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Mona Chollet est en train de prendre une place à part dans l'édition française et on ne va pas s'en plaindre car la dame a la plume alerte et un certain talent pour synthétiser les problématiques dans l'air du temps.
Ah et puis zut, si, quand même, on va s'en plaindre (un peu).
Monet Chollet est une journaliste de gauche, ca c'est certain, mais pour qui écrit-elle ? Son premier chapitre se veut une vengeance contre ceux (notamment ses collègues et son compagnon) qui se moquent de son tempérament casanier. Mais la valorisation de l'aventurier ne vaut que pour un petit milieu, le sien. Aimer sa maison, n'accepter de s'en éloigner que pour un temps circonscrit et un exotisme limité est le choix d'une majorité de Français qui n'ont aucune envie de ressembler à Nicolas Bouvier.
Mona Chollet écrit donc pour ses pairs et son discours ressemble parfois et sans mauvais jeu de mots à un plaidoyer pro domo. le 2nd chapitre ressemble assez à cet égard aux conversations d'une soirée de copines: j'ai-encore-trop-regardé-Instagram-mais-j'ai-quand-même-réussi-à-finir-mon-article. Eh bien, on est content pour elle, mais en gros on s'en fiche.
Écrire pour ses pairs, pourquoi pas? Reste la posture.
Souvent, Chollet fait dans la connivence et l'auto-dérision, c'est assez drôle: « Moi, en revanche, je reste toujours admirative devant un salon cosy ou une décoration de Noël réussie. Je pourrais fonder un nouveau courant du féminisme : le courant « poule mouillée ». Mais il y a déjà beaucoup de livres de « bonnes copines » et on attend autre chose d'une journaliste du « Diplo ».
On attend l'acuité d'un regard neuf et la balle tirée contre son camp, parce qu'on ne lit pas uniquement pour se satisfaire de certitudes béates. Souvent, là encore, Chollet fait mouche. Quand les tenants de la sobriété heureuse vantent la tiny house et le refus de tout superflu, elle les renvoie dans les cordes d'une pichenette: « Les adeptes du small living occupent donc exactement la place qu'un ordre social inique leur assigne. Ils se contorsionnent pour entrer dans le placard qu'on veut bien leur laisser et prétendent réaliser par là leurs désirs les plus profonds. »
Mais au fur et à mesure que les chapitres défilent, il faut bien avouer qu'on lit surtout ce qu'on veut entendre (quand on vote à gauche). Il faudrait pouvoir travailler moins. Les hommes font moins souvent le ménage que les femmes. La colocation, c'est bien. Il faut une politique sociale du logement. le thé, c'est chouette, Desesperate housewives c'est nul. Il ne faut pas avoir peur des squatteurs, d'ailleurs mon frère en est un.
Et de fait , on lit beaucoup ce qu'on a envie de lire et surtout on lit ce qu'on sait déjà. La bibliographie est copieuse mais à la manière de Wikipedia. Des références universitaires, un peu, et beaucoup d'articles (Le Monde, Libération, Elle). En y cherchant ce que je pourrais lire de vraiment consistant, je ne suis tombée que sur des valeurs sûres: Bachelard, Woolfe, les Pinçon-Charlot…
Et je me suis fait la réflexion que Mona Chollet, pour les professions intellectuelles intermédiaires, c'était comme le blog de Mimi Thorisson pour les mères de famille : un idéal presque accessible. On pourrait presque faire la même tarte aux pommes après s'être promené dans les bois en cueillant des champignons si on n'avait pas un Picard au coin de la rue. On pourrait presque faire le même livre que « Chez soi » avec un bon fil rss si on n'utilisait pas son ordinateur surtout pour vérifier que les amis sur Babelio nous ont bien likés. Mona Chollet, finalement, c'est la copine qui a réussi. Si j'ose dire: c'est nous, en mieux.
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Dès que j'ai eu connaissance de cet essai je savais que je le lirai car je suis une casanière, j'aime être chez moi, dans mon nid et dès que je le quitte je me sens un peu orpheline, en manque et n'ai qu'une envie le retrouver surtout depuis que je vis dans une maison dans le bocage entourée de nature et où le silence n'est rompu que par le chant des oiseaux. J'en avais rêvée, je l'avais construite dans mon imaginaire et même si elle n'a pas tous les critères espérés, je me sens chez moi.

