Mrs Oliver s'apprête à affronter un banquet littéraire. D'ordinaire, c'est tout à fait le style de déjeuner qu'elle fuit comme la peste, à l'image de celle qui la met en scène d'ailleurs.
Alors qu'elle se félicite pour avoir fort bien traversé cette épreuve, une grande créature autoritaire fond sur elle avec une question majeure et on ne peut plus inopinée. Vu que son fils a le projet de se marier avec une des filleules de la romancière et que les parents de celle-ci ont été retrouvés abattus par balle au bord d'une falaise plus d'une dizaine d'années en arrière, « Qui, du père ou de la mère de Célia, a tué l'autre ? »
Et d'abord pourquoi Mrs Oliver devrait-elle avoir la réponse à cette question, vu qu'elle se trouvait à l'étranger au moment des faits et que sa spécialité n'est pas d'élucider les crimes mais d'en sortir de toutes pièces de son imagination fertile pour en faire de bons romans policiers ?
Bien qu'outrée par cette demande, sa curiosité est piquée et c'est l'occasion de fourrager dans les vieux carnets jaunis et poussiéreux pour dénicher l'adresse de sa filleule perdue de vue. C'est aussi l'occasion de prendre un petit verre de kirsch ou de sherry avec son cher ami, expert ès crimes, M. Poirot.
Et comme Mrs Ariadne Oliver a toujours des idées bien surprenantes, elle sidère une fois de plus Poirot en décrétant qu'elle doit aller à la chasse aux éléphants ! Enfin, plus précisément à la recherche des personnes dont la bonne mémoire d'éléphant se rappellera les faits de ce drame que les policiers ont classé à l'époque en pacte de suicide. Elle s'active donc à revoir toutes les anciennes connaissances du couple et se fait immanquablement offrir une bonne tasse de thé pour bavarder innocemment du bon vieux temps.
Le démarrage est un peu lent mais heureusement qu'il est sauvé par l'irrésistible humour des dialogues pleins de sel de notre duo si pétillant. Ils me font bien sourire ces deux là et j'aime l'extrême politesse de leurs échanges, l'ardeur de la romancière qui se démène pour trouver les racines de ce drame et son inévitable agacement face à l'immobilité du détective.
Ensuite, les éléments et les personnages s'enchaînent sur les traces des « éléphants » pour lesquels le passé ne s'oublie pas, et heureusement ! La fournée d'informations hétéroclites glanées par Mrs Oliver, les témoignages de l'enquête menée après le drame et surtout la remise en ordre de tous ces éléments par l'inégalable Hercule Poirot triompheront du temps passé.
C'est l'un des derniers écrits de la Reine du crime, il renferme quelques incohérences au niveau des dates et âges des protagonistes. On a plutôt tendance à croire qu'il s'est écoulé près de trente ans depuis la tragique disparition des parents de Célia, mais bon, je ne peux m'arrêter sur ces invraisemblances car en ce qui concerne les petites énigmes très distrayantes d'
Agatha Christie, je suis bien peu objective, je l'avoue !
Au coeur des souvenirs gardés par les uns et les autres, cette lecture au charme délicieusement british fût encore une fois fort plaisante et c'est ce qui compte !