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EAN : 9782262004569
496 pages
Perrin (01/10/1987)
5/5   1 notes
Résumé :
4°de couverture : RAS et rabat intérieur
(Edition source : Perrin, Présence de l'histoire - 09/1987)


Louis XVI, Tome 1 : Le Prince

Fruit de quinze ans de travail, la biographie de Louis XVI la plus considérable et la plus nécessaire qui ait jamais été écrite. Jean-François Chiappe, historien rigoureux, conteur de grand souffle, fait surgir en pleine lumière, de 1754 à 1793, non seulement la personalité, la vie et la chute... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
ISBN : 978-2262004569

Parmi les monarques français, et j'irai jusqu'à écrire parmi les particuliers, jamais personne n'a été traité par l'opinion publique comme le fut Louis, seizième du nom. de nos jours encore, cette opinion publique toute puissante - et de plus en plus puissante par la révolution pacifique du Net - remet Louis XVI, sa vie et son destin tragique en question en osant le camouflet ultime, cette humiliation que ne méritaient certainement pas plus l'homme que le monarque. On le compare en effet à un certain François Hollande, président de l'actuelle République française, lequel, depuis son élection, n'a cessé de rabaisser et d'humilier notre pays en s'abstenant soigneusement de prêter la moindre oreille aux besoins et aux volontés d'une nation déstabilisée, de plus en plus assommée par la précarité et le chômage, en quête désormais, le mouvement s'affirme, d'un retour à ses idéaux de toujours : liberté, souveraineté, culture et grandeur.

Bref : l'antithèse parfaite de Louis XVI.

Devant pareille insulte à la mémoire d'un roi qui ne souhaitait peut-être pas régner mais qui le fit avec honnêteté, s'inquiétant de ses peuples et de leur bien-être, bataillant tout seul (ou presque) pour des réformes fiscales d'une telle ampleur qu'elles ne pouvaient s'accomplir sans l'union des Trois Ordres, d'un roi qui connut en cette vie un véritable chemin de croix avant de périr, avec la dignité que l'on sait, sur un échafaud qui, la Malchance le poursuivant jusqu'à la dernière seconde, le décapita non pas à hauteur du cou mais au niveau de la mâchoire, il nous apparaît primordial de tenter de brosser un portrait plus exact, plus juste de celui que son entourage, la Cour de Versailles, les rivaux d'Orléans, les Révolutionnaires bien sûr mais aussi des historiens peu empressés et adeptes des idées reçues susceptibles de pouvoir renforcer la République encore toute jeune - ben oui, la IIIème République était encore très jeune et il lui fallait se construire sa légende, ses mythes - et enfin des pseudo-intellectuels qui, sans s'informer, sans réfléchir par eux-mêmes, se sont contentés de répéter ce que d'autres avaient dit, considéraient grosso modo comme un brave type, certes, mais dépourvu d'intelligence et de bon sens, plus occupé de serrurerie que de politique, asexué ou quasi, ce qui n'arrangeait pas son cas, cocu tant sur le plan saphique que sur le plan de l'hétérosexualité par une Marie-Antoinette elle aussi allègrement calomniée et critiquée à tout-va, bref, comme un pauvre imbécile indigne de porter le nom glorieux des Bourbons et qui a eu ce qu'il méritait en finissant guillotiné.

Eh ! bien, non ! Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, Louis-Auguste de France, duc de Berry, puis Dauphin et enfin Roi de France sous le nom de Louis le Seizième, n'a rien à voir avec cette caricature que vous contemplez encore, en plein XXIème siècle, avec tant de commisération méprisante. Si Robespierre, le seul de nos politiques à ne pas avoir usurpé le surnom d'"Incorruptible" qu'on lui avait donné - au fait, il paraîtrait que Messieurs Juppé et Sarkozy, pour ne citer que ces deux-là, détestent l'avocat d'Arras - mérite bien, malgré ses excès, sa froideur et son jusqu'au-boutisme absolu, de se voir réhabilité, il en est de même pour celui dont il vota la mort, dit-on, avec fermeté mais à regrets.

