Les plaisirs démodés... voilà une très belle chanson qui m'a toujours intriguée. S'il est question de plaisir, alors en quoi la mode a-t-elle son mot à dire ? Plus gênant, le terme "démodé" a une connotation péjorative qui pourrait gâcher le plaisir, si plaisir il y avait... alors peut-on encore parler de plaisir ? En fait, bien sûr, il s'agit d'une figure de style qui rapproche de manière paradoxale des termes qui peuvent paraître contraires : autrement dit, un oxymore. Et comme tout oxymore, il est créateur de sens : le démodé fait référence aussi à la nostalgie, donc à la possibilité de se référer à un passé où l'on a été heureux et dont le souvenir, finalement, embellit le présent. Une fois que l'on a compris cela, on se surprend à se demander s'il peut exister des plaisirs qui ne sont pas démodés : sans profondeur historique, quel intérêt offriraient-ils ?
Cette analyse peut s'appliquer entièrement à L'inconnu du RER C. C'est un roman qui procure ce plaisir démodé-là, parce que l'auteure utilise une langue simple mais très recherchée pour décrire des sentiments délicats, pour explorer ces sentiments de manière très précise, pour nous faire vivre par procuration des relations humaines à la fois subtiles et complexes, contradictoires parfois, et en épouser tous les rebondissements, qui vont de l'exaltation à l'accomplissement en passant par la trahison et la déception.
Et puis bien sûr, il y a "la" scène récurrente du roman, celle de l'homme, ou de la femme, qui, dans un train, tombe instantanément amoureux d'un profil délicat penché sur un livre... le fantasme numéro un de tout citadin ! L'inconnu du RER C est donc un livre qui explore un fantasme dont on ne parle jamais. N'avez-vous pas envie, vous aussi, de goûter à ce délicieux plaisir démodé ?
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