Difficile de résumer un essai mais j'ai trouvé que Mona Chollet abordait le thème du foyer de façon très complète, avec ses différentes ramifications, évoquant tout ce qui est lié au "Chez soi" que ce soit en tant que choix de vie (en solitaire ou pas), espace, lieu de vie (ville ou campagne), isolement ou pas, confort, fonctionnement (répartition des tâches ménagères et du couple, chambre commune ou pas), façon d'y vivre avec en autre l'apport des nouvelles technologies type internet, mais aussi l'architecture etc.... Elle y inclut quelques évocations sur sa propre façon de vivre, ses propres choix et déculpabilise les lecteurs des leurs car chacun cherche à trouver son lieu idéal, en accord avec sa vie, ses loisirs et ses aspirations personnelles. 

Je m'y suis retrouvée, je m'y suis sentie chez moi, j'ai souri parfois dans les descriptions ou cas évoqués , elle me rassurait également sur la validité de mes choix (même si je n'avais pas besoin de cela pour savoir que j'avais fait, pour moi, les bons choix) mais qui me font parfois me poser des questions surtout à travers le regard des autres. Il est truffé de références littéraires (en particulier H.D.Thoreau avec Walden mais également Virginia Woolf avec son essai Une chambre à soi (ou un lieu à soi suivant la traduction) cette dernière évoquant si bien l'importance du lieu de vie, mais aussi d'études et enquêtes scientifiques pour appuyer ses propos. Elle évoque également les nouveaux modes d'habitation (en particulier les tiny houses dont c'était le début : première édition en 2016) mais sans les changements, bien sûr, qu'a opéré dans nos comportements la récente crise sanitaire, confortant ou pas les choix de certains. En féministe affirmée qu'elle est, elle ne peut éviter de défendre la place de la femme au sein du foyer, son rôle primordial et toujours majoritaire au bon fonctionnement de celui-ci.

C'est une lecture passionnante et instructive pour qui s'intéresse à son lieu de vie, à son évolution avec des pistes sur les nouveaux comportements plus écologiques, plus communautaires ou intergénérationnels mais également source de réflexions sur ce que représente notre rapport à notre maison, à notre nid, à notre refuge et sur ce que cela révèle parfois de nous. Cela se lit grâce au ton presque comme un roman celui de la recherche, parfois ardue, de concilier lieu, prix, espace surtout quand le marché de l'immobilier s'enflamme, rend la quête impossible ou oblige à se contenter de ce qui entre dans les possibilités mais aussi comme l'histoire de nos quotidiens, de nos vies.

Je le recommande bien sûr à ceux qui aiment leur "chez soi" ou qui rêvent de le trouver, qu'ils en rêvent ou en ont le projet, celui qui correspondra exactement à leurs aspirations, à leur façon de vivre, n'ayant pas besoin d'être grand, ni beau mais seulement être le "nid" confortable auquel ils aspirent.

J'ai beaucoup aimé.
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Ce livre dresse tout d'abord un éloge du casanier, de la manière dont il est perçu comme replié sur lui-même et peu ouvert aux autres, alors que c'est tout le contraire, nous dit l'auteure qui montre la place des nouvelles technologies dans l'univers domestique. Elle explique aussi comment nos sociétés contemporaines laissent peu d'espace, et surtout peu de temps pour « se poser » chez soi, elle parcourt un éventail de solutions pour trouver ce temps.
Le livre est parsemé de très nombreuses et intéressantes références, (il faudrait tout noter !) de Xavier de Maistre à Sophie Divry, de Nicolas Bouvier à Dorothy Parker, en passant par Gaston Bachelard et Bill Bryson.
Certaines pages parleront plus au grand lecteur comme celles sur les coins destinés à s'installer pour lire, celles sur les dessins de maisons dans la littérature jeunesse ou le cinéma : maison ambulante, Arbre-Maison qui font rêver petits et grands enfants.
D'autres pages sont tout aussi passionnantes sur la fascination d'Internet (« une foule dans mon salon »), l'intelligence collective des réseaux sociaux, le bovarysme immobilier, les micro-maisons ou la recherche de temps libre pour profiter enfin de son intérieur. D'autres pages m'ont un peu moins passionnée comme les réflexions sur le ménage, et qui s'occupe du dépoussiérage et autres joies ménagères, mais l'ensemble bien construit permet de s'attarder sur les chapitres qui trouvent le plus d'écho dans la vie privée ou l'imaginaire de chacun.
L'écriture est très accessible, la journaliste ne se place pas en juge, mais en observatrice, et n'hésite pas à partager ses propres expériences. Un livre à lire dans un petit coin douillet et confortable de son chez-soi, bien sûr !
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Qui se souvient de The Little House ? Ce ravissant court-métrage des années 1950, diffusé sur le Disney Channel, m'a durablement marqué. Une maison de campagne y accueille ses premiers habitants, une famille nombreuse et chahutante. Au loin, la gracieuse bicoque voit poindre avec insouciance les lumières de la ville, qui se rapprochent sans cesse.

