En lisant
La femme à droite sur la photo de
Valentin Musso, le souvenir du roman graphique de Christin et Bilal Los Angeles L'étoile oubliée de Laurie Boom s'est imposé à moi.
Je n'avais pas touché à cet album depuis sa date de parution en juin 1984. C'est dire que ce fantôme ressurgi des entrailles de ma bibliothèque m'a entraîné dans une autre lecture des rues de Los Angeles.
Certes, on retrouve des similitudes entre les deux romans.
L'omniprésence de la ville, L.A, de ses voitures, de ses rues. L'enquête sur une actrice disparue depuis des lustres. La traque de témoins disparus pour certains, tombés dans la déchéance pour d'autres et ne se rappelant plus de rien, ou encore peu enclins à se souvenir d'un passé qui pourrait obscurcir leur réussite actuelle. La recherche des lieux supposés être encore hanté par les traces du passage de la disparue.
«Qu'est devenue Laurie Bloom, qui faillit être star mais dont le nom est aujourd'hui oublié à jamais ?» disent Christin et Bilal.
«Et si Elizabeth Badina avait disparu de son plein gré ?» écrit
Valentin Musso évoquant l'une des pistes privilégiées par la police de Los Angeles.
Christin et Bilal raconte l'histoire d'une déchéance et concluent «Dans le soir tiède, la Pontiac «Grand Prix» jaune d'or roule lentement vers l'océan. KKGO, au maxi, fait rugir un vieux thème des sixties. Deux types se laissent aller sans but dans la grande ville. La vrai biographie de Laurie Bloom ne sera sans doute jamais publiée.»
Nostalgie assumée pour Bilal et Christin, réhabilitation et enquête policière pour
Valentin Musso, dans un cadre immuable, le Los Angeles aux rues en pente encombrées de voitures mythiques, aux personnages tous passés par la moulinette Hollywood, sorties hachés menus ou au contraire propulsés au sommet de la gloire.
L'écriture de Christin est chirurgicale, descriptive, sans pathos «Sur Pico boulevard, au milieu de la circulation qui dérive vers l'ouest sans conviction, c'est comme un lent travelling de docucu sur l'architecture éclectique qui se déroule régulièrement, à peine ponctué par les petits soubresauts des feux rouges. Les constructions les plus hétéroclites défilent en un ruban d'images dépourvu de sens, plein de trous dus à des vignettes manquantes, privé à jamais de principe unificateur, pareil en somme à la ville elle-même, puzzle impossible à terminer de fragments stylistiques assemblés de bric et de broc.»
Le dessin de Bilal avec son trait lourd et ses couleurs fuyantes illustre le texte sans complaisance.
Côté personnages l'équation texte dessin est la même.
A Venice, «Belinda Wood a dix-huit ans. Elle écoute The Police et
Michael Jackson. Elle ne pense qu'au patin à roulettes.»
De Laurie Bloom, elle a retenu :
«Elle, elle avait été célèbre. Un jour elle m'a montré son press-book...Outrageous ! Elle aimait pas le patin, okay, mais elle était sympa avec moi...Real nice...»
Vu par Bilal Belinda resplendit en premier plan, sa coupe punk blonde ses yeux verts et sa bouche pulpeuse sur fonds de ciel bleu, de bâtisses et de voitures ravagées par le temps. Contraste de deux époques où la nostalgie ne l'emporte pas de la même façon.
Un album à découvrir ou redécouvrir.