prend à contre-pied les traditionnelles aventures temporelles qui tentent de changer tel ou tel événement de la vie d'une personne ou du monde. Ici, le futur et le passé s'avèrent identiques, ni l'un ni l'autre ne peuvent changer, peu importe ce que nous y faisons. Ted Chiang postule ainsi que l'avenir est déjà écrit et que le passé reste gravé dans la roche, le seul acte sensé consistant à accepter sa vie comme elle est, purement et simplement.

Le second texte, Exhalation (traduit sous le titre Exhalaison dans le numéro 56 de la revue Bifrost), a lui aussi décroché le prix Hugo de la meilleure nouvelle en 2009. Comme pour le précédent texte, Ted Chiang s'y interroge sur notre capacité à apprécier l'instant même lorsque notre futur semble déterminé à l'avance. Un scientifique d'une civilisation extra-terrestre — en réalité des êtres robotiques qui fonctionnent par de complexes mécanismes de ventilation et de pression d'air — s'étonne que de plus en plus d'orateurs (appelés crieurs) n'arrivent plus à terminer leur discours avant que ne retentisse le gong des tourelles à horloge de la ville. Bien déterminé à comprendre ce phénomène, et après avoir écarté l'hypothèse d'une défaillance des horloges, il entreprend de disséquer sa propre boîte crânienne grâce à un jeu de miroirs et d'outils de précision. Il comprend alors que l'air qu'il inspire, extrait directement du sous-sol de la cité, pourrait bien être la cause même de leur mort à tous dans un avenir proche.
Cette histoire aux doux relents de steampunk renvoie aux expériences des premiers anatomistes pour arriver à comprendre le fonctionnement du corps humain. Mais Ted Chiang, non content d'inventer cette civilisation mécanique délicieusement étrange, y mêle une réflexion sur l'entropie et l'équilibre thermodynamique de l'univers pour aboutir en réalité à une fin du monde d'une immense poésie où le narrateur, conscient de sa propre fin, incite son lecteur à prendre conscience de la valeur de l'existence elle-même. Superbe.
En guise d'intermède avant le gros morceau du recueil, l'américain nous propose What's Expected of Us (traduit en français sous le titre Ce sur quoi il faudra compter dans la septième livraison de la regrettée revue Fiction ). Beaucoup plus courte que les deux précédents, cette histoire concerne l'invention du Predictor, une sorte de télécommande avec un seul bouton et une LED verte qui se déclenche une seconde avant que vous n'appuyez dessus. le postulat, assez abscons, permet en réalité d'illustrer la difficulté de l'être humain lorsque celui-ci comprend que le libre-arbitre n'existe pas (un point commun avec The Merchant and the Alchemist's Gate mais sous un autre angle). Même si l'idée est bonne, la brièveté de cette nouvelle la rend bien fade par rapport au reste. Un amusant amuse-gueule pour ce qui va suivre.

Car voici la pièce de résistance de ce deuxième recueil avec la novella de 110 pages intitulée The Lifecycle of Software Objects. Vainqueur des prix Locus et Hugo, le texte se concentre sur une créature artificielle et virtuelle appelée digient. Pour décrire simplement celles-ci, imaginez que les Tamagotchis deviennent des êtres conscients et sensibles dans des univers virtuels du style Second Life 2.0 où les hommes peuvent les élever et les éduquer. Créés par une jeune start-up du nom de Blue Gamma, les digients deviennent rapidement un phénomène qui, malheureusement, ne va durer qu'un temps. Lassé par la lenteur de l'apprentissage des bestioles — qui ressemblent à des animaux ou des robots tout mignons — le public s'oriente vers d'autres solutions et d'autres environnements plus modernes. Seuls Ana, experte en animaux, et Derek, l'un des designers de digients, persistent à conserver leurs compagnons virtuels. Malgré tous leurs efforts cependant, et avec l'obsolescente annoncée de leur environnement virtuel, les digients survivants sont menacés d'extinction pure et simple…à moins de faire un Pacte avec le Diable…
Ce long récit arrive non seulement à rendre des créatures purement virtuelles (et de surcroît fictives) attachantes et humaines, mais également à réfléchir sur l'importance que nous accordons à la morale quand on en vient à décider du sort d'entités non humaines (et donc animales dans un sens). Brillant de bout en bout, l'histoire surprend par son refus total de verser dans le coup de théâtre facile ou à dévier vers un chemin horrifique qui semblerait évident. Ted Chiang décrit avec minutie son univers et ses créatures, leur insuffle des questionnement et des réactions humaines tout en nous poussant à réfléchir sur la nécessité de conserver la vie, quelque soit sa forme et ses potentialités. Mieux encore, il s'interroge sur les droits que peuvent avoir des entités purement virtuelles et comment nous, êtres humains, sommes capables de nous émouvoir pour des choses qui, stricto sensu, n'existe pas. Et si cela ne vous suffit pas encore, vous pouvez y voir également une réflexion sur l'éducation des enfants et la perception des parents lorsque ceux-ci deviennent adultes trop rapidement (spoiler alert : c'est toujours trop rapide).
Passionnant, parfois poignant, toujours brillant.