Bientôt, ses premières voisines arrivent, de grandioses villas d'aristocrates, qui la toisent de haut. Au siècle suivant, la voilà cernée de « progrès », s'amuse le narrateur : de longs immeubles en briques et de poubelles renversées. Au-dessus de sa tête, des voisins excédés se balancent des noms d'oiseaux et des bouteilles de lait par fenêtres interposées.

C'est la débâcle. Pour la Little House, tout va de mal en pis, d'acier en béton armé, de vitrage miroir en lucarnes PVC, de bruits insidieux en cacophonie délirante, jusqu'au dénouement : le retour à la campagne qui apaise et met du baume au coeur. Nous sommes dans un Disney, après tout.

Mon lointain rêve de maisonnette vivante et bucolique vient-il de ce petit film antimoderne ? Peut-être.

Habiter sa maison vs Consommer sa maison

C'est le livre Chez soi de Mona Chollet qui me replonge dans ces souvenirs et réflexions sur l'habitat. Je l'ai refermé hier soir et depuis, je ne cesse de penser à toutes les maisons où j'ai vécu.

De ma chambre d'étudiante – neuf mètres carrés ! – à la maison de campagne de mon père, en passant par le riad mystérieux de mon enfance et tous les appartements, petits et grands, qui ont accompagné ma vie de jeune adulte… Ces intérieurs ont peut-être façonné la personne que je suis aujourd'hui. de quelle manière ? Je ne saurais le dire à ce stade embryonnaire de la réflexion. Je m'accorde un temps pour ruminer tout cela avant de vous en faire part – ou pas ! –

En attendant, je peux vous parler de l'essai passionnant de Mona Chollet, qui explore diverses facettes de la Home Sweet Home.

En ces temps de crise, c'est, pour beaucoup, un refuge, un lieu de repli où l'on se répare et se console comme on peut de la brutalité du monde. Un refuge souvent contaminé par cette même brutalité. Dès les premières pages, Mona Chollet affirme que de nos jours, « on n'a pas le droit d'habiter sa maison, sous peine de se heurter à une censure immédiate. »

Habiter au sens d'imprégner son lieu de vie, de faire corps avec lui, de le laisser infuser lentement en soi.

À l'inverse, ce qui est toléré et encouragé, c'est de consommer sa maison. Y accumuler des monticules de gadgets, de meubles et de robots, les remplacer frénétiquement, à la moindre craquelure, ou dès qu'un vague à l'âme inexplicable s'empare de nous. Y faire régner un ordre obsessionnel, la transformer en brochure Ikéa vivante, en temple fonctionnel et moderne, miroir de notre sacrosainte efficacité.

« On retrouve là le double standard moral dont notre société est prisonnière : dureté envers soi-même, exigence de rendement, mortification et sacrifice dans la plupart des domaines de la vie ; satisfaction immédiate de tous les désirs, réconfort et consolation dans le seul domaine de la consommation », écrit l'autrice.

Acheter et racheter toujours plus neuf, plus luisant, plus grisant, désespérément. Jusqu'à en oublier que notre identité se construit par touches lentes et appliquées, qu'elle implique d'après le philosophe allemand Hartmut Rosa de « s'approprier les choses progressivement, voire de s'attacher à elles. »

Pour Mona Chollet, loin de « flatter nos aspirations domestiques », la société de consommation « entrave notre capacité à habiter. »

Assouvir nos besoins de repli, de solitude, d'évasion

« La maison abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix. Il n'y a pas que les pensées et les expériences qui sanctionnent les valeurs humaines », écrit Gaston Bachelard dans La Poétique de l'espace. le philosophe français a réconcilié l'autrice de Chez soi avec ses besoins profonds de « repli, de solitude et d'évasion », lui a offert des mots salvateurs pour affronter les « injonctions à se secouer, à se faire violence, à ne pas s'écouter. »

