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256 pages
Zones (13/09/2018)
  Existe en édition audio
4.29/5   2728 notes
Résumé :
Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d'aujourd'hui de figure d'une puissance positive, affranchie de toutes les dominations.

Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Inst... >Voir plus
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sur 2728 notes
Attention, ce livre n'est pas, comme je l'ai cru niaisement, un livre sur les sorcières à proprement parler. Non, il s'agit d'une étude fort intéressante sur les sorcières modernes, qui sont chassées, bousculées, mises à mal, réduites à néant, encombrantes et j'en passe.
Et oui, de nos jours, il ne fait pas bon vivre d'être une femme, et qui plus est, une femme avec du talent et intelligente.
Dans cet essai sociologique, Mona Chollet, s'exprime très bien sur le sujet, son sujet. L'écriture est fluide et passionnante, pas difficile pour un sou.
La sorcière d'antan ne se trouve pas bloquée au Moyen-Âge, que nenni ; elle ne fut pas persécutée uniquement par les catholiques, les protestants s'y sont mis également avec une joie toute enfantine. de même, on a souvent comparé la sorcière avec le juif, en en faisant une figure d'un antisémitisme forcené. Enfin, le démonologue est très souvent, pour ne pas dire toujours, un homme.
Quatre parties dans ce livre ; tout d'abord la femme qui a des velléités d'indépendance, les célibataires et les veuves principalement. Elles seront exclues de certaines professions et menacées, intimidées et en proie au chantage. Point de salut pour les femmes indépendantes.
Dans la seconde partie, elle nous parle des femmes qui ne veulent pas d'enfants, qui font le choix de la stérilité. Attention ! Menace ! Ces femmes-là sont assurément des sorcières car elles n'aiment pas les enfants.
La troisième partie nous montre toute la haine et le dégoût qu'inspirent les vieilles femmes, les ménopausées, enfin toutes celles qui sont sur le déclin, ou devrais-je plutôt dire incapable de procréer et que les hommes quittent pour une plus jeune.
Enfin, il sera question de la médecine face aux femmes, de l'appropriation du corps de celles-ci par les médecins, et la misogynie des docteurs face aux infirmières, aux sage-femmes etc. La partie sur l'accouchement est un petit bijou.
Bref, vous l'aurez compris, tout cela est passionnant, et Mona Chollet régle ses comptes à toutes ces persécutions qui, encore de nos jours, en 2018, fragilisent la femme, les femmes mais également les petites filles, femmes en devenir.
Ce qui ressort de ce livre ? Les hommes ont une peur bleue de ces femmes libres, faisant fi d'un désir d'enfant ou d'un compagnon. Et de cette peur découlent toutes les injustices faites à ces femmes, ces "sorcières" des temps modernes.
En refermant ce livre, je me suis interrogée : mais quand donc finira cette effrayante "chasse aux sorcières" qui nous fait reculer plutôt qu'avancer ?
Mystère.
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Au moment d'écrire ce billet et d'exprimer mon ressenti de lecture, je me rends compte que cela ne va pas être aisé. "Sorcières" est un essai qui parle des femmes et s'adresse d'abord aux femmes, l'essentiel de ce qui est abordé dans ce livre sera donc impossible à appréhender en tant qu'homme, si ce n'est par le biais de l'empathie. Rarement je ne me serai autant senti un intrus comme ici, même si c'est par procuration.
Le propos et les arguments de Mona Chollet sonnent haut et fort.
Il est facile de comprendre le sentiment de révolte qui prévaudra en fin de lecture si l'on est une femme, au mieux, il y aura entendement et empathie pour les hommes, car au-delà des faits et des développements, il y a une évidence limpide : ce qui est une réalité pour les unes reste assez abstrait pour les uns.
Je vais commencer par louer la plume de l'auteur et la parfaite structuration de l'ouvrage, car s'agissant d'un essai ou d'une enquête, il n'est pas évident de maintenir l'intérêt constamment comme c'est le cas ici, bravo.
Il s'agit d'un sujet clivant, incontestablement, dès le départ on désigne une victime et un coupable.