L'humanité qui faisait donc cruellement défaut à nombre de nouvelles de son précédent recueil semble bel et bien de retour puisque le texte suivant, Dacey's Patent Automatic Nanny (écrit à l'origine pour une anthologie intitulée The Thackery T. Lambshead Cabinet of Curiosities par Jeff VanderMeer et Ann VanderMeer) prend le prétexte de raconter l'histoire d'une invention surprenante, en l'occurrence une nounou mécanique, pour nous parler des hommes qu'elle a changé. Créé par Reginald Dacey, un mathématicien londonien particulièrement affecté par la découverte des mauvais traitements qu'infligeait la nounou engagée pour s'occuper de son propre fils, la nounou mécanique de Dacey ne semble malheureusement pas être une réussite puisque le seul garçon véritablement élevé par ses soins a fini dans une institution spécialisée…jusqu'au jour le Dr Thackery Lambshead décide d'élucider ce cas si particulier.
Mine de rien, cette histoire aux doux relents Victoriens fait preuve d'une humanité improbable, entièrement contenue dans sa chute et qui utilise le prétexte d'une invention farfelue pour parler de l'éducation (encore) et du besoin affectif qui en découle. Tout comme le précédent texte, outre le plaisir de l'inventivité de son auteur, la nouvelle se penche sur la nécessité de prendre son temps pour élever et éduquer un autre être conscient. Original et touchant.

Plus démonstratif, The Truth of Fact, The Thruth of Feeling croise deux histoires : celle d'un père en proie au doute dans une société où Remem change brutalement la façon de concevoir la mémoire humaine — l'invention donne la possibilité de tout enregistrer dans son existence et donc, incidemment, de tout se rappeler dans les moindre détails, comme dans l'épisode 3 de la première saison de Black Mirror — et celle de Jijingi, un villageois du peuple Tiv en Afrique qui voit l'arrivée des Européens et de leur missionnaire comme un changement majeur pour sa culture orale qui n'a jamais admis l'écrit jusque là. Si l'on peut reprocher à l'histoire d'enchaîner un peu trop mécaniquement les deux fils narratifs choisis, il faut concéder à nouveau l'intelligence de Ted Chiang pour illustrer le changement de paradigme dès lors que l'on change de support. de l'oralité à l'écrit, de la faillibilité à l'absolu.
Comment le fait de pouvoir se souvenir de tout va-t-il changer l'humanité ?
Le fait de pouvoir oublier ne fait-il pas parti des processus naturels vitaux pour le pardon et l'évolution ? Ou au contraire, le fait de pouvoir réécrire l'histoire ne brouille-t-il pas la conception que l'on a de soi et du monde ? À nouveau, l'histoire s'avère passionnante en n'oubliant pas le facteur humain qui, finalement, décide de tout.
Autre intermède avec The Great Silence où Ted Chiang compose un texte court et poétique sur la disparition de la seule espèce non-humaine capable de communiquer avec l'homme : les perroquets. Ce qui touche ici, c'est la façon de Ted Chiang d'illustrer la bêtise de l'homme qui cherche la vie à des millions d'années-lumière alors qu'il n'est déjà pas capable d'apprécier celle, extraordinaire, qui se trouve sur sa propre planète. Un exercice de style réussi qui permet de souffler avant de retomber dans une des marottes de l'auteur américain : le rapport à Dieu.
Première des deux nouvelles inédites du recueil, Omphalos imagine un monde où la théorie créationniste se serait vu renforcée par les découvertes scientifiques réalisées. Problème, lorsque l'on découvre grâce à l'astronomie que tout n'est pas aussi figé qu'on le croit, la croyance et la foi vacille. Et si les humains sans nombril n'étaient qu'une coïncidence et non une preuve ?
Écrit comme une suite de missives/prières, Omphalos s'amuse à décrire une uchronie où la science serait parfaitement en phase avec le religieux. Seulement voilà, il faut tout de même tordre les lois de la physique pour faire rentrer le tout au sein de la théorie divine. En déconstruisant avec malice les fondements de son monde uchronique, Ted Chiang renvoie cette fois aux grandes découvertes qui ont fait basculer notre façon de voir le monde et l'univers et en quoi cela nous a profondément affecté en tant qu'individu et société. Malgré tout, le texte manque ici singulièrement d'humanité dans le fond et convainc donc moins que les précédents.