Des mots que Mona Chollet s'approprie, recompose pour les offrir à son tour à mes sens assoiffés et reconnaissants : « Il faudrait pouvoir émerger en douceur d'une nuit de sommeil qui vous déposerait sur la grève du jour comme le ressac d'une mer calme, au lieu de subir l'élancement au coeur, la déchirure du rêve que provoque la stridence du réveil. Il faudrait pouvoir rester encore un peu allongé, bien au chaud, à écouter les bruits les plus ténus dans la maison et au-dehors, à rêvasser, à contempler le plafond et à passer en revue les mille bonnes raisons de se lever, à réfléchir à ce que l'on projette de faire, à se pourlécher en composant le menu du petit-déjeuner (…) Alors l'élan nécessaire pour repousser la couette d'une ruade, pour renouer avec la verticalité et poser le pied par terre, répondrait à une nécessité intérieure irrésistible, le coeur battant d'impatience, plutôt qu'à ce sursaut de courage et de résignation mêlés par lequel on se boute soi-même hors du lit. »

Je vois quelques sourcils se froncer là-bas, au fond. J'entends des voix réprobatrices mugir : « Mais c'est de la paresse enrobée dans de la poésie ! » C'est sûr que si on envisage son existence comme une succession d'objectifs et de résultats à atteindre, à améliorer, à valoriser, on ne risque pas d'apprécier la beauté étrange, luxueuse et gratuite du Non faire. Une quiétude que trop de gens (re)découvrent, sidérés, parfois à leur corps défendant, après un burnout ravageur.

Assiégés jusque dans nos canapés

« Comment restaurer la dignité d'un temps qui se présente à nous comme le déchet de celui mis sur le marché ? », s'interroge Mona Chollet. Se réaproprier ce temps pour vivre, pour être soi-même, sans obligation de performance, peut s'avérer ardu, tant les distractions et les stimulations sont grandes. Dans le chapitre Une foule dans mon salon, la journaliste confie ses efforts pour ne pas devenir « l'esclave des flux » Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest, etc.

Difficile de restituer en une seule note ce livre dense, plein de couloirs, de tiroirs et de cachettes secrètes. J'ai adoré m'y perdre, y dissiper mes illusions, notamment sur le mouvement des Tiny Houses – « les adeptes du small living occupent exactement la place qu'un ordre social inique leur assigne. Ils se contorsionnent pour entrer dans le placard qu'on veut bien leur laisser et prétendent réaliser par là leurs désirs les plus profonds. » –

J'ai aimé me lover délicieusement dans certains de ses interstices. Je songe particulièrement au dernier chapitre, Des palais plein la tête, imaginer la maison idéale, dans lequel Mona Chollet aborde l'architecture et son impact indélébile sur nos vies. Pourquoi ce sujet nous indiffère-t-il tant ? Pour le philosophe Alain de Botton, s'y intéresser revient à réaliser avec consternation que les mauvaises architectures nous assombrissent la vie. « Si une pièce peut modifier notre état d'âme, si notre bonheur peut dépendre de la couleur des murs ou de la forme d'une porte, que nous arrivera-t-il dans la plupart des lieux que nous sommes contraints de regarder et où nous devons habiter ? », écrit-il dans L'Architecture du bonheur.

À l'inverse, que se passerait-il si, au lieu de vivoter dans un intérieur insalubre, étroit ou désincarné, l'on habitait une maison à la fois apaisante et stimulante pour nos sens, où les escaliers nous emmèneraient de surprises en ébahissements, comme le suspens haletant d'un bon roman ? Car ces havres malicieux et amicaux existent. Ils possèdent « une qualité sans nom », comme l'appelle l'architecte anglais Christopher Alexander dans The Timeless Way of Building. Une âme, si j'ose dire.

Les Japonais, comme Terunobu Fujimori ou Shigeru Ban, excellent dans cet art de bâtir des maisons vivantes, véritables écrins de douceur et d'harmonie pour leurs habitants. Mona Chollet affirme que l'usage des matériaux naturels comme le bois, la terre, la pierre ou la paille y est pour quelque chose. Des matériaux qui s'usent, perdent lentement l'éclat de la jeunesse pour la patine gracieuse de l'âge et « rappellent le caractère transitoire de toute chose. » Cette vision subtile et poétique contredit celle d'architectes occupés, à grands renforts de béton, à construire des maisons donnant « l'impression qu'elles vont durer toujours. » « Conséquence : leurs bâtiments se délabrent au lieu de vieillir. »

Je vous laisse méditer ces sages paroles. J'espère vous avoir donné envie de découvrir ce livre – disponible depuis quelques mois en format poche – et vous dis à bientôt !
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Challenge ABC 2017-2018
10/26