Ouvrage protéiforme par excellence, cet essai va nous amener progressivement à prendre conscience d'une réalité incontestable, en commençant par L Histoire bien sûr, j'ai apprécié que l'auteur ne se limite pas à des statistiques ou à des faits ressassés. Connaissiez vous le "Marteau des sorcières" ? Moi pas, ou comment un ouvrage décrivant ce qu'est une sorcière a pu servir de référence à des générations de magistrats jusqu'à devenir une règle dans l'inconscient collectif des européens du moyen-âge. La somme de ce qui a pu en rester de nos jours en termes de convictions et d'expressions est édifiante.
S'ensuivront des contes, des écrits religieux, des films, le tout parachevant le travail de sape dans l'inconscient collectif, y compris et surtout dans celui des femmes.
Il sera question bien sûr du désir d'enfanter et de la maternité, ainsi que de stérilité. J'ai été fasciné par le travail de recherche et la démonstration de l'existence d'un carcan implacable, véritable machine à broyer les femmes, enfin surtout celles qui sont réfractaires à la norme attendue. le développement proposé est parfait de sensibilité et de justesse quand l'auteur aborde la psychologie autour de ces thématiques avec des témoignages choisis, la dissimulation du mal être est fréquent, entre culpabilité et révolte, le curseur comportemental est très large.
Il sera aussi question de l'image et de la place de la femme dans la société, le critère retenu étant souvent son âge, une injustice de plus si l'on considère le "deux poids, deux mesures" avec le traitement réservé à l'homme. Là encore, la somme de témoignages est éloquente et pertinente, mais surtout l'analyse se révèle extrêmement instructive.
Ce billet commence à être assez copieux, c'est un livre qui demanderait à être débattu tant il est foisonnant et générateur d'idées, je vais donc conclure en louant la justesse de ton de l'auteur, pas tendre non, mais pas inutilement agressive non plus (Rassurez-vous Mona Chollet, vous n'êtes pas une harpie).
Je vais louer également une certaine objectivité, elle n'hésite pas à se moquer de certains mouvements féministes (extrémistes) en soulignant leurs contradictions et autres excès.
Plus que les hommes, la véritable cible est la société patriarcale et sa perversité, j'ai apprécié la justesse et la pertinence de ses analyses, j'ai été impressionné par la somme de recherches et surtout par ce talent à présenter un tout cohérent qu'il est si facile d'entendre.
Je note quand même que l'auteur se limite exclusivement (et sagement) à une critique du patriarcat américano européen et chrétien, qui n'est pas le pire refuge de nos sorcières actuelles.
Il y a bien sûr mes regrets de ne pas évoquer ici les questionnements et autres idées qui me sont venues à l'esprit au cours de cette lecture, et notamment le caractère insoluble autour d'une certaine thématique.
Voilà, il me reste à dire que j'ai adoré cette lecture, et surtout à remercier Doriane (la sorcière), son billet enflammé m'a littéralement impressionné.
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Je ne traiterai jamais plus personne de sorcière. Non pas que cela m'arrivait souvent. Mais je n'avais jamais pris conscience de ce que la sorcière n'était au fond qu'une invention des hommes afin de conserver leur pouvoir. Mona Chollet met au jour certaines peurs masculines, enfouies depuis des siècles derrière la haine des femmes libres. Les hommes continueront peut-être à avoir peur, mais espérons que cela ne se produise plus jamais au détriment des femmes.
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La sorcière est pour beaucoup d'entre nous la méchante des contes de fée, vieille et moche elle symbolise le mal face à la jeune, belle et innocente jeune fille. Pourtant depuis toute petite j'ai toujours eu un faible pour les sorcières qui souvent ont bien plus de personnalité que les héroïnes au coeur tendre qui attendent passivement le prince charmant. Et si comme à l'instar du Loup dans nos contes pour enfants la sorcière était un personnage injustement mal aimé ?