Reste alors la dernière histoire du recueil : Anxiety is the Dizziness of Freedom.
Le Prisme a révolutionné notre façon de concevoir le monde. Avec lui, il est désormais possible pour tous d'établir une communication avec ses paramoi, d'autres versions de soi dans des branches d'univers parallèles.
Grâce à une technologie quantique avancée, il est possible de savoir ce que nos autres moi ont fait (ou n'ont pas fait) dans d'autres réalités que la nôtre.
Nat travaille pour Morrow, un revendeur-profiteur de Prismes, et assiste régulièrement à des séances de thérapie de groupe animée par Dana, une psychologue spécialisée dans les problèmes humains soulevés par les Prismes.
Et ceux-ci sont nombreux puisque non seulement certains n'hésitent pas à arnaquer leurs prochains (par exemple en soutirant de l'argent à une vieille dame sur le point de mourir sous prétexte de l'envoyer à son paramoi en bonne santé dans une autre branche) mais aussi parce que cela induit tout un tas de questions sur la nature profonde que cache les uns et les autres.
Clou du spectacle de ce second recueil, Anxiety is the Dizziness of Freedom réunit toutes les qualités des précédents nouvelles de l'auteur : un monde crédible de bout en bout, une invention géniale et pas si simple que ça (car ici, l'activation d'un prisme engendre un point de divergence du fait de son utilisation quantique, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de possibilité de tomber dans une branche où l'ante-activation est différent), une humanité de plus en plus poignante à travers les récits de Nat et Dana et enfin un questionnement sur la nature humaine lorsqu'elle est confrontée à un libre-arbitre vacillant.
Une réussite à tous les points de vues !

Corrigeant toutes les erreurs de son précédent recueil, Ted Chiang offre ici un condensé de ce que peut produire de mieux la science-fiction moderne. Brillant dans les moindres détails, inventif et audacieux, Exhalation propose une multiplicité de fenêtres sur l'avenir et l'univers, réfléchissant sur notre libre-arbitre et notre existence avec une finesse d'esprit qui n'oublie jamais notre humanité derrière la technologie. Un coup de maître.
Lien : https://justaword.fr/exhalat..
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Je ne suis pas fan de nouvelles, ni de science-fiction… et ce roman de Ted Chiang s'avère être un recueil de neuf nouvelles de science-fiction qui tournent toutes autour d'un sujet commun : le libre arbitre.

Pas trop ma tasse de thé à la base donc, mais vu que la lecture est non seulement conseillé par un certain Barack Obama, mais surtout par l'incontournable Yvan du blog EmOtionS, je me devais de l'ajouter à ma PÀL.

Force est de constater que ce recueil de nouvelles contient du bon et du très bon et je vous recommande d'ailleurs chaudement la première nouvelle (« le Marchand et la porte de l'alchimiste »), qui aborde certes le voyage dans le temps, mais qui s'avère surtout très philosophique et poétique, sur fond d'ambiance orientale des contes des Mille et Une Nuits. J'ai adoré !

Par contre, à partir des suivantes, vous risquez de devoir ressortir votre cours de physique du placard pour suivre ces récits intégrant des civilisations de robots, des animaux de compagnie digitaux et une bonne dose de physique quantique… même si dans l'ensemble cela reste plutôt accessible. J'ai beaucoup aimé toutes ces intrigues particulièrement originales, malgré certaines longueurs, principalement lors de la quatrième nouvelle « le Cycle de vie des objets logiciels », où j'ai failli piquer du nez en compagnie d'espèces de Tamagotchis 2.0. Mais sinon, c'était du tout bon !

Ted Chiang propose de la SF intelligente, invitant les lecteurs à explorer des mondes certes futuristes, mais qui invitent finalement à réfléchir sur le monde d'aujourd'hui. A ce titre, je verrais d'ailleurs bien plusieurs de ces intrigues à la morale intéressante adaptées dans l'excellente série Netflix « Black Mirror ».

