AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Dans Les enténébrés, l'écrivaine et psychologue Sarah Chiche nous entraîne dans les méandres d'un chemin tortueux et torturé.
Est-ce un roman ? Est-ce une autobiographie ? Est-ce un puzzle ? La narratrice s'appelle justement Sarah et elle est psychologue.
Parfois le chemin le plus court d'un point à un autre n'est pas toujours une droite.
C'est une exploration à la fois dans nos intériorités et dans les enjeux collectifs que nous offrent les blessures du monde : deux contrées abyssales...
Tout paraît dissolu au premier abord lorsqu'on accoste au bord de cet étrange territoire qui ressemble plus à des sables mouvants qu'à un livre.
J'ai peut-être l'âme d'un explorateur, bien qu'aimant aussi la tranquillité des forêts et des jardins un peu en friche. Ici le texte est violent, impudique, déstabilisant, déroutant, sauvage, il y a dans la violence parfois une rage étonnante. Parfois on voudrait tout de suite y trouver des réponses.
C'est notre erreur. Vouloir tout expliquer, tout comprendre aussi, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Mieux vaut l'errance à l'erreur...
J'ai trouvé le récit de Sarah Chiche d'une écriture magnifique et cela m'a aidé à poursuivre mon cheminement dans cette lecture parfois ardue. Il y a une infinie poésie dans cette écriture, autant dans les joies ivres que dans les déchirures douloureuses.
Je suis incapable de tenter, non pas un résumé, mais un semblant de démarrage de récit, tenter au moins une introduction, tant il y a d'histoires dans ce récit. Il y a même ici la grande Histoire.
Je pourrais vous dire que c'est l'histoire d'une psychologue, Sarah, vivant à Paris avec Paul, ils ont un enfant, une fille et Sarah rencontre à Vienne un musicien célèbre, Richard, plus âgé qu'elle, ils vont vivre une passion dévorante, mais Sarah ne veut pas quitter Paul, veut les aimer tous les deux.
Je pourrais vous dire que les femmes de la famille de Sarah, sa mère, sa grand-mère, elle-même, vivent des troubles mentaux qui viennent questionner des sujets tels que la filiation, la génétique, l'héritage, l'environnement, l'histoire des familles.
Je pourrais vous dire que Sarah est attentive aux malheurs du monde que nous vivons plus que jamais autour de nous, le réchauffement climatique, le terrorisme, la crise des réfugiés...
Je pourrais vous dire que ce texte plonge aussi dans les affres de la grande Histoire, les camps de concentrations et le difficile retour des prisonniers, comment ils sont revenus à la vie, à la vraie vie si on peut dire les choses ainsi... Ou peut-être certains même vivants sont revenus à ce semblant de vie, comme le grand-père de Sarah...
J'ai eu le sentiment que ce texte me résistait à chaque instant, me séduisait en même temps à l'instant d'après, me parlait, me faisait peur aussi à l'instant suivant, et pour toutes ces raisons j'avais envie de continuer sa lecture, de trébucher, de me relever, d'aller jusqu'au bout du chemin, voir jusqu'au bout où tous ces mots voulaient m'entraîner. Pas seulement que des mots d'ailleurs, ce serait trop facile de réduire cela à une poignée de mots...
Ce texte parle de la famille, de nos héritages, des blessures enfantines... Forcément, ce texte remue. Il suffit parfois d'appuyer sur la touche « famille » pour déclencher des séismes...
Ce récit est un puzzle où il faut rassembler des fragments dispersés d'un itinéraire, peut-être aussi celui de nos vies. Ce qui nous fait mal peut-être dans cette lecture, une sorte de chemin avec des pierres où l'on marcherait pieds-nus, ce sont ici nos propres représentations qui sont interrogées aussi, les thèmes que ce récit cruel nous renvoie...
Parce qu'un moment, brusquement, tous les éléments du puzzle sont assemblés et il faut saisir la vie avec cela, avec cet ouragan, ce séisme, ce vide sidéral...
Même l'amour ici est violent. Même l'amour ici est violent physiquement. C'est la manière de Sarah, la narratrice de nous dire sa manière d'aimer deux hommes à la fois. Ce n'est pas le fait d'aimer deux hommes qui est violent, c'est l'amour physique au sens sexuel, sa manière de dire l'amour. La narratrice ne nous cache rien de sa sexualité, tant avec lui qu'avec l'autre... Cela est un morceau du puzzle, séparé du reste, pourrait paraître très impudique, et même pire, mais ramené à l'ensemble trouve son harmonie.
En définitive, peut-être une question vous taraude : ai-je aimé ou pas ce roman ? Je préfère vous répondre : avec un tel texte, je ne sais pas vous répondre à une telle question. Par contre il m'a touché. Et j'ai envie de vous entraîner vers sa lecture, même si elle est ardue... Comme un chemin épineux qu'on découvre enfin...
Commenter  J’apprécie          374



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}