Mona CHOLET décide d'éclairer nos lanternes et de rendre aux Sorcières ce qui est aux Sorcières. Les Sorcières ce sont d'abord et avant tout des femmes qui à l'époque de la Renaissance ont été victimes d'une chasse visant à les exterminer. En d'autres mots un génocide, un pogrom, une extermination de masse. Bref dans l'histoire le fait peut paraître anecdotique mais il n'en est rien, bien au contraire. Cette extermination ne visait pas toutes les femmes ce qui évidemment aurait été suicidaire pour la race humaine. La chasse aux sorcières est beaucoup plus sordide que ce que nous pouvons imaginer. Qui est visé, qui sont les sorcières d'alors ?

Tout a commencé par le démantèlement de l'ordre des Béguines qui permettaient aux femmes seules (souvent veuves) de vivre libres, en communauté sans qu'un homme ne les dirige et sans qu'elles n'aient décidé d'être nonnes. Cette indépendance et cette absence de soumission au patriarcat, que ce soit à un mari ou à dieu, dérangeait beaucoup ces messieurs. Démanteler les Béguines fut donc les prémices de la chasse aux Sorcières. La chasse de ces femmes qui défient les conventions sociales de l'époque en étant indépendantes, célibataires, autonomes, voire tout ça à la fois. Elles exerçaient souvent la médecine, faisant office de sages-femmes mais aussi via une connaissance des plantes et des remèdes pointue et transmise de mère en fille pour soulager les maux. le pire est que beaucoup reconnaissaient leur talent et avaient recours à leur aide. Pourtant cela ne les a pas sauvées. Au contraire. Pas assez dociles, de telles femmes ne peuvent être que sous la coupe du diable (ben oui il faut bien un homme quelque part). Toute femme qui n'est pas soumise à la domination patriarcale est un danger potentiel. le premier chef d'accusation de ces femmes accusées de sorcellerie était d'ailleurs dans la majorité des cas l'arrogance.

En d'autres termes ces femmes ont été jugées et condamnées au bûcher car elles étaient indépendantes et qu'elles avaient du caractère. Indomptables malgré l'ingénuité de l'époque dont ces messieurs faisaient preuve pour les briser. Je vous suggère d'aller voir sur internet ce qu'est une bride de mégère, cela en dit long… La haine des Sorcières alla même jusqu'à condamner des générations de félins, le chat étant le plus fidèle compagnon de la sorcière dans l'imagination commune de l'époque. Quelle hérésie, en l'absence de chats les rats proliférèrent et la peste s'installa. Mais bon on avait sauvé les âmes de ces diablesses de Sorcières et de leurs chats, suppôts de Satan. Ouf on l'a échappé bel !

Une fois exterminées les sois disant Sorcières, la voie était libre pour ces messieurs qui se sont réservés l'exercice de la médecine, pillant sans vergogne les connaissances des Sorcières dont les connaissances étaient basées sur l'expérience et la pratique. Si certains remèdes ne sont pas des plus efficaces il faut quand même rappeler que la plupart des substances utilisées en obstétriques sont des dérivés des plantes utilisées par les Sorcières. Beaucoup des remèdes étaient pour l'époque pertinents et surtout accessibles aux pauvres. Les médecins qui ont alors pris la place des sages-femmes ont déclenché une épidémie de fièvre et un nombre important de femmes sont mortes en couches. Pourquoi ? Tout simplement car ces messieurs qui accusèrent les sages-femmes d'être sales, passaient de la dissection d'un corps à un accouchement sans s'être lavés les mains. Nous avons bien progressé depuis ? Certes mais encore aujourd'hui une femme qui se plaint de douleurs dans la cage thoracique est traitée à cous d'anxiolytiques alors qu'un homme est redirigé vers un cardiologue. Et puis il suffit de voir la prise en charge des femmes atteintes d'endométriose, l'utilisation de la pilule à la liste d‘effets secondaires potentiels impressionnant (personne ne voudrait tenter de la réduire… ?) sans oublier l'époque pas si lointaine des ablations d'ovaires et de clitoris censés résoudre des problèmes qui en fait n'en étaient pas (trop forte libido, tendance à la masturbation… ça c'est de la maladie super grave !).