Bref, un roman qui ne m'a pas encore transformé en fan de SF, mais qui m'a tout de même donné envie de découvrir les ouvrages précédents de l'auteur… et… bonne nouvelle pour ma PÀL car visiblement Ted Chiang n'est pas très prolifique, privilégiant probablement la qualité à la quantité…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Des prix Hugo bien mérités

J'ai découvert Ted Chiang, écrivain américain contemporain de science-fiction, il y a un peu plus d'un an avec son recueil La tour de Babylone que j'avais bien aimé. Cette fois, j'ai vraiment été estomaqué par l'excellente qualité de ce recueil de nouvelles de S-F qui tournent autour de la notion de libre arbitre. Fait rare, sur les neufs nouvelles présentes dans cet ouvrage, trois ont reçues le prix Hugo (sans doute le plus prestigieux prix pour les récits de science-fiction récompensant, entre autres, les meilleures nouvelles/novella pour une année donnée).


S'il est toujours permis d'interroger sinon de critiquer les choix d'attribution d'un prix (en littérature comme ailleurs), je crois comprendre ce qui a pu séduire autant dans les nouvelles de Ted Chiang : Cet auteur, pourtant peu prolifique (En 25 ans d'écriture, il ne publia en tout et pour tout que deux recueils de nouvelles dont celui-ci publié en 2019 aux Etats-Unis) sait mélanger avec talent des éléments appartenant à différents genres et sous-genres littéraires qui ne se rencontraient pas ou peu : ici, peuvent cohabiter la religion et la science, l'imaginaire américain et oriental et s'entrecroiser des influences très disparates. Mieux, il innove dans chacun de ses récits et tout au long de l'ouvrage.


Ted Chiang débute son recueil sous la forme d'un petit conte philosophique qui emprunte son atmosphère aux mille et une nuits et qui explore l'hypothèse d'une destinée immuable et inflexible pour chaque humain à travers une porte permettant de voyager à travers le temps. J'ai retrouvé dans ce texte bien des ingrédients que j'apprécie chez l'auteur argentin Jorge Luis Borges : gouts pour les mythes et les légendes, amour des paradoxes et jeux de miroirs entre les doubles et les époques.
Un peu plus loin dans le récit, Expiration, qui donne son titre au recueil, se situe dans un monde mécanique de robots conscients. Cette nouvelle qui m'a rappelé Les dieux eux-mêmes d'Isaac Asimov explore également l'absence de libre arbitre.
Après cela, on enchaine directement sur « le cycle de vie des objets logiciels », contrairement à ce que le titre un peu froid pourrait laisser penser, on retrouve là une nouvelle invitant à la réflexion sur les limites de l'humanité, la réalité des sentiments tout en laissant une grande place à l'empathie pour les personnages (humains et « animaux numériques »). du grand art !
Quelques nouvelles plus loin, le récit « Omphalos » nous immerge dans un monde où les preuves scientifiques du créationnisme abondent mais dont les chercheurs découvriraient à leur grande déception que la Terre n'est néanmoins pas le centre de la création. On retrouve ici le mix réussi entre l'imaginaire judéo-chrétien et la science-fiction qui était très présent dans le précédent recueil de l'auteur La tour de Babylone.
Les autres récits sont peut-être un peu moins mémorables mais restent d'une très bonne facture et j'ai rarement trouvé autant d'excellentes nouvelles dans un même livre.


Je recommanderai très volontiers Expiration de Ted Chiang à toute personne appréciant de près ou de loin la science-fiction. Via cette lecture, j'ai pensé aux textes les plus aboutis d'auteurs contemporains comme Greg Egan ou Ken Liu qui ont (avec bien d'autres) réussi à repousser les limites du genre science-fiction et ont souvent préférés à l'exploration de l'espace extérieur, l'étude des espaces intérieurs. Mieux, j'ai eu l'impression que Ted Chiang parvenait à creuser des thèmes plutôt typiques de la hard SF tout en ouvrant largement son ouvrage à tout type de lecteur et en y apportant une sensibilité qui manque souvent aux textes de ce sous-genre. Ce livre fut mon second coup de coeur de 2022 et un immense plaisir de lecture.
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J'ai découvert Ted Chiang il y a quelques années lors de l'adaptation au cinéma d'une de ses nouvelles par Denis Villeneuve sous le titre de Premier Contact (lien). Ce film avait été un gros coup de coeur pour moi, représentant un pan de la SF que j'adore lire et voir au cinéma. Voyant Ted Chiang à nouveau très plébiscité avec la sortie d'un nouveau recueil de nouvelles, il me fallait tenter l'expérience de le lire dans ce format.

