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Citations sur D'images et d'eau fraîche (19)

Être la personne qui regarde, qui photographie, c’est imposer sa subjectivité, son point de vue, ses goûts, son jugement, ses fantasmes. Capturer et consommer la beauté d’autres pays et de leurs habitants est un apanage d’Occidentaux, lié à une habitude de domination machinale, même quand elle est bienveillante (...).

Si je prête attention à ces mécaniques, ce n’est pas par goût de l’autoflagellation - que, d’ailleurs, je ne pratique pas -, mais parce que je veux au moins souligner les limites d’un plaisir qui repose sur une inégalité.
Ce serait si follement enrichissant, un monde où chaque peuple pourrait apprécier le spectacle offert par les autres, en donner sa vision, le peindre, le photographier, diffuser ces œuvres, dans une parfaite réciprocité, sans que s’y mêle jamais aucun déséquilibre de pouvoir.
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Moi, disons que mon féminisme relève plus du judo que du karaté. Mais il me semble que cela a ses avantages aussi. Cela permet parfois, parce qu'on est plus souple, plus indulgente, de nouer un dialogue inattendu, et de faire bouger, même de quelques centimètres, des positions qui semblaient inamovibles. Et cela permet de se faufiler partout - y compris dans la salle de billard.
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Être la personne qui regarde, qui photographie, c'est imposer sa subjectivité, son point de vue, ses goûts, son jugement, ses fantasmes.
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Ce sont les écrits [d'Edward Saïd] qui m'ont fait réfléchir pour la première fois au rapport que j'entretenais avec l'Egypte – ainsi qu'à tant d'autres choses. Dans l'impulsion qui m'amène à épingler une photo, comment démêler ce qui relève de la fidélité familiale, de la quête de ma propre histoire (même si je n'ai pas de racines très profondes dans ce pays, ma grand-mère étant d'origine syrienne et mon grand-père palestinien), et ce qui relève du "western gaze", ce regard occidental dont je suis imprégnée ?
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Page 31
Dans un monde de plus en plus désespérant, de moins en moins respirable, - au sens littéral, puisqu'à l'heure où je commence à écrire nous ne pouvons l'arpenter qu'avec un masque sur le visage - , où l'hydre de la catastrophe semble déterminée à saccager nos biotopes personnels et collectifs, je suis convaincue de la pertinence qu'il peut y avoir à évoquer les ressources qui nous permettent de cultiver la vie, et à leur donner un supplément d'existence en les décrivant, en les partageant.
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Je suis bien consciente, d’ailleurs, du paradoxe et du défi, du pari
forcément perdu d’avance qui sont au cœur de ce livre : j’essaie de mettre
des mots sur une expérience qui consiste précisément à quitter le rivage des
mots pour se livrer au pouvoir des images, aux sortilèges qu’elles seules
peuvent exercer, à la jouissance qu’elles seules peuvent procurer. Je rêve,
sans trop y croire, d’une écriture qui serait suffisamment aérienne, intense
et virtuose pour se hisser à la hauteur de ce pouvoir, pour rivaliser avec lui ;
je ressens, moi aussi, « la pression de l’indicible qui veut se dire34 », pour
reprendre la formule de Roland Barthes.
La philosophe et historienne de l’art Jacqueline Lichtenstein a consacré
un livre érudit, ardu mais génial, à ce désarroi qu’ont toujours éprouvé les
penseurs face à ce qu’elle nomme « la tache éblouissante du visible35 », et
d’abord face à la peinture. Elle y montre – à l’instar de nombreux autres
théoriciens – que nous restons tributaires des conceptions imposées par
Platon. Non seulement le philosophe antique, avec son mythe de la caverne,
a décrit la réalité perceptible par les sens comme une illusion, mais il a aussi
disqualifié la peinture, devenue dès lors le simulacre d’un simulacre. Il l’a
abordée uniquement en fonction de sa conformité au réel, comme si c’était
là le seul but auquel elle prétendait. Il a interdit explicitement de l’envisager
sous l’angle du plaisir qu’elle procurait : « Le jugement concernant toute
imitation n’est pas, le moins du monde, ni du ressort du plaisir ni d’une
opinion sans vérité », écrit-il dans Les Lois36.
Pour Jacqueline Lichtenstein, cet anathème trahit « l’impuissance de
l’analyse philosophique devant un objet dont elle sait qu’il échappe à ses
prises ». Au fil du temps, ce « puritanisme moral et esthétique » a suscité
deux insurrections intimement liées, quoique survenues à des époques très
éloignées, et que l’autrice retrace : d’une part, le modèle d’éloquence établi
par Cicéron (Ier siècle av. J.-C.) et, d’autre part, la révolte des peintres
coloristes, en Italie dès la fin du XVe siècle, puis au cours des siècles
suivants en France et ailleurs en Europe.
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Cette sensation d’être infiniment abritée, accueillie, explique largement mon plaisir de collectionneuse. Le geste artistique lui-même peut être vu comme une manière d’accorder l’hospitalité au spectateur. L’œuvre représente le point où le monde intérieur du peintre, du dessinateur ou du photographe rencontre le monde commun, où tous deux s’enlacent et esquissent un pas de danse ; elle matérialise l’étincelle qui jaillit de cette rencontre. La vie serait intolérable, trop blessante, ses arêtes trop coupantes, si elle ne passait pas régulièrement par ce filtre, si les artistes – vivants ou morts, professionnels ou amateurs, méconnus ou célèbres – ne pouvaient pas parfois nous envelopper dans le manteau ample et chatoyant de leur regard.
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Le rapport à soi le plus torturé peut très bien ne pas se voir. Beaucoup en font l’expérience quand, confrontées à une photo d’elles-mêmes dix, quinze ou vingt ans après, elles sont stupéfaites de se trouver si belles, d’apparaître rétrospectivement à leurs propres yeux comme des femmes sans problème, alors qu’elles se souviennent de leur perception négative d’elles-mêmes, des empêchements intérieurs qui les paralysaient à l’époque. Le massacre de leur estime de soi était un crime parfait, qui envahissait leur esprit sans laisser de traces extérieures visibles.
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La plupart des images, quelque soit le sujet représenté, semblent choisies parce qu'elles offrent un abri, - même si ce n'est pas au sens littéral -, ce qui fait des images de maisons, des images au carré, en quelque sorte.
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Page 110
(...) ayant grandi et accédé à l'âge adulte dans un climat idéologique où la grille de lecture féministe était à peu près inexistante, j'ai hérité d'un bagage intellectuel et culturel massivement masculin. Au fil du temps, j'ai révisé beaucoup des jugements qu'on m'avait inculqués, déboulonné beaucoup d'idoles qui le méritaient ; mais, par la force des choses, je reste moins intransigeante que de nombreuses jeunes femmes d'aujourd'hui qui intègrent le féminisme avec l'air qu'elles respirent.
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