Cette chasse aux Sorcières, aujourd'hui encore se poursuit, les femmes sont encore bien trop souvent jugées sur leur physique et subissent de plein fouet l'injonction à demeurer jeune, du moins en apparence, le plus longtemps possible.
Messieurs vos rides et vos cheveux blancs vous donnent charme et charisme mais mesdames non ! La moindre des chose serait de vous rendre présentable, allons !
Les cheveux blancs font « négligés », la ménopause est tabou son arrivée sonnant comme une date de péremption, le non désir d'enfants est plus mal perçu chez une femme que chez un homme, de même que sa volonté de faire carrière.
Bref Mona CHOLET balaie tous ces plafonds et ces injustices qui fondent les inégalités entre les 2 sexes encore aujourd'hui car nous sommes encore pétris du modèle de l'autorité patriarcale.

Mais les plus grandes victimes ce sont les femmes qui ont passé la cinquantaine. Prendre de l'âge, arborer des chevaux blancs, ne plus être féconde, ne plus pouvoir enfanter donc ne plus avoir d'utilité pour la société. Plus les femmes vieillissent, plus elles sont renvoyées au stéréotype de la Sorcière. Vous avez déjà vu un vieux monsieur être qualifié de Sorcier vous ? Non. Tandis qu'une femme surtout si elle est un peu revêche…

Un chapitre de ce livre revêt une importance particulière dans le développement de Mona CHOLLET, c'est celui qui nous parle de la pression sociale qui pèse sur les femmes en matière de maternité. Il y a une injonction sociale à être mère qui n'existe pas pour les hommes que l'on incite toujours à l'autonomie et l'indépendance. Dans l'image d'Épinal la femme veut se marier et avoir des enfants et c'est le bonheur suprême, l'homme lui se fait passer la corde au cou et assume les frais liés aux enfants. Son objectif c'est sa carrière.
Je conçois très bien les développements de l'auteur sur ces mères qui se sentent emprisonnées dans la maternité parce qu'elles ont cédé par convention sociale. Je regrette par contre qu'il ne soit pas question de femmes qui n'ont renoncé ni à avoir des enfants ni à avoir une carrière. Pourtant cela existe et toutes les femmes n'ont pas un partenaire qui s'investit moins qu'elles dans l'éducation des enfants.

Alors j'avoue, au vue de tout ce qui est décrit dans ce livre je suis sans conteste une Sorcière parce que je revendique mon indépendance, le droit à mener ma vie, mes relations, ma carrière … comme je l'entends. Et comme les chiens ne font pas des chats une belle lignée de Sorcières est prête à prendre la relève. Mais n'oublions pas qu'il existe quelques Sorciers aussi et qu'ils sont de plus en plus nombreux à se dresser aux côtés des Sorcières.
Un livre intéressant et même s'il est parfois un peu manichéen il est souvent révélateur de ces discriminations tellement ancrées qu'elles en viennent à passer inaperçues. Les relever ne peut être que bénéfique !
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Après Beauté fatale où elle dénonçait l'injonction faite aux femmes d'être jolies et de se taire (pour résumer grossièrement ce brillant ouvrage), Mona Chollet décortique les atteintes faites aux femmes fortes, que ce soit par les hommes ou par les religions (majoritairement menées par les hommes). « Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femmes ces siècles de terreur ont-ils censurés, diminués, réprimés ? » (p. 3 & 4) Pour l'autrice, il s'agit de la femme indépendante, de la femme sans enfant et de la femme âgée. Comme dans son précédent essai consacré aux femmes, Mona Chollet cite de nombreuses penseuses féministes, mais illustre également sa démonstration de références populaires ô combien parlantes ! Les séries Charmed, Ma sorcière bien-aimée ou Buffy contre les vampires, les romans Moi, Tituba sorcière ou La servante écarlate ou encore le film Les sorcières d'Eastwick proposent des représentations différentes de la sorcière et il est passionnant de les croiser, de les comparer et de les opposer.

