Lu il y a longtemps, relu récemment...je reste sur le très bonne première imprsseion que j'avais eu à l'époque: j'aime beaucoup son style d'écriture décalé, à fleur de peau, des personnages un peu écorchés, qui se cherchent…
Pour moi, un de ses livres phares. Je le recommande.
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« Alors ? Alors rien. Ils me font chier.
Qu’est-ce qui est arrivé en fait – on pourrait aussi bien dire : rien. Je me suis assis à table. Le vieux a dit : pousse-toi un peu, tu me bouches l’écran. Il n’y avait rien sur l’écran.
- Mais il n’y a rien sur l’écran…
- Pousse-toi un peu tout de même.
- Mais.
Non, c’était trop bête, non ?
- Je me pousserai quand il y aura quelque chose. J’ai dit ça calmement, sur un ton raisonnable ; comme si c’était normal. Il est devenu comme pâle. Les yeux fixes. Un truc horrible, en une seconde. Non, pour une histoire de dix centimères même pas, et qui ne servaient à rien en plus… Elle, n’est pas intervenue. Elle nous regardait l’un après l’autre, sans savoir quoi.
- - Je t’ai dit pousse-toi.
Je me suis levé et je suis parti. Tel quel.Je n’ai pas eu le temps de réfléchir. En fait je ne savais pas que je partais. Quand je me suis aperçu je me suis dit : j’aurais dû prendre une valise. Mais quoi une valise, ça pouvait me servir à quoi pour aller où j’allais : quelque chose comme à Tahiti. Ca pouvait juste servir à me donner une touche d’émigrant, et à m’encombrer. Tandis que les mains dans les poches, qui sait quoi ? C’est un type qui est là comme tous les autres types, peut-être qu’il va à son travail, ou à l’école, ou il se promène tout simplement, et d’ailleurs personne ne se le demande.
…
Je suis donc resté logiquement sur place, dans la cour, au milieu des maisons. J’ai regardé les fenêtres : derrière toutes les fenêtres, il se passait la même histoire d’un écran qu »on bouche, et le père dit au fils de se pousser, et le fils s’en va pour toujours nulle part. Obligé, puisque c’était la même heure.
Malheureusement il n’y avait personne dans la cour, que moi.
Normalement avec mon système on aurait dû être mille.
Si on avait été mille, on serait remontés tous ensemble et on aurait cassé toutes les télés. »
La seule façon de résumer la situation où je me retrouve dans a cour, tout seul, les mains vides, le passé mort et l’avenir pas encore né, c’est : ils me font tous chier . Ca peut paraître brutal mais c’est comme ça. Tout ce que j’ai envie si vous voulez savoir c’est de tourner le dos et m’en aller.
On ne peut pas tourner le dos à tout. C’est géométrique.
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