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Critique de Arakasi


Publié en 1975 par une concertiste chinoise expatriée en France, « le Palanquin des larmes » a connu un immense succès éditorial lors de sa parution, succès qui ne s'est pas démenti depuis comme en témoignent les nombreuses critiques enthousiastes dispersées sur internet. Forcément, l'histoire de la jeune Chow Ching Lie avait tout pour émouvoir le public occidental : alors qu'elle entrait à peine dans l'adolescence, cette fillette de treize ans s'est vu forcée d'épouser un rejeton de millionnaire de dix ans son ainé. Arrachée au cocon familial, elle a dû endosser tant bien que mal son statut de belle-fille au sein d'une famille ultra-traditionnaliste, assumant toutes les tâches domestiques sous la houlette d'une belle-mère tyrannique et maladivement jalouse. Sans compter l'accomplissement des inévitables devoirs conjugaux, à savoir se faire engrosser vite fait, bien fait dès l'âge de quatorze ans afin de perpétuer le glorieux héritage familial. Pas un avenir bien rose pour une petite fille rêvant de devenir une grande musicienne, nous en sommes bien d'accord, et « le Palanquin des larmes » fleure bon la tragédie familiale et sociale dès la lecture de sa quatrième de couverture. Non que cela me dérange d'ailleurs, puisque que, comme toute bonne lectrice romanesque, je n'ai rien contre un peu de pathos de temps en temps.

En ouvrant ce livre, j'étais donc tout à fait disposée à m'apitoyer sur la vie de la petite Ching Lie et j'y serais probablement arrivée sans problème, n'eût été un petit détail qui m'a terriblement perturbée pendant toute ma lecture... Certes, je reconnais ne pas être experte en Histoire chinoise. Certes, je ne suis pas très calée en littérature asiatique non plus. Mais je ne crois pas avoir la berlue en affirmant que ce bouquin – aussi agréablement écrit et assurément sincère soit-il – est l'ouvrage la plus pro-maoïste que j'ai eu l'occasion de lire ! A écouter l'auteur, on croirait que la principale oeuvre de Mao en Chine a été la libération de la condition féminine (libération toute relative d'ailleurs et qui ne concerne que les populations citadines, faut voir les campagnes à la même époque…), raison qui semble suffire à lui attacher l'admiration enthousiaste et inconditionnelle de la jeune femme.

Quid du ridicule et dramatique épisode des « Cents Fleurs » ? Et du « Grand bond en avant » qui causa la mort de 30 millions à 50 millions de chinois ? de la tyrannie du parti unique ? Des tortures et des exactions de la police politique ? Non que Ching Lie passe complétement sous silence ces événements – et c'est bien là l'aspect le plus curieux et le plus perturbant de son autobiographie – mais elle semble tous les excuser au nom d'une pseudo-modernisation de l'état chinois. Faut comprendre ces pauvres dirigeants, hein, ce n'est pas leur faute s'ils ont été obligés d'amputer les quatre cinquièmes de leur population au scalpel pour permettre aux autres de prospérer ! Et encore, « prospérer », c'est un bien grand mot…

Bon, j'ai l'air de m'acharner un peu sur un aspect particulier du livre en oubliant les autres, mais c'est un aspect qui a tout de même sacrément troublé ma lecture et je suis très surprise d'en avoir si peu entendu parler dans les autres critiques que j'ai pu lire sur le web. Ceci dit, il faut reconnaître que le livre y gagne en intérêt sociologique et permet involontairement de comprendre la popularité toujours vivace de Mao Tsé-Toung auprès d'une partie de ses compatriotes, malgré toutes les raisons que ceux-ci auraient d'aller cracher sur sa tombe – preuve que l'impressionnante campagne de désinformation et de propagande mise en place par le dictateur chinois et dont Ching Lie n'est qu'une des nombreuses victimes continue à porter ses fruits, même aujourd'hui. Pas un livre inintéressant de ce point de vue donc, mais l'attachement émotionnel que j'aurais pu avoir pour la narratrice en a forcément été très atténué. A lire si l'expérience vous tente.
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