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Critique de kielosa


J'avais 26 ans lorsque assis un beau matin tôt devant une tasse de café en guise de petit déjeuner, j'ai vu pour la première fois cette photo qui allait devenir, dans mon esprit et celui de millions d'autres, l'image iconique associée à la Guerre du Vietnam. Je me souviens de ma réaction : j'ai vite détourné mes yeux comme si j'étais en train de regarder une photo indécente que la morale réprouve, bien que me trouvant seul dans la cuisine, puis j'y suis retourné en me posant une ribambelle de questions du genre mais quel est l'effet d'une bombe au napalm sur le corps humain, qui a bien pu lancer cette bombe et surtout qu'est devenu la pauvre môme victime de cette horreur et de la folie des hommes ?

Grâce à l'ouvrage de Denise Chong, je sais maintenant que la pauvre môme vietnamienne s'appelle Kim Phuc, qu'elle avait 9 ans au moment des événements tragiques qui allaient gouverner son existence et qu'aujourd'hui elle a 55 ans, habite à Toronto au Canada et qu'elle souffre toujours de ses brûlures, est atteinte de diabète, d'asthme, de migraines et de multiples allergies. Sa peau a perdu tout système de défense et ne respire plus. Sur une photo contenue dans le livre et prise de dos, en 1995, on voit ses cicatrices "qui lui gondolent la peau et s'enflamment souvent...quand le temps est capricieux". Elle s'est mariée et a cependant mis au monde 2 enfants, ce qui en dit long sur son courage !

Le bombardement au napalm par l'armée sud-vietnamienne a eu lieu dans le hameau de Trang Bang à 45 kilomètres au nord de Saigon et 25 kilomètres des fameux Tunnels de Cu Chi, qui camouflaient une véritable cité souterraine, que j'ai visitée en 1989 et dont j'ai fait un billet à partir du livre de John Penycate et Tom Mangold, le 9 avril 2017. J'ignorais, bien entendu, que je me trouvais si proche du domicile de Kim Phuc, sinon comme un bête touriste de catastrophe je n'aurais peut-être pas pu m'empêcher de me rendre un peu plus loin sur la route qui relie Saigon au Cambodge.

La photo symbole d'une guerre atroce date du 8 juin 1972 et a valu à son auteur, le photographe Nick Ut, le Prix Pulitzer et en a fait le gagnant du World Press photo de l'année. Dans ce livre j'apprends que les 2 sont devenus amis ultérieurement. Il y a la photo de leurs retrouvailles à La Havane en 1989. Il se trouve que le régime de Ho Chi Minh, constatant le "succès" de la photo de la "fille-napalm" en Occident s'en est largement servi à des fins de propagande. En compensation, Kim fut envoyée à Cuba pour y entreprendre des études de médecine, où elle a rencontré son mari, Bui Huy Toan.
Cela après 14 mois passés à l'hôpital Barsky de Saigon, où elle a subi 17 interventions chirurgicales entre autres des transplantations de la peau exécutées par le spécialiste finlandais, Aarne Rintala. Pourtant ce n'est qu'après son séjour au centre ultra réputé de Ludwigshafen en Allemagne, que Kim a récupéré sa liberté de mouvements... en 1982.

En voyage de noces pour Moscou, en 1992, Kim et Toan, firent escale à Gander, en Terre-Neuve, et en profitèrent pour demander l'asile politique au Canada, ce qui leur fut accordé évidemment.

Comme son prénom laisse deviner, Denise Chong, n'est pas née en Chine, mais à Vancouver au Canada, en 1953. En fait, une Chinoise de la 3ème génération. Et bien que doctoresse en économie à l'université de Toronto et à ce titre, en 1984 déjà, conseillère du Premier ministre du Canada, Pierre Elliot Trudeau (le père de Justin, l'actuel P.M. Canadien) , c'est en tant qu'écrivaine qu'elle s'est constituée une solide réputation dans de très nombreux pays.

Son premier ouvrage, publié lorsqu'elle avait pratiquement 40 ans, "The Concubine's Children" ou "Les enfants de la concubine", fut un succès immédiat et figura pendant 93 semaines sur la liste des best-sellers dans son pays. Bizarrement un autre livre que les éditeurs français ont boudé.
Son deuxième succès "La fille de la photo", publié 5 ans après en 1999, fut grâce à la maison d'édition Belfond, disponible en Français en 2001.

Cet ouvrage commence, le fastidieux 11 septembre 2001, à l'aéroport de Toronto, où Kim attendait nerveusement son vol pour les États-Unis, à la suite d'une invitation de la Maison-Blanche et où elle espérait pouvoir trouver de l'appui pour sa fondation en faveur des enfants victimes de guerres au Timor, en Afghanistan etc. Inutile de préciser que son vol fut annulé à cause de l'attaque terroriste des tours jumelles du World Trade Center à New York. Il ne faut guère beaucoup d'imagination pour se faire une idée ce que cet énorme feu, qu'elle voyait sur les grands écrans de l'aéroport, a dû représenter à l'ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO, titre qui lui fut décerné en 1997.

À ne pas confondre "La fille de la photo" avec "Eux sur la photo", la charmante oeuvre épistolaire et romantique d'Hélène Gestern, nettement moins horrible, bien sûr.

Je crains que j'en aie écrit déjà beaucoup trop, mais rassurez-vous chères lectrices et lecteurs, l'ouvrage passionnant de Denise Chong, introduit par Annick Cojean, compte 414 pages et il vous reste donc plein de choses à découvrir sur cette "héroïne-malgré-elle", Kim Phuc.
À propos, le prénom Kim signifie "doré" et Phuc "bienheureuse" !
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