Ted Chiang est un auteur qui écrit peu mais qui se fait à chaque fois remarquer par la qualité de ses récits. Depuis 1990, il a publié à peine 17 nouvelles mais s'est pourtant affirmé comme l'un des écrivains les plus importants du genre en remportant 4 prix Hugo, 4 prix Nebula et 6 prix Lotus ! On peut donc imaginer à quel point chaque nouvelle sortie est un petit événement.

Denoël avec sa collection Lunes d'Encre nous propose donc cette année de découvrir 9 nouvelles du maître offrant un joli tour d'horizon de la science-fiction moderne grâce à des thèmes variés et d'actualité. Avec de faux airs de Black Miror, c'est la question du libre-arbitre et de nos existence, voire de notre humanité et de notre rapport à l'univers qui nous entoure qui est questionné avec beaucoup de finesse afin de ne jamais oublier l'homme derrière la machine. Une oeuvre qui pousse vraiment à la réflexion.

Le revers de la médaille, c'est que chaque oeuvre varie énormément. Chacune interroge mais toutes n'ont pas réussi  à me parler. J'ai eu le sentiment d'être laissée sur le carreau par certaines, n'ont pas qu'elles soient mal écrites, au contraire la plume de Ted Chiang est simple, agréable, fluide, alors qu'il aborde souvent des concepts complexes, mais il les vulgarise extrêmement bien. Non, c'est parce que j'ai eu le sentiment que ses idées prenaient le pas sur la narration et que celle-ci était parfois inexistante. Dans plusieurs nouvelles, je n'ai pas senti vivre le personnage et je me suis donc contentée de me laisser porter par les idées, alors que de mon côté, je préfère me laisser porter par les personnages. Ainsi, si j'ai adoré certains textes, j'ai été un peu déçue par d'autres mais parce qu'ils ne correspondaient pas à ce que j'attends de la littérature, non pas parce qu'ils étaient mal écrits ou bancals au niveau des idées, loin de là.

Ces précautions étant dites, voyons un peu de quoi il en retourne.

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#1 : le marchand et la porte de l'alchimiste

Récompensée par le prix Hugo et le prix Nebula, cette première nouvelle emprunte au style des Mille et une nuits pour nous parler de l'incroyable découverte faite par Fuwaad ibn Abbas dans une petite boutique tenue par un marchant et alchimiste qui a mis au point une porte permettant à celui qui l'emprunte de voyager de 20 ans dans le passé, ou au contraire de partir 20 ans dans le futur. Impressionné, notre héros demande au marchand si certains de ses clients ont déjà utilisé la porte en question.

J'ai trouvé cette nouvelle vraiment très belle et surprenante. Avec son récit empruntant aux contes arabes, ce qui lui donne un air très traditionnel, elle traite pourtant d'une question phare de la SF, une question universelle et intemporelle, la fameuse "Et si...?" Mais ici, c'est un sentiment d'inéluctabilité qui se dégage et qui est parfaitement résumé dans cette phrase : "Rien n'efface le passé. Nous avons la repentance, nous avons l'expiation, et nous avons le pardon. C'est tout, mais c'est bien assez."

#2 : Expiration

Ce deuxième texte a également obtenu le prix Hugo de la meilleure nouvelle et l'auteur s'y interroge à nouveau notre capacité à apprécier l'instant présent même lorsque notre futur semble déterminé d'avance. On suit pour cela un automate issu d'une civilisation extraterrestre curieux d'en apprendre plus sur lui et son espèce, leur fonctionnement et leur mémoire. Il entreprend pour cela de disséquer son propre crâne grâce à un jeu de miroirs et d'outils très précis. Mais il comprend alors que l'air qu'il inspire vient directement du sous-sol de la ville et pourrait très bientôt être la cause de leur mort à tous.

J'ai beaucoup aimé l'ambiance très asimovienne et steampunk de cette nouvelle. Suivre un héros qui est un robot change pour moi et offre une toute autre vision des choses. Ses interrogations sont en revanche tout à fait humaines et universelles à nouveau puisqu'elles renvoient aux expériences des anatomistes qui cherchaient à comprendre comment fonctionnait notre corps. Mais la dimension robotique apporte une toute autre saveur et dimension qui m'a beaucoup plus. J'en retiendrai la petite phrase : "Nous ne sommes que des configurations d'air en mouvement." qui permet au héros de prendre conscience de sa valeur.

