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Anne Kichilov (Traducteur)Mihail P. Lepehin (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782845451056
331 pages
Editions des Syrtes (05/05/2005)
3.92/5   6 notes
Résumé :
La Veilleuse des Solovki est l'oeuvre d'une vie : celle de Boris Chiriaev, intellectuel moscovite qui fait mémoire de ses sept années de travaux forcés aux îles Solovki archipel situé dans les eaux glacées de la mer Blanche, au large des côtes de Carélie.
Une " chronique des temps de naufrage " qu'il commencera à écrire au camp et poursuivra pendant vingt-cinq ans. Haut lieu de l'orthodoxie et du monachisme depuis le XVIe siècle, cette terre florissante allai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Etant enfant, je me suis retrouvé un jour dans un abattoir. J'y ai vu, dans un coin, un tas de viscères provenant d'animaux que l'on venait d'abattre. Entre les poumons rosâtres et les boyaux blanchâtres se détachaient en sombre les petites masses des coeurs d'où s'échappait un épais sang noir... Les coeurs palpitaient encore ; on les voyait se contracter et se dilater dans un rythme irrégulier. La force d'inertie de la vie en allée les possédait encore et les forçait à battre. Les uns se mouraient, les autres s'activaient encore, mais à vide, car arrachés à l'organisme qu'ils servaient, jetés sur le sol maculé et inondé de sang.
Telles m'apparurent les Solovkis des années 1923-927, comme un tas d'entrailles arrachées, mais encore palpitantes et sanguinolentes. Ils n'avaient ni avenir ni présent, ces rebuts jetés sur la grande décharge russe, ils n'avaient qu'un passé. Et ce passé puissant faisait encore frémir leurs coeurs vidés de leur sang.
Ils étaient déjà morts, mais leur coeur battait encore… »


Boris Chiriaev a été déporté aux îles Solovki de 1923 à 1930. C'était l'époque initiale où on y trouvait surtout des aristocrates, des intellectuels, des religieux,où l'empreinte du monastère valeureux et rayonnant qui avait habité ces îles depuis des siècles était encore marquée, et où N A Frenkel n'avait pas encore soumis le travail forcé à ses vues stakhanovistes.
La veilleuse des Solovki a été écrit sur 25 ans, et forcément, au fil du temps, Chiriaev et son livre ont évolué. Il n'a pas écrit le livre vengeur qu'il projetait initialement, il a fait le choix non des soviétiques, mais de « l'âme russe ».

« A travers les ténèbres vers la lumière ; à travers la mort vers la vie »

Les Solovki sont en effet à cette époque un amalgame intime de la tradition russe historique, avec ce que cela importe de jouissance, de fidélité au tsar, de religiosité et de l'austérité de l'esprit révolutionnaire le plus extrême. Mais tout n'est pas encore tout à fait noir et blanc, des échappées sont encore possibles.

« Ainsi s'entremêlaient et s'entrelaçaient bizarrement les délicats fils de soie du passé et la toile rêche des temps nouveaux ».

La veilleuse des Solovki, c'est cette veilleuse qu'a maintenue allumée jusqu'à sa mort un moine ascète retiré dans les forêts voisines, c'est aussi la flamme de l'enthousiasme, de la culture et de la dignité, entretenue par les hommes, malgré le travail exténuant, la peur, les coups et la mort qui rôdait. Cette flamme a revêtu de nombreux aspects, par l'entretien de la culture russe (théâtre, journaux et publications diverses, bibliothèque, musée du monastère astucieusement camouflé sous l' appellation « musée anti-religieux », recherche scientifique...), de la religion, et de divers petits actes d'honneur et de rébellion plus ou moins cachée, dont la célébration secrète de Noël, autour d'un sapin interdit, par six détenus de six religions différentes, est un des points culminants.

« La veilleuse de la conscience morale réveillée, ranimée, la Veilleuse incandescente de l'Esprit »


L'idée de Chiriaev n'est pas de cacher l'épouvantable quotidien, qui trouve bien le moyen d'apparaître dans toute son horreur au fil de son récit. Mais ce qu'il veut, c'est transmettre depuis son exil italien un message d'espoir, traquer l'humain au coeur de ces détenus avilis. Son récit s'appuie sur de nombreux portraits d'hommes et de femmes qui ont tous su trouver quelque chose à opposer à la barbarie et à l'injustice. Ce n'est pas un roman, mais cela se lit comme un roman entre la truculence du conte populaire et le souffle de la tradition littéraire russe. L'écriture est à la fois attentive et habitée, y convergent la tolérance, l' absence de jugement, la malice par moments, et aussi une grande humilité, puisque de Chiraiev lui-même, on entendra très peu parler.

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Avant la Kolyma, ce sont les Solovki qui ont été synonyme de souffrances et de mort pour les prisonniers du régime soviétique.

Les îles Solovki étaient occupées historiquement par des moines. Des exilés volontaires remplacés par des prisonniers, anciens officiers, nobles, prostituées, brigands.

Une société protéiforme, allant des privilégiés de l'ancienne Russie tsariste aux habitants des bas-fonds.

Boris Chiriaev, auteur de ce livre, a connu la déportation aux îles Solovki, et survécut.

Il a été déporté dans les premiers temps de l'institution carcérale. Lorsque l'ancienne intelligentsia n'avait pas encore été totalement décimée et se retrouvait dans cet ancien monastère. Donnant à cet emprisonnement des caractéristiques qui ne se retrouveront pas par la suite.

Chiriaev fait le choix de citer les moments où les prisonniers ont réussi à dépasser leur condition terrible pour conserver leur humanité : création d'une compagnie de théâtre ou d'un musée anti-religieux, meilleur moyen de préserver les reliques du monastère au nez et à la barbe des tchékistes.