C'est assez drôle et je ne l'ai pas fait exprès, mais je lis ce livre en même temps que nous rénovons une maison. Et que les problématiques d'espace, de matériaux se posaient alors. Mais aussi celle du ménage, parce que autant ne pas le cacher, passer d'un appartement à une maison pose la question de l'augmentation de la surface à nettoyer et ranger et je ne vous fais pas un dessin de qui va devoir batailler pour que les tâches soient effectuées (c'est drôle, je n'ai pas de problème pour convaincre mon compagnon de prendre l'aspi, mais il semble aveugle à la saleté...). Fin du point "Je raconte ma vie". Mais quand même c'est drôle, même si je voulais le lire depuis longtemps.
Que faut-il pour se sentir chez soi ? Déjà, un espace qui nous plaise. Simple, non ? Eh ben pas forcément si on tient compte du fait qu'il faut avoir des moyens suffisants, des logements disponibles, du temps pour chercher. Mais aussi du... temps. Eh oui ! En fait, habiter est un acte éminemment politique et sociétal. La division du travail capitalistique, la construction du stéréotype de la-femme-au-foyer-fée-du-logis, les architectes qui ne veulent construire que des choses belles de l'extérieur sans penser aux usages, sans parler du manque de moyen d'une très large partie de la population parquée dans des clapiers minuscules.... tout cela contribue à un malaise dans le logement. Or des solutions existent, comme l'on montré plusieurs expérimentations en Suisse de constructions sociales entre espaces privées et espaces communautaires, ou encore le logement coopératif en France ou en Allemagne.
Chollet explique cela de manière très claire et documentée, en s'étonnant de ce que personne ne se soit encore réellement emparé du sujet. Après tout le logement est quelque chose de primordial pour la survie, mais peut-être pas à n'importe quel prix, qu'il soit écologique, psychologique ou économique... Elle évoque des modèles alternatifs, qui demandent un changement radical de mode de pensée ; tout en ayant l'honnêteté de se demander si elle-même en est capable (vivre dans les squats genevois par exemple est dessus à la fois de ses capacités et de ses forces). Elle cherche aussi la source de notre mode de vie actuel, avec un détour par les pays du sud de l'Europe et de notre histoire depuis la Renaissance, période de forts bouleversements sociaux et culturels (imprimerie, redécouverte des auteurs antiques, apparition du protestantisme...) et par la volonté des architectes de laisser une empreinte qui a peu à voir avec les usages qui sont fait des logements dans la vraie vie de tous les jours ; finalement, les personnes les moins consultées lors de la constructions de grands ensembles sont les futurs locataires, qui doivent se couler dans un moule penser pour eux mais pas avec eux. Et tout le monde n'a pas les moyens de s'engager dans le logement participatif. Mais les pouvoirs publics ont le pouvoir de changer de point de vue et de voir ce qui se fait ailleurs...
Habiter, c'est politique et peut-être que les décideurs devraient lire un peu plus d'ouvrages comme celui-ci... Et les architectes avec.
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Ce livre est probablement l'un des essais les plus passionnant que j'ai lu. Je ne savais pas qu'il était possible de trouver tant de choses à dire sur ce sujet, en fait je ne me rendais pas compte à quel point l'habitat était un sujet si viscéral chez l'être humain, même si cela semble pourtant évident.

Dans cet essai Mona Chollet nous parle du foyer sous tous ses aspects qu'ils soient sociaux, sociétaux, économiques, psychologiques, familiaux ou architecturaux.
Elle commence par dénoncer ce qu'elle appelle « la vertu surestimée du mouvement perpétuel », qui n'est que le sous chapitre du premier chapitre mais qui m'a personnellement beaucoup marqué, et qui a été comme elle le dit elle même, le point de réflexion départ de son ouvrage. Elle y explique combien les normes de notre société du XXIe siècle où tout va très vite nous imposent insidieusement à être nous même également en mouvement permanent ou plutôt en activité permanente. Conséquence sournoise de la société de surconsommation et de surproduction qui a rendue l'inactivité suspicieuse et mal vue. Restez chez soi, et pire à ne rien faire, est synonyme de multiples attributs péjoratifs qui amènent les casaniers à ressentir culpabilité et inconfort mental. Mona Chollet nous montre et nous rappelle que vis à vis d'un monde extérieur au rythme frénétique et assourdissant, cet espace et ce temps de coupure sont plus que salutaires. Puis elle développe, dans le deuxième chapitre la place de plus en plus envahissante que prennent les multiples sollicitations venant d'internet et des réseaux sociaux et comment cela impacte notre rapport à la vie domestique.

