Peut-on envisage une phénoménologie de ce qui échappe au phénomène ?
Pour
Paul Ricoeur, l'intention portée par le sujet vers l'objet intentionnel ne pose pas de problème : le sentiment religieux prouve qu'il est possible de porter une intention vers l'Altérité pure, celle qui échappe au regard. L'universalité de la philosophie lui paraît plus problématique : le sentiment religieux est rarement exprimé, ce qui rend l'universalité de son existence incertaine, et son expression dépend toujours des textes écrits de la religion qui l'engendre, si bien que l'on ne différence que difficilement l'originalité de ce sentiment avec sa définition. Ainsi justifie-t-il une approche progressive de l'application de la phénoménologie, religion par religion. Prenant appui sur les textes bibliques, il tente de caractériser la relation appel-réponse de la religion pour la singulariser de la relation scientifique question-réponse.
Jean-Louis Chrétien se demande en quoi consiste l'essence de la prière : a quoi sert-il de prier puisque Dieu est censé tout savoir et tout connaître ? Il puise dans les textes chrétiens pour esquisser une réponse de la "parole blessée".
Confrontant la définition du phénomène et le principe de causalité de
Kant à celle de
Husserl et de la notion d'intuition, qui échappe au principe de causalité,
Jean-Luc Marion étudie la compatibilité d'un phénomène "invisible" avec la phénoménalité exigée par la phénoménologie. Pour lui, le phénomène religieux est un phénomène saturé, qui déborde aussi bien des catégories de
Kant que de celles de
Husserl.
Enfin,
Michel Henry associe la Parole de Dieu, Parole du monde à la Vie, point de contact entre la nature humaine et la nature divine.
Dans la dernière contribution, la foi religieuse semble dépasser la réserve du chercheur - toutefois cette partie est aussi la plus littéraire. Les trois premières contributions m'ont semblé plus précises, mais aussi plus ardues. Il en ressort un aperçu de l'utilisation possible des thèses de la phénoménologie appliquées à la transcendance, à ce qui, par nature, échappe au sujet constituant.