On ne ressent que très partiellement l'effroi et les souffrances des hommes et des femmes à travers quelques allusions. Quelques scènes qui en sont, d'autant plus, poignantes. 

L'auteur possède une grande foi, il donne donc à son récit un aspect religieux, une épreuve pour s'élever, comme un Golgotha.

Ce roman ne présente pas une structure narrative linéaire mais doit être envisagé comme une série d'instantanés fonctionnels, basés sur l'expérience de Chiriaev. Il n'est pas le mieux indiqué si le lecteur souhaite comprendre le mécanisme des Solovki mais offre une perspective originale de ce qu'a pu être une telle déportation, sur la façon dont les hommes et femmes ont pu transcender la souffrance.
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Dans ce livre, Boris Chiriaev, prisonnier à partir de 1923, nous raconte de nombreuses histoires monstrueuses qui se sont déroulées sur les îles Solovki.

En effet, il s'agit du premier plus grand camp de concentration ouvert en 1920 ou plutôt transformé par les bolcheviques, de monastère en camp de concentration.

Suite au coup d'Etat bolchevique (communiste) du 7 novembre 1917, Lénine, Trotski et d'autres dont Staline ont créé le système totalitaire communiste, ainsi que les premiers camps de concentration d'URSS, dès 1918, dans le but de déporter et/ou d'exterminer tous les innocents « ennemis de classe », susceptibles d'être « contaminés » par « l'esprit bourgeois capitaliste » : enfants, femmes, vieillards, koulaks, paysans, ouvriers grévistes, prêtres, intellectuels, marins de Cronstadt, officiers Cosaques du Don, etc. Bref, potentiellement le peuple tout entier !

Boris Chiriaev nous détaille les divers et ignobles moyens d'exterminations pratiqués par les communistes, sur les îles Solovki :
Nombreux exemples de tortures à mort, exécutions sommaires par fusillades, noyades collectives, 7 à 8 mille prisonniers mouraient chaque hiver de maladie, d'épuisement ou de faim, soit environ un tiers de l'effectif total du camp !!!

Malheureusement, ce régime totalitaire, de destruction de la vie humaine, n'était que le prélude à un processus qui s'est développé à travers de nombreux pays du monde, tout au long du 20ème siècle, et encore en ce début de 21ème siècle en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, et au Vietnam.

Confer également les précieux témoignages sur le thème du Totalitarisme, de :
Alexandre Soljénitsyne (L'archipel du Goulag) ;
Alexandre Soljénitsyne (Une journée d'Ivan Denissovitch) ;
Jacques Rossi (Qu'elle était belle cette utopie !) ;
Jacques Rossi (Le manuel du Goulag) ;
Evguénia S. Guinzbourg (Le vertige Tome 1 et le ciel de la Kolyma Tome 2) ;
Margarete Buber-Neumann (Déportée en Sibérie Tome 1 et Déportée à Ravensbrück Tome 2) ;
Iouri Tchirkov (C'était ainsi… Un adolescent au Goulag) ;
Malay Phcar (Une enfance en enfer : Cambodge, 17 avril 1975 – 8 mars 1980) ;
Sergueï Melgounov (La Terreur rouge en Russie : 1918 – 1924) ;
Zinaïda Hippius (Journal sous la Terreur) ;
Jean Pasqualini (Prisonnier de Mao) ;
Kang Chol-Hwan (Les aquariums de Pyongyang : dix ans au Goulag Nord-Coréen) ;
Aron Gabor (Le cri de la Taïga) ;
Varlam Chalamov (Récits de la Kolyma) ;
Lev Razgon (La vie sans lendemains) ;
Pin Yathay (Tu vivras, mon fils) ;
Ante Ciliga (Dix ans au pays du mensonge déconcertant) ;
Gustaw Herling (Un monde à part) ;
David Rousset (L'Univers concentrationnaire) ;
Joseph Czapski (Souvenirs de Starobielsk) ;
Barbara Skarga (Une absurde cruauté) ;
Claire Ly (Revenue de l'enfer) ;
Primo Levi (Si c'est un homme) ;
Primo Levi (Les naufragés et les rescapés : quarante ans après Auschwitz) ;
Harry Wu (LAOGAI, le goulag chinois) ;
Shlomo Venezia (Sonderkommando : Dans l'enfer des chambres à gaz) ;
Anastassia Lyssyvets (Raconte la vie heureuse… : Souvenirs d'une survivante de la Grande Famine en Ukraine) ;
François Ponchaud (Cambodge année zéro) ;
Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov (Aux origines du Goulag, récits des îles solovki : L'île de l'enfer, suivi de : Les camps de la mort en URSS) ;
François Bizot (Le Portail) ;
Marine Buissonnière et Sophie Delaunay (Je regrette d'être né là-bas : Corée du Nord : l'enfer et l'exil) ;
Juliette Morillot et Dorian Malovic (Evadés de Corée du Nord : Témoignages) ;
Barbara Demick (Vies ordinaires en Corée du Nord) ;
Vladimir Zazoubrine (Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle).
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le canon de la carabine pointait toujours. Un lien invisible, mais invincible, me reliait à lui : je ne pouvais pas le quitter des yeux ; je fixai aussi la main velue qui tenait l'arme, l'index sur la détente. Cette main rougeaude, les plis des articulations, son duvet roux qui s'enfonçait dans le revers des manches, cette main, je m'en souviendrais toute ma vie. J'avançai. Le canon de l'arme s'approcha...il se leva...Non, ce n'était qu'une impression. Mais l'univers se résuma à cette arme reposant sur le rebord de la fenêtre. Encore dix pas...huit...six...cinq...La main velue cachait le reste de l'univers ; elle était énorme, elle détenait la vie et la mort.
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