Une fois ces « bases » posées, Mona Chollet peut poursuivre de façon plus approfondie les deux composantes nécessaires pour pouvoir pleinement habiter : l'espace et et le temps. Elle a intitulé ces deux chapitres « la grande expulsion » (l'espace) et «à la recherche des heures célestes » (le temps). Ce sont deux chapitres à la fois passionnants et édifiants. Bien sûr pour se loger il faut des moyens et on le sait tous le marché de l'immobilier est l'un des plus rude qui existe mais lorsque c'est exposé de façon aussi explicite, concrète, détaillée mais aussi sous l'angle moral et philosophique, les aberrations de notre société n'en apparaissent que plus criantes et accablantes.
Puis en ce qui concerne le temps j'ai été encore plus bousculée, remuée. L'autrice y décrit le rapport au temps que nous entretenons tous, un rapport dénaturé par notre société qui a fait du temps une denrée de production permanente. Une denrée qu'il convient d'utiliser à bon escient, même chez soi. Et tout cela est entièrement intériorisé et normalisé dans nos mentalités à tous. Mais l'entrave principale reste le travail et le carcan de ses horaires, nous éloignant un peu plus chaque jour de notre lieu de vie et n'en faisant qu'un lieu de transit, et non plus un endroit de ressource et de vie.

Après le temps et l'espace, Mona Chollet poursuit en se penchant sur une autre question majeur de l'habitation : avec qui ? Dans ce chapitre « l'hypnose du bonheur familial », qui va de pair avec le suivant « métamorphose de la boniche », elle soulève la problématique de l'unique idéal domestique prôné par notre société : la famille hétérosexuelle mononucléaire. Et à travers ça tout ce que cela implique de conformisme, de rapport de force, d'inégalités, mais aussi combien sous ce modèle se cache une réalité des rôles ménagers déséquilibrés dont la femme sort, encore aujourd'hui, toujours perdante. Véritablement édifiant.
L'autrice termine avec un chapitre, « des palais dans la tête », consacrés à l'habitat du futur d'un point de vue architectural, comment repenser, rêver et imaginer les espaces de demain en prenant en compte toutes les composantes évoqués au cours de ce livre. C'est un chapitre où elle ouvre des horizons, qu'elle espère, et nous aussi, le plus positif possible.

Cet essai est un ouvrage d'une grande richesse et d'une grande densité, ma critique n'en reflète qu'une petite partie. Car Mona Chollet pour chaque chapitre s'appuie sur une large documentation, chacune de ses idées est expliquée, argumentée et illustrée d'exemples. Elle y livre aussi beaucoup d'elle même, elle partage ses propres expériences avec honnêteté ; c'est un véritable essai. Ceci dit elle ne tombe jamais dans la démagogie, simplement elle pointe du doigt beaucoup de travers de nos modes de vie et de nos modèles, elle bouscule les normes, pose des questions, fait réfléchir. C'est très enrichissant à lire, et personnellement cet essai m'a permis de remettre en perspective de nombreux choses sur moi même et sur le monde qui nous entoure. Il m'a parfois remué et souvent éclairé.
C'est vraiment un livre que je conseille à tous car il résonnera nécessairement un chacun puisque l'on a tous un habitat et tous un rapport à celui-ci.
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"Au départ, il y avait mon envie de défendre ces plages de temps où on n'est là pour personne [... en dépit de] l'incompréhension ou de la désapprobation [qu'elle suscite...] (chapitre 1). J'ai aussi voulu consacrer quelques pages à amender ma description des bienfaits de la réclusion domestique en tenant compte des chamboulements qu'y provoquent Internet et les réseaux sociaux, territoires où je déploie, comme beaucoup d'autres, une activité tout à fait déraisonnable (chapitre 2).
Mais dans la maison se projettent aussi certaines des problématiques les plus brûlantes auxquelles nous sommes confrontés. Avec la hausse vertigineuse qui s'est produite au cours des quinze dernières années, la quête d'un logement est devenue une entreprise qui expose la majeure partie de la population à la violence des inégalités et des rapports de domination. [...] (chapitre 3).
De façon moins évidente, mais également cruciale, ce qui manque pour pouvoir s'ancrer dans le monde n'est pas seulement l'espace, mais aussi le temps. [...] Or nous subissons la rigueur d'une discipline horaire impitoyable. de surcroît, nous avons intégré l'idée que notre temps était une denrée inerte et uniforme qu'il s'agissait de remplir, de valoriser et de rentabiliser, ce qui nous maintient sur un qui-vive permanent, la culpabilité en embuscade (chapitre 4).
Impossible, par ailleurs, de ne pas voir dans une habitation le lieu d'un rapport de forces féroce : celui qu'engendre la simple nécessité de l'entretenir. [...] Dans un pays où la domesticité a disparu - ou quasiment disparu -, ce travail incombe aux femmes de ménage, mais surtout aux femmes en général, depuis que le XIXe siècle a imposé du haut en bas de l'échelle sociale la figure de la 'fée du logis' (chapitre 5).
Plus largement, l'image d'une féminité vouée à l'animation de l'univers domestique, seul lieu possible de son plein épanouissement, conserve une prégnance et une capacité de renouvellement remarquables. Elle contribue à la perpétuation du modèle de la famille nucléaire comme seul type de ménage normal et souhaitable, alors même que les modes de vie évoluent et qu'un peu d'audace peut suffire à en forger de nouveaux (chapitre 6).
[...]
A tout âge, de nombreux êtres humains semblent éprouver le besoin de jouer avec des représentations d'habitations idéales, de se projeter dans des espaces imaginaires. [...]
[...] pour alimenter ses fantasmes, il faudra le plus souvent se contenter des magazines ou des émissions de décoration. de même, on rencontre peu d'occasions de débattre de la forme que pourrait prendre un habitat agréable, accessible et écologiquement viable, alors que les bâtiments où nous évoluons déterminent une large part de notre vie. J'ai donc tenté d'ébaucher ce qui pourrait représenter, à mes yeux au moins, une architecture idéale (chapitre 7)." (p. 11-13)