La sorcière, la vraie, celle qui terrifie le patriarcat – religieux ou non –, c'est la femme qui ne se marie pas, et/ou qui n'a pas d'enfant, et/ou qui a un emploi ou une activité en dehors du foyer, et/ou qui est financièrement ou socialement autonome. Bref, un être à l'égal de l'homme, et ça, mon brave Monsieur, évidemment qu'on ne peut pas laisser faire ! Je passe sur les siècles de violences patriarcales, paternelles, matrimoniales, gynécologiques, obstétriques et institutionnelles : au mieux, vous en avez entendu parler ; au pire, vous les avez subies. Alors, libérer la parole est plus que jamais nécessaire, comme c'est le cas actuellement avec #MeToo. Parce que cette libération, c'est permettre à la vérité d'exploser, mais aussi – pourquoi pas – aux incantations de résonner. Tremblez, oppresseurs de tout poil, la sorcière n'a peut-être plus de balai volant ou de chaudron bouillonnant, mais elle a toujours de grands pouvoirs !
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critiques presse (2)
NonFiction
06 novembre 2018
Ce n’est pas un livre d’histoire, ce n’est pas non plus un ouvrage de sociologie. Mona Chollet se pose plutôt comme observatrice avertie de notre temps, éclairant ses expériences quotidiennes par le croisement de ses lectures et de ses recherches.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeMonde
14 septembre 2018
Dans son essai « Sorcières. La puissance invaincue des femmes », Mona Chollet rappelle comment un qualificatif infamant est devenu un symbole féministe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (506) Voir plus Ajouter une citation
« Je hais les médecins. Les médecins sont debouts et malades sont couchés. (...) Et les médecins debout paradent au pied des lits de pauvres qui sont couchés, et qui vont mourir et les médecins leur jettent à la gueule sans les voir des mots en gréco-latins que les pauvres couchés ne comprennent jamais, et les pauvres couchés n'osent pas demander pour ne pas déranger le médecin debout qui pue la science et qui cache sa propre peur de la mort en distribuant sans sourciller ses sentences définitives et ses antibiotiques approximatifs comme un pape au balcon dipersant la parole et le sirop de Dieu sur le monde à ses pieds. » Peu avant la mort de Pierre Desproges, d’un cancer, en 1988, j’avais éprouvé un flash de reconnaissance à la lecture de ce réquisitoire, prononcé dans le Tribunal des flagrants délires.
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Érika Flahault, dans son enquête sociologique de 2009 sur la « solitude résidentielle des femmes » en France, distingue les femmes « en manque » – celles qui subissent leur situation et qui en souffrent –, les femmes « en marche » – celles qui apprennent à l’apprécier – et les « apostates du conjugal » : celles qui ont délibérément organisé leur vie, leurs amours et leurs amitiés en dehors du cadre du couple. Les premières, remarque-t-elle, indépendamment de leur trajectoire personnelle, mais aussi de leur classe sociale – l’une est une ancienne agricultrice, une autre une grande bourgeoise –, se retrouvent complètement démunies dès qu’elles n’ont pas, ou plus, la possibilité d’incarner la bonne épouse ou la bonne mère : elles partagent « une même socialisation fortement marquée par la division sexuelle des rôles et un attachement profond à ces rôles traditionnels, qu’elles aient eu ou non l’occasion de les assumer ». À l’opposé, les « apostates du conjugal » ont toujours cultivé une distance critique, voire une défiance totale à l’égard de ces rôles. Ce sont aussi des femmes créatives, qui lisent beaucoup et qui ont une vie intérieure intense : « Elles existent hors du regard de l’homme et hors du regard de l’autre car leur solitude est peuplée d’œuvres et d’individus, de vivants et de morts, de proches et d’inconnus dont la fréquentation – en chair et en os ou en pensée à travers des œuvres – constitue la base de leur construction identitaire. » Elles se conçoivent comme des individus, et non comme des représentantes d’archétypes féminins. Loin de l’isolement misérable que les préjugés associent au fait de vivre seule, cet affinement inlassable de leur identité produit un double effet : il leur permet d’apprivoiser et même de savourer cette solitude à laquelle la plupart des gens, mariés ou pas, sont confrontés, au moins par périodes, au cours de leur vie, mais aussi de nouer des relations particulièrement intenses, car émanant du cœur de leur personnalité plutôt que de rôles sociaux convenus. En ce sens, la connaissance de soi n’est pas un « égoïsme », un repli sur soi, mais une voie royale vers les autres. Contrairement à ce que veut nous faire croire une propagande insistante, la féminité traditionnelle n’est pas une planche de salut : chercher à l’incarner, adhérer à ses valeurs, loin d’assurer notre immunité, nous affaiblit et nous appauvrit. La pitié réservée aux femmes célibataires pourrait bien dissimuler une tentative de conjurer la menace qu’elles représentent.
Page 56
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"Les femmes ont une autre option. Elles peuvent aspirer à être sages, et pas simplement gentilles; à être compétentes, et pas simplement utiles; à être fortes, et pas simplement gracieuses; à avoir de l'ambition pour elles-mêmes, et pas simplement pour elles-mêmes en relation avec des hommes et des enfants. Elles peuvent se laisser vieillir naturellement et sans honte, protestant ainsi activement, en leur désobéissant, contre les conventions nées du "deux poids, deux mesures" de la société par rapport à l'âge. Au lieu d'être des filles, des filles aussi longtemps que possible; qui deviennent ensuite des femmes d'âge moyen humiliées, puis de vieilles femmes obscènes, elles peuvent devenir des femmes beaucoup plus tôt - et rester des adultes actives, en jouissant de la longue carrière érotique dont elles sont capables, bien plus longtemps. Les femmes devraient permettre à leur visage de raconter la vie qu'elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité." Presqu' un demi siècle plus tard, ce programme reste à la disposition de toutes celles qui voudraient s'e'n emparer.
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Près de la moitié des femmes (47%) se concentre toujours dans une dizaine de métiers comme infirmière (87,7% de femmes), aide à domicile ou assistante maternelle (97,7%), agent d'entretien, secrétaire ou enseignante.