Si brusquement, vous vous sentez un peu de suspicion envers les préjugés dont on vous a abreuvés, si mon discours vous pique un peu - et j'espère qu'il y réussira - plongez-vous dans la biographie magistrale que Jean-François Chiappe a consacrée, en trois volumes, à Louis XVI. Biographie, dis-je, et non hagiographie. Car l'homme et le monarque eurent, comme tout le monde - vous comme moi - leurs défauts et leurs faiblesses. de là à oser prétendre qu'il n'était que ça et qu'il ne s'est jamais préoccupé de son pays ni des souffrances de son peuple - ce peuple dont il refusa, jusqu'au bout, de faire couler le sang - il y un abysse. Oui, Louis XVI mérite bien mieux que ce que l'on a dit - et ce que l'on continue de dire - sur lui.

Second fils de Marie-Josèphe de Saxe et de Louis-Ferdinand, Dauphin de France et fils de Louis XV, Louis-Auguste n'était pas né pour régner. Avant lui venait Louis-Joseph, titré duc de Bourgogne par leur grand-père, un enfant brillant, intelligent, vif, extraverti, hautain, astucieux : un modèle et un futur grand roi, nul n'en doutait. D'ailleurs, tout le monde le pensait, tout le monde le disait et ses parents l'idolâtraient. Mais un jour, la tuberculose osseuse s'invite au chevet de l'enfant. Et le rêve prend fin. Louis-Joseph, si avide de faire rendre gorge à Frédéric de Prusse qui sévit encore à l'époque, comprend, lentement mais sûrement, qu'il ne règnera jamais. Il passe bientôt ses jours en fauteuil roulant, ses professeurs renoncent à poursuivre leurs cours (trop de fièvre, trop de faiblesse) et, en définitive, la Faculté, solennelle et résignée, recommande l'alitement.

Alors, pour "distraire" le petit moribond dont on ne sait exactement quel jour la Camarde passera prendre livraison, ses parents, son grand-père lui-même (un homme pourtant réputé pour son intelligence) lui donnent pour compagnon son cadet, le petit Berry. Et cet enfant, pourtant héritier en second du trône, est mis à "disposition" de son aîné. Ce qui signifie qu'il ne joue plus, qu'il bouge à peine, parle encore moins mais écoute, écoute son aîné - tant aimé, tant admiré - lui donner des ordres et lui prêcher la sagesse et la soumission. Et sans cesse, dans les yeux de ses parents, dans ceux des familiers, jusque dans ceux de "Papa-Roi" Louis XV, Louis-Auguste perçoit les comparaisons, toujours à son désavantage, lui, si pataud, si lourdaud, si timide, si posé en tous cas en apparence. Pire, sa sensibilité discerne la question : "Pourquoi Louis-Joseph doit-il nous quitter, lui, si vif, si intelligent, si prometteur alors que Dieu aurait mieux fait de nous prendre ce pauvre Louis-Auguste, mignon certes, mais visiblement si inférieur à son aîné par l'intelligence et les talents ? ..."

Imaginez tout cela dans la tête d'un enfant de six ans. Peu importe qu'il soit appelé à régner, peu importe le siècle où il est né. Prenez un enfant de cet âge, aujourd'hui, et faites-lui voir les mêmes horreurs dans les yeux de ceux qu'il aime le plus au monde. Imaginez. Imaginez les ravages. Quoi ? Vous fermez les yeux ? vous détournez la tête ? Mais Louis XVI, c'est ça. Aussi. Avant tout. Ah ! ça fait un peu bizarre, hein ?