Ravissement d'avoir trouvé, sous la plume d'une personne estimée et grâce à la suggestion d'une amie, autant de sujets qui me tiennent à coeur, réunis dans le même ouvrage où je me serais contenté de trouver un simple réconfort de ma propre propension casanière.
Les références nombreuses, éclairantes, inattendues, rendent le texte à la fois cohérent, unitaire et rebondissant.
J'ai eu quelques réticences à la lecture du ch. 1er, notamment à cause de mon antipathie pour Nicolas Bouvier, et du dernier, sans doute parce que je ne nourris pas les même fantasmes d'habitat que l'auteur, pas la même attraction pour l'architecture japonaise, et quelques perplexités sur les démarches conceptuelles de certains architectes "engagés" dans les problématiques écologiques et/ou politiques que j'ai pu connaître (très peu et de très loin, j'avoue).
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J'opère donc ma première rencontre avec Mona Chollet par cet hommage aux casaniers. Et c'est avec un réel délice que je me laisse couler sous mon plaid en dégustant les chapitres de Chez soi : une odyssée de l'espace domestique. le style de Mona Chollet est à noter avant toute chose. Intimiste et rationnel à la fois, on entre en conversation avec elle comme avec une vieille amie. La question du "chez soi" est une porte d'entrée pour aborder des sujets relativement variés : l'hyperactivité de nos sociétés, l'infobésité du net qui s'installe jusque dans nos intérieurs, les minuscules mètres carrés de nos appartement trop chers, les alternatives à la location et à la propriété, le temps que l'on ne passe plus chez soi, le ménage et la condition des femmes ou des employé.es de maison, la maison en temps que foyer familial et le modèle de vie qui en découle, et en conclusion une ouverture sur l'architecture de l'habitat qui abat aux passages quelques idées préconçues sur l'idéal campagnard. Ces questions sont vastes et touchent intimement tout un chacun. Elles questionnent nos modes de vie, nos choix, nos contraintes, nos évidences. Au fond, ce sur quoi Mona Chollet nous interroge en nous donnant à lire son livre, c'est "Qui êtes-vous ? Que reste-t-il de vous lorsque vous êtes seul chez vous ?"
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C'est les vacances. J'ai acheté pour une semaine de riz, de pâtes et de légumes frais (le resteront-ils assez longtemps?), de quoi tenir une bonne semaine sans - si possible - sortir de chez moi. J'aime mon chez moi mais j'avoue avoir toujours du mal à prétexter qu'on est mieux chez soi tout seul pour décliner une invitation à manger ou pour un film au cinéma, une pièce de théâtre... - c'est toujours carrément mal vu. Cet essai de la Genevoise (résidant maintenant à Paris) Mona Chollet tombe à pic. Elle y exprime "la sagesse des casaniers, injustement dénigrés", en citant pêle-mêle des blogs, des sociologues, des ethnologues, en passant par la littérature - Gontcharov et son fameux Oblomov, Alberto Manguel, Xavier de Maistre (auteur du Voyage autour de ma chambre), Chantal Thomas, ... -, sans oublier de parler de la difficulté aujourd'hui de trouver un logement décent, pas trop éloigné de son travail, et à prix correct. Quel rapport entretenons-nous avec le "chez soi" quand, effectivement, on passe environ 12 heures à l'extérieur de ce dernier et que la vie prend une tournure métro-boulot-dodo. Mona Chollet se penche aussi sur Internet, qui loin de nous désolidariser du monde, nous ouvre en effet les portes de celui-ci, dans le confort de notre chez nous. Bémol toutefois : Internet est aussi un objet de distraction, et entraine souvent la procrastination. Qui n'a pas arrêté la rédaction d'un texte pour aller "surfer" un peu, ou, en quête d'informations sur, par exemple, Marie Stuart, ne s'est pas retrouvé, de liens en liens, de rebondissements et rebondissements, à regarder une vidéo musicale sur YouTube ? qui n'a finalement aucun rapport avec Marie Stuart ! L'architecture, la sociologie, la philosophie, etc. Mona Chollet prend toutes les routes possibles pour tenter une ébauche d'explication du "chez soi" aujourd'hui ; sa valeur, son coût aussi. Un essai intelligent, comme je les aime.
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CHEZ SOI de Mona Chollet
"Un jour, la sorcière derrière la fenêtre, ce sera moi."