Or, au Moyen-âge, les Européennes avaient accès comme les hommes à de nombreux métiers, souligne Silvia Fédéreci : " Dans les villes médiévales, les femmes travaillaient comme forgeronnes, bouchères, boulangères, chandelières, chapelières, brasseuses, cardeuses de laine et détaillantes." En Angleterre "soixante-douze des quatre-vingt-cinq corporations comptaient des femmes dans leur rangs3 et dans certaines d'entre elles, elles étaient dominantes."
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Où que je le rencontre, le mot "sorcière" aimante mon attention, comme s'il annonçait toujours une force qui pouvait être mienne. Quelque chose autour de lui grouille d'énergie. Il renvoie à un savoir au ras du sol, à une force vitale, à une expérience accumulée que le savoir officiel méprise ou réprime. J'aime aussi l'idée d'un art que l'on perfectionne sans relâche tout au long de sa vie, auquel on se consacre et qui protège de tout, ou presque, ne serait-ce que par la passion que l'on y met. La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie.
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Vidéo de Mona Chollet
Nous nous souvenons tous du succès des précédents ouvrages de Mona Chollet comme "Sorcières", "Réinventer l'amour" ou "Beauté fatale". La journaliste franco-suisse propose aujourd'hui un drôle de livre. "D'images et d'eau fraîche", chez Flammarion, est une collection d'images, sa collection d'images. Ces photos, dessins ou encore tableaux qui nous définissent sont aussi une porte ouverte à la réflexion sur la beauté. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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