#3 Ce qu'on attend de nous

Petit intermède ultra court mais vraiment excellent, qui m'a frappée et mis une petite claque, alors que les textes précédents m'avaient un peu caressée dans le sens du poil. C'est une très bonne mise en jambe avant la nouvelle plus consistante qui suit où l'on continue à évoquer le libre-arbitre ou son absence face à une détermination extérieure.

#4 le cycle de vie des objets logiciels

Texte le plus long de ce recueil que j'aurais bien vu figuré dans la collection de novella du Bélial avec ses 130 pages, celui-ci a gagné les prix Locus et Hugo. Ted Chiang y met en scène des créatures artificielles et virtuelles appelées "Digimos" à mi-chemin entre les Digimons de l'anime et les Tamagotchis que j'ai connus ado. Il faut imaginer que ces créatures sont devenues des êtres conscients et sensibles dans un univers virtuel où les hommes peuvent les élever et les éduquer. Ils deviennent rapidement un phénomène, qui comme tout phénomène ne sera qu'éphémère, car leurs propriétaires sont vite lassés par la lenteur de l'évolution de ces drôles d'enfants qu'ils doivent élever. Seuls quelques membres de la société mère conservent leurs compagnons virtuels, mais malgré tous leurs efforts avec l'obsolescente programmée de leur environnement virtuel, les Digimos survivants sont menacés d'extinction à moins de faire un pacte avec le diable.

Novella beaucoup plus longue, j'ai vraiment eu le sentiment de me retrouver dans un épisode de Black Miror cette fois. Ayant plus de pages, l'auteur a pu prendre le temps de développer des personnages auxquels j'ai pu m'attacher pour suivre cette histoire, qu'ils soient humains ou virtuels. C'était d'ailleurs particulièrement intéressant de suivre le lien entre humains/parents et enfants/I.A. Les thèmes des intelligences artificielles, de la parentalité et de l'évolution dans tous les sens du terme étaient fouillés et pertinents. C'est un texte qui fait beaucoup réfléchir notamment sur notre curseur moral pour arriver à ce qu'on croit être le mieux.

#5 La nurse automatique brevetée de Dacey

Après avoir exploré la parentalité avec un Tamagotchi revisité, l'auteur s'interroge sur la relation enfant-nounou si celle-ci était un automate avec un texte sur le thème de l'apprentissage par imitation/interaction mais avec qui ?
Quelle bonne éducation donner à ses enfants et comment ?

Avec un petit air de nouvelle victorienne à la Mary Shelley, Ted Chiant raconte l'histoire d'une invention surprenante,  une nurse automatique, mécanique, imaginée pour remplacer la nounou de son inventeur qui aurait maltraitée son fils. Mais cela ne se passe pas très bien puisque le seul garçon élevé par ses soins aurait fini dans une institution spécialisée. Est-ce vraiment une invention ratée ? Un docteur curieux décide d'enquête là-dessus.

Comme chaque histoire qui met en scène des créatures mécaniques, j'ai été fascinée par ce récit et les questions qu'il pose sur notre capacité à élever un enfant, ce qu'on désire pour lui/elle, ce qu'on y met derrière, les raisons pour lesquelles ont le/la confirait à une machine, etc. Mais également sur le rapport de l'homme au robot, à l'automate. Fascinant, original et à ma plus grande surprise touchant.

#6 La vérité du fait, la vérité de l'émotion

Ce nouveau texte propose une double histoire. Il y a d'abord celle d'un père qui a du mal à vivre dans une société où l'on change brusquement la façon de concevoir la mémoire humaine grâce à une invention qui donne la possibilité de tout enregistrer dans sa vie et donc de se rappeler tout dans les moindre détails. A cela s'ajoute celle d'un jeune africain qui voit l'arrivée des Européens et de leur missionnaire comme un changement majeur pour sa culture orale qui n'a jamais admis l'écrit.

J'ai trouvé pertinente la réflexion sur les limites de la mémoire, grâce à l'opposition de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture comme un vecteur de mémoire réelle s'opposant à celle enregistrée par cette nouvelle invention. Un thème déjà vu/lu ailleurs mais toujours intéressant à revoir. Cependant le lien fait entre les deux histoires m'a plusieurs fois semblé un peu trop forcé et ce manque de liant m'a gêné dans ma lecture. Quelques phrases cependant à méditer : "La technologie peut encourager les mauvaises habitudes." "Nos souvenirs sont nos autobiographies privées."