J'ai dévoré cet essai de Mona Chollet, découvert ses innombrables références qu'elle nous livre avec tant de ferveur. Je me le suis offert en septembre à une période où j'avais besoin de repli, de solitude, de rassembler ce que l'année m'avait donné et par-dessus tout, être dans mon nid avec mon mari et nos enfants. Une période d'introspection nécessaire. 

Cette période a duré de fin août à mi novembre a été très intense pour moi, j'ai laché des choses, je me suis permis d'en reconsidérer d'autres sous un angle nouveau, j'ai soufflé, j'ai rêvassé, traîné au lit le week-end, joué sans relâche avec mes enfants, j'ai coupé plusieurs fois mon téléphone duquel j'ai expulsé sans préavis certaines applications, j'ai cessé d'écrire des chroniques, j'ai lu rien que pour moi. le temps ne s'écoulait plus de la même manière, c'était bon. 

Et mes amis m'ont manqué, quand je les ai retrouvés et qu'ils m'ont comprise, j'étais soulagée. Je m'étais dit qu'au bout du compte, j'allais sûrement en perdre, je culpabilisais.

Je sais bien qu'à l'avenir je vais revivre ce genre de périodes, comme par le passé, ça ne se commande pas. Dans ma maison, un peu recluse, dans le silence parfois, j'ai appris sur le temps, fait remonter mes secrets, mes doutes, mais aussi que l'amitié est sacrée.

Alors j'ai eu envie d'écouter Mona Chollet lorsqu'elle est passée à la radio, sur France Inter, dans l'émission de Cécile Coulon, ce fut un moment qui m'a marqué et puis j'ai lu ces derniers jours CHEZ SOI.

Comme Mona en parle avec passion, j'ai commandé le livre MOMO de Michael ENDE, c'est l'histoire d'une petite fille qui écoute tout le monde… je me souviens qu'en lisant son essai La puissance invaincue des femmes, c'est le château des enfants volés de Maria Gripe que je m'étais procurée, à un prix assez fou.

J'ai envoyé le passage de la maison-théière issu de l'histoire “L'anniversaire du potier” paru dans le magazine pomme d'api en 1979 à l'une de mes amies parce qu'elle dessine une théière collier

Je suis retournée dans une maison de hobbit, dans des cabanes perchées, et je me suis contorsionnée pour boire le thé dans le dernier chapitre “ Des palais plein la tête".

Je me suis retrouvée dans une habitation Japonaise, ces lieux Wabi-sabi “qui gardent la trace du soleil, du vent, de la pluie, de la chaleur et du froid; elles se décolorent, rouillent, ternissent, se tâchent, se déforment, rétrécissent, flétrissent, se lézardent”. On pense de suite au kintsugi, cet art qui consiste à sublimer les fêlures d'un objet.

Il est beaucoup question d'architecture.

Chez soi, aborde aussi le sujet de ceux pour qui il est difficile d'accéder à cet espace, l'argent, à celles qui sont désignées automatiquement pour l'entretenir. Elle parle du temps passé à travailler, elle aborde le thème du sommeil, il y a un passage sur les chats, il y aurait tant à dire sur ce texte sociétal.

Ce week-end, je reste dans ma grotte en famille, et vous ?

Je vous conseille de lire cet essai à l'écriture vivace, bien intéressant.

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