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Critique de berni_29


Nous sommes en décembre 1941, à Therisienstadt, - aujourd'hui Terezin ville située en République Tchèque. C'est alors une ville-ghetto et un camp de concentration où sont détenus des prisonniers juifs.
C'est un ghetto, un camp de concentration comme notre Europe en a tant connu à cette époque en pleine Seconde Guerre mondiale.
Nous suivons le périple de Bedrich qui arrive ici avec sa femme Johanna et son tout jeune fils Tomi. Il est dessinateur. Il intègre le bureau des dessins en tant que responsable.
Officiellement, il s'agit de dessiner des plans d'architecture pour les Allemands, des aménagements de bâtiments, vous voyez, des choses qui n'inquiètent pas, rien de dangereux pour l'ordre imposé.
J'ai imaginé ce groupe d'hommes affairés à dessiner dans ce lieu confiné où ils avaient peur sans doute déjà.
Mais la nuit qui vient révèle à chaque fois autre chose. Ce sont les mystères des nuits impossibles, où j'imagine que la terreur, à chaque fois, à chaque guerre passée, actuelle ou à venir, devient alors un cauchemar éveillé. Ainsi vient comme cela presque sans les mots, comme un instinct de survie, un sentiment de cohésion spontané et presque naïf, la décision d'un collectif qui se forme de dessiner autre chose, secrètement. Un dessin vient, des dessins, d'autres dessins... Des sourires viennent aussi. On rit parfois. C'est jubilatoire. Ces dessins, on les enfouit après dans une simple fente cachée par une latte de bois...
Chaque jour se succède ainsi à l'autre. Dessiner, dessiner...
Chaque nuit, dessiner autre chose... On ne sait pas encore ce qu'on va en faire de tout cela.
Dessiner l'indicible, l'inconcevable, dessiner ce qu'est le quotidien d'un camp de concentration.
Oui, parce que l'endroit cherche à être considéré comme « exemplaire », les Nazis voudraient faire passer aux yeux de la communauté internationale l'endroit pour une colonie juive modèle, d'autant plus qu'une délégation de la Croix-Rouge internationale s'apprête à venir visiter les lieux prochainement et les hôtes allemands font tout pour rendre le lieu propre, « normal ». Alors, ces dessins, ce serait l'occasion rêvée de les sortir de leur cachette et de les partager à ces visiteurs inopinés, montrer à l'extérieur ce qu'ils vivent ici.
Une forêt d'arbres creux dit cela, rien d'autre, la vie en état de guerre, avec une manière de ne pas montrer la guerre de manière visuelle, frontale, mais de la suggérer, en dire l'horreur avec ce quotidien, ces gestes presque anodins, avec des destins qu'on imagine ployés déjà vers l'innommable, malgré l'espoir qui les tient encore debout.
Comme toujours Antoine Choplin aborde dans ce roman les heures sombres de l'Histoire, mais avec son écriture délicate, tout en retenue, il nous fait entrer comme cela dans un huis-clos, dans l'atmosphère de ce camp de concentration, il nous dit l'entraide, une humanité absolument bouleversante.
C'est une écriture sobre, un récit glaçant.
Évoquer plutôt que raconter.
Comment dire la puissance de la création qui se dresse comme un mur devant la barbarie et la volonté d'une destruction totale ?
Dessiner devient alors comme une arme, dire l'impensable, peindre l'inimaginable.
Lorsque la nuit vient, ces hommes ordinaires d'un bureau de dessin presque ordinaire deviennent des rebelles, des voyageurs clandestins, des résistants, des personnes qui disent Non, des personnes qui savent déjà que certains mourront pour cela.
N'oublions jamais celles et ceux qui savent dire Non à la guerre, résister avec leur art, leurs rêves, leurs bras dressés devant des tanks, au prix de leurs vies essentielles, quels que soient l'époque, l'endroit au monde, des êtres qui savent déjà que certains d'entre eux mourront pour cela.
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