AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"En ce temps de trouble et de misère,
frère, ne jugez pas vos frères."

Me voilà devant ma deux-centième critique. Ce n'est pas grand-chose, mais pour marquer ce petit jubilé personnel, permettez-moi de choisir un livre exceptionnel, et d'en faire un billet particulièrement éloquent.
"Le Don paisible" de Mikhaïl Cholokhov brille dans ma carrière de lectrice non seulement par le fait que c'est probablement le plus long roman que je n'ai jamais lu, mais aussi parce que c'est le seul bouquin qui m'a fait verser une belle larme à la fin.

Pourtant, mon chemin vers ce trésor oublié de la littérature russe n'était pas des plus aisés. Va savoir pourquoi, pendant le régime totalitaire, ce livre était considéré comme un "roman communiste" par excellence. Ceci, en plus de sa longueur, était déjà suffisant pour décourager plus d'un. Mais mon grand-père lisait "Le Don paisible" en boucle, et ce sont les épisodes qu'il racontait (notamment la glaçante histoire d'Aksinia et de la faux) qui m'ont fait changer d'avis et me dire que moi aussi, peut-être que je devrais...
Je voulais d'abord tricher en regardant le film qui ne dure que six heures, mais au bout de la première demi-heure j'étais touchée au point de courir chercher tous les quatre tomes chez le grand-père victorieux. Voilà comment a commencé mon roman avec "Le Don paisible".

A vrai dire, ça m'est égal combien de chapitres sont écrits par Cholokhov et combien par quelqu'un d'autre, et même si Cholokhov l'a écrit tout court... ce livre serait parfait même de la plume de Danielle Steel. Cholokhov (ou X) a créé des caractères incroyablement humains. Même si le lecteur penche en faveur de tel ou tel côté, l'auteur lui démontre que les deux ont leur pile et leur face. Tous ses personnages ont une profondeur et une belle palette de couleurs; aucun n'est que noir ou que blanc. Il n'y a personne envers qui vous pourriez ressentir le dédain total, ou l'aversion absolue. Mikhail Koshevoï détesté, cet indic et couard, assassin de Piotr Melekhov / Mikhail Koshevoï souffrant de malaria, qui fabrique un râteau d'enfant pour le petit Michatka. Ievgeni Listnitski faux charmeur, essayant de séduire Aksinia usée et malheureuse, détruite par la mort de sa fille / Ievgeni Listnitski se suicidant après la trahison de sa propre femme avec un général.

Pendant des semaines de lecture, vous vivez pratiquement avec les personnages; parfois vous avez presque l'impression que vous êtes assis dans une misérable chambre aux côtés du vieux Panteleïmon, et vous l'écoutez crier à sa femme : Que le Diable t'emporte !" Vous faites tout avec eux, mais vous n'arrivez toujours pas à comprendre comment ils arrivent à supporter toute cette souffrance et tous ces malheurs. Il y en a autant que d'eau dans le Don, et à la fin, ils sont tous desséchés et vides, comme une rivière après un été cruel.

"Le Don paisible", c'est la tragédie d'une nation, dévastation de la Russie, des cosaques, et des vies humaines dans les années 20-30. Déchirement d'un pays et des relations humaines en morceaux, la fin des valeurs anciennes qui partent en fumée en même temps que la steppe brûlée.
Le héros principal, Grigori Melekhov, est comme le docteur Jivago : il cherche la vérité et son but dans la vie dans une époque qu'il déteste, mais de laquelle il ne peut pas s'échapper. L'épave humaine à la fin ne rappelle plus en rien le jeune Grishka énergique du premier tome.

Bref, si vous voulez savoir comment la guerre prive les êtres humains de la dernière goutte de leur sang, lisez "Le Don paisible". Si vous voulez comprendre comment vivent les cosaques et qu'est que c'est que cette engeance, lisez. Si vous avez envie de rencontrer des femmes fières et fortes (Aksinia, Dounia, Ilinitchna) qui n'ont pas peur du risque et sont prêtes à tout sacrifier pour leur famille et pour l'amour, lisez. Etes-vous intéressés par l'amour de Grigori et d'Aksinia, si fort que rien ne peut le briser ? Alors, lisez.
Et si vous voulez lire sur les hommes (Blancs ou Rouges, peu importe) qui souffrent à cause de la guerre qu'ils ne comprennent pas, et qui sont en train de se noyer en nageant entre deux rives, prenez "Le Don paisible".
Vous y trouverez tout ce que vous voulez. Ce livre est amer comme la vie elle-même.
Prix Nobel. 5/5.

PS : Excusez mon enthousiasme déplacé, mais pour une fois....
(Et ce film de 1956-58 est excellent.)
Commenter  J’apprécie          8060



Ont apprécié cette critique (68)voir plus




{* *}