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Sans mauvais jeu de mots, ce manhwa est une tuerie, tant pour le dessin et l'art pictural terriblement abouti que pour la profondeur du scénario. Cela n'a rien d'original : j'en ai eu vent à partir de la nouvelle série Netflix (film), que je regardais en même temps. Celle-ci comporte 6 épisodes, alors que ce tome 1 en représente la moitié ; le tome 2 sortant le 5 janvier, je n'ai qu'un conseil à donner, si vous ne devez pas regarder la série, attendez que les deux soient parus. Je vais devoir attendre et c'est horrible... Ainsi, nous entrons de plain-pied dans l'urbanisme de Seoul, en proie à de mystérieux démons qui interviennent à trois en plein jour, pour littéralement massacrer (les personnages disent "déchiqueter") une victime désignée, qui aura préalablement reçu une notification par la vision d'un ange, qui lui annonce le jour et l'heure de sa damnation. Lorsque ces exécutions sommaires commencent à être filmées et diffusées sur les réseaux sociaux, les gens s'emballent, les théories vont bon train... en même temps qu'émerge un groupe, Neo Veritas (la Nouvelle Vérité), représenté par un leader charismatique, le jeune Jeong Jinsu. Ce dernier, qui ne se veut pas un gourou et ne cherche pas à attirer l'attention sur sa propre personne, tient à tout prix à faire passer le message : si Dieu nous montre des preuves de son châtiment, c'est pour que les hommes agissent de manière juste. Au contraire du policier Jin Kyunghoon, avec qui il va entretenir une forme d'amitié, il considère que seule la peur peut faire changer les hommes. C'est sans compter sur le mystérieux groupe des Pointes de flèches, constitué de jeunes (même mineurs) extrémistes qui n'hésitent pas à faire le coup de main ou à publier des informations privées sur les réseaux sociaux, prétendant exercer la vengeance divine. Leur chef, qui prend quotidiennement la parole sur internet, affublé d'une coiffe d'Indien comme un Jamiroquai sous amphétamine, attise le feu et compte sur le chaos pour faire régner leur loi. Ils ont fort à faire malgré tout avec la courageuse avocate Min Hyejin, recours des victimes passées à tabac par le groupe armé, punitions filmées et diffusées sur internet. Mais tout va vraisemblablement se compliquer, lorsqu'il devient évident (mais pas encore ébruité) que ces châtiments ne reposent pas toujours sur des péchés, que la justice divine qui s'est ainsi manifestée est peut-être aveugle. Comment des gens partis aussi loin vont-ils réagir ? J'ai l'air de donner des détails, mais sachez que ce n'est qu'une infime partie d'un scénario ultra-bétonné, qui pose des questions passionnantes sur la culpabilité et le libre-arbitre. Les affrontements entre personnages antagonistes, à commencer par Kyunghoon et Jinsu, sont d'une intensité dramatique palpable, et la tension monte savamment, de rebondissement en rebondissement, dans un Seoul crépusculaire, poisseux et sombre ou saturé de lumière, colonisé par des foules prêtes à tous les débordements. La technique de dessin, parfois renforcé de photographies, est ultra-maîtrisée, l'alternance nerveuse des plans et niveaux de narration ne nous laisse pas une seconde de répit, sinon pour nous planter, égarés, dans un décor de cauchemar, comme au réveil d'une crise de somnambulisme. La psychologie des personnages est à la fois stylisée et fouillée, ils prennent tous chair, pour ensuite, disons, perdre cette chair dans des scènes d'une violence hallucinante, pourtant si bien justifiée narrativement qu'elle permet de surmonter l'épisode, sans jamais paraître complaisante. Bref, vous l'aurez compris, ce manhwa est un tour de force, et je serais curieuse de savoir si l'on peut le lâcher en route, sans le lire tout d'une traite, en apnée, désireux de respirer un bon coup et de revenir à un monde où tout cela ne s'est pas (encore) produit - certes pas l'intrusion de démons dans notre monde, mais l'endoctrinement des gens, les groupes armés se faisant justice. Ensuite de quoi vous ne regarderez plus les gens qui vous regardent avec un téléphone portable de la même manière. Bref, c'est un 5/5 bien mérité, qui déteint sur la vie réelle. + Lire la suite |