Pierre Christin "
Petits crimes contre les humanités : roman universitaire", éd. Métailié 2006 (ISBN 978-2-86424-583-4)
L'intrigue ne fatiguera pas les méninges du lecteur : tout l'intérêt de ce roman réside dans une description aussi féroce qu'humoristique d'une des variantes de la vie universitaire française, à savoir la petite université sur « campus néo-rural » (p. 48) de sciences humaines et sociales, créée dans les années 1970 en bordure d'une ville moyenne de province, Nevers. Tout y passe, y compris toutes ces instances et tous ces sigles plus ou moins farfelus, désignant ces monstruosités administratives dans lesquels baignent nos grands esprits...
Lors de la relecture, la description humoristique du monde universitaire français est toujours aussi plaisante, et le portrait de la vice-présidente très bien réussi. J'ajoute deux nouvelles réflexions.
D'abord, le constat de l'insondable mépris du monde universitaire pour le personnel administratif, qui est ici caricaturé à l'extrême, que ce soit dans la sottise, la paresse ou l'incompétence, bref, le reflet même de ce que la plupart des universitaires pensent de ces agents administratifs qu'elles et ils ont eux-mêmes recruté la plupart du temps selon des critères… inavouables.
Ensuite, l'absence totale, complète, irrémédiable de tout bibliothécaire, alors que l'intrigue tourne justement autour du don de la précieuse bibliothèque d'un éminent grand professeur : cette noble démarche ne saurait être gérée que par le Président (lui-même éminentissime professeur), secondé par le fameux demi-ATER : point n'est besoin du moindre bibliothécaire en cette affaire. En ce domaine aussi, ce roman reflète donc très exactement le monde tel qu'il est vu par la plupart des universitaires français : le bibliothécaire n'y fait pas partie du paysage, il n'existe pas à l'intérieur du cadre universitaire (sauf lorsqu'il se rend en Allemagne)… « Jedem das Seine »…
Un roman indispensable pour toute personne soucieuse de s'informer – dans la joie et la bonne humeur – de l'état de délabrement de ces micro-universités «décentralisées» servant de parking à chômeurs, et de la mentalité du corps enseignant – oups, pardon, des enseignants chercheurs – qui y sévit aux frais du contribuable.