C'est ainsi très tôt, trop tôt, dans son enfance que prend racine le terrible complexe d'infériorité que cultivera le futur Louis XVI, cherchant néanmoins parfois à s'en défendre mais finissant, en maintes occasions, par ployer sous le faix. Paradoxalement, c'est dans les derniers mois de sa vie, dans le Malheur, que le prince comprendra enfin ce qu'il est, ce qu'il a toujours été : un homme et un monarque dont la noblesse de coeur, le rare courage, le sens de l'Etat et le respect de la parole donnée à Dieu et à ses peuples lors du discours du Sacre ne dépareront certes pas parmi ses brillants aïeux.

Et cette période si douloureuse de son enfance ne constitue que l'un des obstacles qui s'opposeront au développement harmonieux de Louis XVI. Son illustre aïeul, Louis le Grand, avait, rappelons-le, bénéficié sans compter de l'amour de sa mère, Anne d'Autriche. Louis-Auguste, lui, n'aura pas cette chance car, au moment où la Dauphine semble s'apercevoir des qualités de son fils, elle décède brutalement. Et Dieu sait combien l'amour d'une mère est important pour un enfant ...

Ce premier tome de la biographie de Chiappe, étayé avec ferveur mais réalisme, rédigé en un style superbe, ouvre au lecteur curieux mais impartial les portes d'un caractère trop longtemps calomnié ou carrément dénié à celui qui le possédait. On ne s'y ennuie pas un seul instant et la fin du règne de Louis XV tout comme les débuts bien timides de son successeur nous sont restitués comme si nous y étions. A la fin de cette lecture, on n'a qu'une seule hâte : entamer le second tome.

... Et déjà - et c'est une belle victoire pour l'auteur - on se met à avoir une idée plus nette, plus précise et oh ! combien plus vivante de Louis XVI. C'est bien simple : on le sent là, à nos côtés, toujours un peu étonné que ces étranges descendants des Républicains de 1789 continuent à s'intéresser à lui et encore plus surpris - et vaguement ému - de constater qu'ils cherchent non pas à l'accabler mais à mieux le connaître. Louis XVI ne souhaitait rien tant que cela justement : que ses peuples le vissent tel qu'il était : avec quelques siècles de retard, Jean-François Chiappe a donné cette joie ultime à ses mânes. Grâces lui en soient rendues à jamais. ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... De l'ampleur de la guerre des Farines, nous ne saurons à peu près rien, sinon qu'elle mit sous les armes quelques vingt-mille officiers, bas-officiers et soldats. Ce chiffre-là nous est connu parce que les commandements de régiments et de compagnies, encore propriétaires, fournissent leurs factures au ministre de la guerre. Pour l'instant, ce n'est pas le comte de Muy, mais M. Turgot persuadé qu'une certaine convergence des insurgés procède de calculs établis par de souterrains états-majors. Le baron [= Turgot] a laissé monter la livre de pain au-dessus de 14 sous ; c'est d'abord pour éprouver son système et ensuite pour en finir avec M. Necker, Mgr le prince de Conti et quelques autres. Comme il apparaît délicat de dresser un tableau de chasse ! La multitude des témoignages rend l'opération impossible. L'abbé Terray [= ancien ministre de Louis XVI au budget] note : "On a vu des suppôts de police forcer eux-mêmes des boulangers à ouvrir leurs boutiques et à donner du pain aux mutins." La mollesse du guet paraît indiscutable et le contrôleur général, homme de clan, en profite pour régler son compte à M. Le Noir, protégé de M. de Sartine. Louis XVI s'en souviendra. Les Gardes Françaises, sous M. de Biron, ne tirent jamais mais donnent de la baïonnette. C'est une action responsable. Comme l'écrira bientôt Souvorov : "La balle est folle, seule la baïonnette est un héros." Les mousquetaires noirs et gris mettent de la bonne humeur à donner du plat de sabre. L'étrange, c'est la diversité de vision qu'en retiennent les spectateurs ; certains éprouvent une peur incoercible à regarder les bataillons de la faim tout briser sur leur passage. D'autres s'amusent à considérer ces tumultes de leurs balcons et vont jusqu'à adresser des signes d'intelligence aux émeutiers. Finalement, M. Turgot gagne sa petite guerre. Le danger passé, le Parlement, bien sûr, est intervenu. Ne doutant pas de sa justice mais de la sauce à la vipère dans laquelle il fait baigner son arrêt, Louis XVI a convoqué la Grand-Chambre à Versailles. Le Roi, toujours méthodique, a rédigé son allocution. Horreur, il l'égare. Bonheur, il l'improvise. Il défend si habilement aux magistrats de se mêler à l'affaire que chacun acquiesce sauf, ce n'est pas une surprise, le prince de Conti que soutient le conseiller Fourqueux.