#7 : le grand silence

Ce second court intermède, plus long cependant que le précédent, m'a moins marquée même s'il met en scène un concept intéressant : le paradoxe de Ferni en exploitant l'idée de la disparition de la seule espèce non-humaine capable de communiquer avec l'homme : les perroquets.

C'est un texte surprenant car il pointe la bêtise des hommes qui cherchent la vie à des millions d'années-lumière de chez eux alors qu'ils ne sont déjà pas capable d'apprécier celle qu'ils ont sur leur propre planète.

#8 Omphalos

Avec Omphalos (=L centre du monde), je suis malheureusement tombée sur un texte auquel je suis restée particulièrement hermétique à cause de la présence bien trop importante de la religion, même si je dois avouer que c'est un texte intelligent où l'auteur s'amuse encore à pasticher notre monde sous un bon angle.

Il imagine un monde où la théorie créationniste se serait vu renforcée par les découvertes scientifiques réalisées. Problème, lorsque l'on découvre grâce à l'astronomie que tout n'est pas aussi figé qu'on le croit, la croyance et la foi vacille. Et si les humains sans nombril n'étaient qu'une coïncidence et non une preuve ?

Dans ce pastiche de notre monde, Ted Chiang interroge le rapport entre les croyants et la science, entre ce que leur religion leur dit de croire et ce que la science leur démontre, alors même que nous sommes dans un univers où la science est parfaitement en phase avec la religion. Ainsi, il s'amuse petit à petit à déconstruire les fondements même de cet univers pour faire basculer la façon de voir le monde et l'univers aussi bien chez les habitants de cette histoire que chez ses lecteurs. Cependant, le texte reste souvent froid et théorique et c'est peut-être pour ça qu'il m'a moins plu, en dehors de la superbe lettre finale de Dorothea, qui apporte toute la nuance qu'il manquait un peu avant.
"La science n'est pas seulement la recherche de la vérité. C'est la recherche d'un sens."

#9 L'angoisse est le vertige de la liberté

Ted Chiang conclut alors son recueil sur une nouvelle assez longue également, près de 100 pages où le lecteur cogite dès le titre.

A nouveau, dans une ambiance à la Black Miror, nous nous retrouvons dans un monde où un objet mélange d'artéfact et d'invention : le prisme, a révolutionné la façon de concevoir la vie. Avec lui, il est désormais possible d'établir une communication avec d'autres versions de soi dans des univers parallèles et de savoir ce que nos autres moi ont fait ou non dans ces autres réalités.

Comme son autre texte un peu long, l'auteur a pris le temps de développer son univers et ses personnages pour y insuffler une vraie humanité. Ainsi, l'héroïne, Nat, travaille pour un revendeur-profiteur de prismes, un arnaqueur. Elle assiste également à des séances de thérapie de groupe pour les problèmes relatifs à ces prismes. Et il y a de quoi faire entre les arnaques qui se mettent en place et les questions que cela pousse à se poser sur la nature profonde que cache tout un chacun. le monde dans lequel elle évolue avec ses arnaques et ses espèces d'accrocs anonymes aux prismes est tout à fait crédible. L'invention est géniale et on se retrouve avec un portrait poignant des humains que l'on suit. L'interrogation sur notre libre-arbitre, qui revient une nouvelle fois, est donc tout à fait légitime. En prime, le final est particulièrement émouvant.

