NOUS SOMMES TOUS DES PENDUS DONT LA CORDE A CASSÉ.
Le contact avec les allemand s'est révélé pénible.Pas avec les jeunes .Mais des qu'un Germain a 《 l'âge 》,tout en moi se recroqueville.Malgre moi ,je l'imagine en uniforme,je le vois agir,ordonner,cogner,crier.
La langue,également,me donne un certain malaise.Le plus beau lied,le plus beau poème ne sont qu'aboiements à mes oreilles.
Je ne ressens pas de haine envers l'Allemagne,sinon,je ne vaudrais pas mieux que mes bourreaux.
Au fond,c'est peut-être ça e tre juif: posséder une communauté de souffrance et pratiquer le refus de la haine.(Page 208).
Deux femmes assises attendent au centre de la baraque.La vieille et la jeune. La mère et la fille .On dirait qu'elles vont mourir,là, devant nous.
On les a extirpé de leur galetas et traînées devant nous toutes pour les empêcher de mourir.
DE MOURIR DE CRASSE
Car c'est vrai ,elles ont l'oeil vague, et elles sont mangées par les poux.
De loin,en tendant les bras,sur la pointe des pieds,le corps tendu,on les dénude et on les lave,et on leur donne des habits collectés parmi nous toutes.Puis on leur rase la tête, mais ça se révèle impossible.Leur crâne disparaît sous une croûte épaisse de cheveux pourris,de crasse et de larves de poux.On gratte ,on cisaille, pour en enlever le maximum.
Hé oui,elles avaient dételé,les pauvres,elles avaient cédé,capitulé,abandonné,lâché,abdiqué,renoncé.
Il faut vouloir survivre ,et ce n'est pas donné à tout le monde.
J'assiste au sauvetage,en bon public,fascinée par l'excellent spectacle,et puis je regarde en coin,Maman que je battrais, le matin avec sa maudite toilette du corps ....pour l'esprit
( Finalement ,la fille s'en sortira.La mère qui n'avait pas quarante ans ,meurt épuisée peu de temps après.)
La neige partout,la neige épaisse,la neige blanche qui étouffe les cris ,les pleurs ,la vie.
Creuser des chemins dans la neige.Soulever des jambes lourdes d'oedèmes dans la neige.Tomber dans la neige .
Qui m'aurait fait croire que je ne pourrais n'avoir ni envie de batailles de boules de neige,ni de bonhomme de neige ?.( Page 120/ 121).
Je sors de la barque avec Rose-Marie et son fils Michel, et de l'autre côté du barbelé, juste là, quatre morts tout nus, allongés par terre, le crâne appuyé contre le mur, attendant leur transfert au four.
Rose-Marie a un drôle de réflexe. Elle attrape Michel et le retourne. Moi, je les regarde, étonnée. Bah, il a trois ans, Michel. Il faut bien qu'il s'habitue.
Mes petites amies,et mes deux intimes, Christine Moreau et Suzanne Benneteau,je vous retrouve,et vous me souriez simplement,sans m'embarrasser de ces absurdes questions.Mais moi,je vous souris mal.Vos histoires de petites filles m'ennuient.Nous ne nous comprenons plus.Nous ne pouvons plus bavarder,car nos bavardages ne coïncident plus.
Lorsque vous perdez un membre de votre famille,votre tristesse me fait hausser les épaules. Allons ,comment peut-on on pleurer un mort!.
Vous me semblez bébés, bèbêtes.Vos jeux ne m'amusent pas,vos plaisanteries me fatiguent, vos rires m'énervent,vos secrets m'exaspèrent.Je n'arrive pas à vous suivre,nos pensées ne vont plus ensemble,parallèles.
Non,je ne suis plus de votre monde ,je suis d'un monde à part,je suis du monde des camps.( Page 201/202).
Ah! Cette étoile, Maman, comme je voudrais pouvoir l'arracher. Je ne veux pas qu'on m'observe comme ça. Je veux m'en aller. Pourquoi de fusils ? Je ne suis pas un animal.
Les troupeaux d'enfants juifs dans les camps ça n'a plus d'âme.
Je voudrais rentrer en toi, Maman.
Je fus une petite fille privilégiée, parce que mon père avait été prisonnier.Et ,aussi curieux que cela paraisse ,c'est ce qui me sauva la vie.(Page 11).
Milles mots contradictoires circulent chaque jour.