Pour bien appréhender ce roman,
Agatha Christie a jugé bon de lui donner une brève introduction qui répond à la sempiternelle question posée aux écrivains « Où trouvez-vous vos idées ? »
Entre autre dans la presse, dit-elle, avec ses faits divers bien souvent entachés de violence, lesquels font alors surgir une peur de ce qui pourrait advenir de son pays, de l'Europe, du monde entier.
Cet écrit de 1970 s'inspire donc de la conjoncture de l'époque dans laquelle l'auteure constate une montée de faits cruels et elle imagine alors une dérive de la jeunesse vers un idéalisme destructeur. Sous promesse d'un monde meilleur, tout chaos peut prendre place.
C'est, bien sûr, une extrapolation extravagante et elle nous en avertit afin que l'on n'y cherche pas (du moins pas encore !) une vraisemblance.
Nous voilà donc dans un avion qui doit faire escale à Genève avant de rejoindre Londres mais un vilain brouillard le fait finalement atterrir à Francfort. À bord, Sir Stafford Nye, un diplomate qui ne brille pas réellement dans sa carrière en raison d'une attitude un peu trop fantaisiste et d'une aptitude à mettre un brin de plaisanterie dans le monde ennuyeux de la diplomatie. Dans le hall de l'aéroport, une jeune femme vient justement lui offrir un antidote à l'ennui en le suppliant d'échanger sa place dans le prochain vol pour Londres afin de lui épargner d'être tuée à l'arrivée. La voilà donc qui revêt l'ample manteau de brigand de Sir Stafford, empoche le passeport du diplomate et avec une physionomie semblable à celui-ci, s'envole vers Londres.
Lorsque Sir Stafford rejoint plus tard la capitale britannique, ses connaissances ne goûtent pas son penchant pour les plaisanteries et ne voient pas d'un très bon oeil son curieux incident de l'aéroport. Et c'est justement parce qu'il n'est pas très sérieux que le choix de la passagère de Francfort s'est porté sur lui afin de déjouer une menace anarchiste menée par un brillant orateur…
Ambiance espionnage oblige, on trouvera, sans surprise, un petit billet glissé furtivement dans une main, une rencontre secrète sous un air de Wagner et auréolée de mystère, une jeune femme à l'identité énigmatique fréquentant les dîners mondains et trempant bien sûr dans un quelconque mouvement politique mais de quel bord ?
Ce petit roman, qui se veut avant tout être un divertissement littéraire, n'en renferme pas moins des propos qui sont loin d'être complètement absurdes et des réflexions sur les politiciens, sur la puissance oratoire et la manipulation qui peuvent trouver étrangement leur place cinquante ans après…
Dommage que l'humour habituel de Dame Agatha semble s'émousser ici, je ne l'ai noté qu'à travers les physiques gentiment exagérés de ses personnages, peut-être parce que c'est l'un de ses derniers écrits.
Je laisse le dernier mot à l'auteure elle-même qui définit le mieux l'histoire qu'elle nous a offerte : « La présente histoire est par essence une fantaisie, et elle ne prétend être rien d'autre. Cependant, la plupart des évènements qui s'y déroulent arrivent parfois dans le monde actuel, ou pourraient arriver. Ce n'est donc pas une histoire impossible, mais seulement une histoire extraordinaire. »