Tandis qu'une poignée d'insurgés poursuit sa danse de la faim en Ile-de-France où le marquis de Poyanne, commandant les carabiniers de Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII], finira, mais dans quelques jours seulement, par réduire la farandole, le lieutenant général de Vaux, vétéran de Corse, soumet le maquis parisien. Vient l'heure de la répression. Le Roi, déférant les coupables devant les cours prévôtales, interroge le contrôleur général [= Turgot] :

- "Au moins, n'avons-nous rien à nous reprocher ?"

Serait-ce un pluriel de majesté ? Il n'y paraît pas. Nous représente tout à la fois le souverain ayant accordé sa confiance au ministre, et le ministre lui-même. ... [...]
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[...] ... Le piège s'est refermé sur Berry.

Il retrouve [son frère aîné] le tyranneau dont il vivait séparé depuis deux ans. Pour Bourgogne, il ne s'agit plus de tricher aux cartes ou de soumettre son frère à de menues brimades, mais de cathéchiser son jouet. A l'instar des fillettes apprenant les bonnes manières à leur poupée, Louis-Joseph entend prêcher la morale à Louis-Auguste. Animé d'excellentes intentions mais en proie à des obstinations de malade, doté d'une nature impérieuse encore renforcée par sa situation de grabataire, l'aîné, conscient avant son père et sa mère de la gravité de sa position, veut, à travers des imperfections mêmes dénoncées par ses propres soins, conférer à son cadet toutes les vertus. Berry, selon le calcul des parents, devait distraire Bourgogne, contribuer à sa guérison, mais Berry n'est pas distrayant et Bourgogne est inquérissable. Le joli garçonnet, hier sanglé, un rien boudiné dans son dolman rose, disparaît dans la forêt de dentelles de ses chemises de nuit. Pâle, amaigri, il parle avec effort. Sous le bistouri, le mal, jusque là sommeillant, a galopé sur le pauvre corps, s'est emparé des poumons. On peut se soustraire aux injonctions d'un être bien portant, l'ignorer ou le fuir. On ne saurait échapper aux caprices d'un infirme. Une étrange séduction émane de Monseigneur de Bourgogne ; s'il demeure la proie des caprices du jeune âge, il détient, dévolues par la prescience de sa fin, la sagesse et l'autorité. Un enfant saisi par l'Ange de la Mort n'est plus un enfant, il attire, fascine, exerce une attraction malsaine ; Louis-Auguste ne connaît plus que la longue et quotidienne visite à Louis-Joseph. Au pied du lit, le puîné docilement écoute les propos édifiants de l'alité. La fragile idole, impérieuse dans son humilité, s'est piquée d'entreprendre un rude travail ; elle entend décrire toutes ses bêtises afin d'empêcher son frère de choir dans les mêmes erreurs.

De sa pauvre voix, fêlée mais sans réplique, Bourgogne enjoint à Berry, hier encore si confortablement blotti dans les paniers de Mme de Marsan [= gouvernante des Enfants de France] :

- "Venez apprendre comment on en usait avec moi pour me corriger de mes défauts, cela vous fera du bien." ... [...]
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