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Avec 9 textes, 9 ambiances différentes et surtout 9 variations sur un même thème : le libre-arbitre, Ted Chiang brosse un portrait moderne de la nouvelle de SF. Il développe en marge un panel de sujets bien vaste montrant la pierre angulaire qu'est le libre-arbitre dans tous ces récits. Alors certes, je n'ai pas réussi à me plonger vraiment à corps perdu dedans car j'ai trouvé l'ensemble parfois un peu froid et lointain, mais les idées m'ont quand même convaincue et quand j'ai ressenti ce petit bout d'humanité, ce fut un vrai feu d'artifice. Alors amateurs de SF, ce recueil est fait pour vous !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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critiques presse (3)
Telerama
02 mai 2022
À chaque fois, Chiang part d’une découverte scientifique pour la pousser jusqu’à son extrême logique et s’interroger sur ce qu’est un souvenir ou la façon de vivre avec des machines qu’on se prend à aimer.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
09 novembre 2020
Je tiens Chiang pour un génie littéraire d’un genre particulier : un génie dont le génie est accessible à tous ou presque. S’y versent les charmes du roman populaire et du roman savant, de la spéculation philosophique et du mélodrame, de la science ou de la poésie, de la tragédie et de la fiction de genre.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Elbakin.net
03 novembre 2020
Si l’ensemble n’est pas toujours aussi vertigineux que La Tour - mais s’agit-il vraiment d’une obligation ? - il n’en constitue pas moins un recueil à faire figurer parmi les lectures indispensables de cette fin d’année.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Bienvenu dans mon humble échope monseigneur, dit-il. Mon nom est Bashaarat. En quoi puis-je vous être utile ?
— Ces objets sont remarquables. Je traite avec des vendeurs de chaque coin du monde, et je n'ai pourtant jamais rien vu de tel. Dites-moi, je vous prie, où donc avez-vous acquis votre marchandise ?
— Je vous suis obligé de ces aimables paroles. Tout ce que vous voyez ici a été fabriqué dans mon atelier, par mes soins ou par mes assistants, sous ma direction. » Je fus impressionné que cet homme ait pu faire preuve d'un tel savoir dans tant de domaines. Je lui posai des questions sur les divers instruments de sa boutique et l'écoutai discourir avec érudition d'astrologie, de mathématiques, de géomancie et de médecine. Nous parlâmes durant plus d'une heure, et en moi perça une fascination mêlée de respect, telle une fleur réchauffée par les lueurs de l'aube,jusqu'à ce qu'il mentionne ses expérimentations alchimiques.
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L'univers est si vaste que des formes de vie intelligente ont certainement dû apparaître à de nombreuses reprises. Et il est si vieux que même une seule espèce technologique aurait eu le temps de s'étendre et d'emplir toute la galaxie. Et pourtant, il n'y a pas de signes de vie ailleurs que sur la Terre. C'est ce que les humains appellent le paradoxe de Fermi.
Une des réponses au paradoxe de Fermi serait que les espèces intelligentes dissimulent en fait activement leur présence pour éviter d'être prises pour cible par des envahisseurs hostiles.
En tant que membre d'une espèce presque intégralement décimée par l'homme, je peux témoigner qu'il s'agit là d'une stratégie judicieuse. Rester discret et éviter d'attirer l'attention me paraît sensé. ("Le grand silence", p. 299-300)
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"Si vous avez un mariage solide, Memori ne peut pas vous faire de mal. Mais si vous êtes du genre à constamment vouloir prouver que vous avez raison et que votre conjoint a tort, alors votre mariage rencontrera des difficultés, que vous utilisiez Memori ou non."
J'ai admis qu'elle avait peut-être raison, dans ce cas précis. Mais, lui ai-je demandé, ne pensait-elle pas que Memori favorisait l'apparition de ces disputes en permettant aux couples de compter les points, même dans les mariages solides ?
"Pas du tout, a-t-elle dit. Ce n'est pas Memori qui leur a donné l'idée de compter les points ; ils l'ont fait d'eux-mêmes. Un autre couple pourrait aussi bien utiliser Memori, se rendre compte qu'il leur est déjà arrivé à chacun de se tromper, et devenir plus indulgent l'un envers l'autre lorsque ce genre d'erreurs se produit." (La vérité du fait, la vérité de l'émotion, p.251)
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Avant qu'une culture n'adopte l'usage de l'écriture, lorsque la transmission de son savoir se fait exclusivement à l'oral, elle peut très facilement remanier son histoire. Ce n'est pas intentionnel, mais c'est inévitable ; les bardes et les griots du monde entier ont fait évoluer leurs histoires en fonction de leurs publics et ainsi progressivement adapté le passé aux besoins du présent. L'idée que les récits du passé devraient rester inchangés est le fruit du respect de l'écrit inhérent aux cultures alphabétisées. Les anthropologues vous diront que les cultures orales perçoivent le passé différemment ; pour eux, l'histoire n'a pas besoin d'être exacte, mais plutôt de légitimer la manière dont la communauté se perçoit. Il ne serait pas juste de dire que leur histoire n'est pas fiable ; elle fait ce qu'elle est censée faire.

"La vérité du fait, la vérité de l'émotion"
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 Il y a quatre choses qui ne reviennent jamais : la parole exprimée, la flèche lancée, la vie vécue et l’occasion manquée.
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Vidéo de Ted Chiang
Ce qu'on attend de nous, une nouvelle extraite d'Expiration lue par Pascal Godbillon. L'ouvrage tant attendu de Ted Chiang paraîtra le 2 septembre chez Denoël. © 2019 by Ted Chiang
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