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Citations sur L'étrange univers du schizophrène (18)

Dans un asile psychiatrique,
la différence entre un interne et un interné
n'a que l'épaisseur d'un accent aigu.
p 93
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On me demandait de prendre les pilules presque sans y penser. Avaler des drogues était difficile, ne pas y réfléchir, j’en étais incapable. Croire qu’un problème mental se résoudrait sur la simple prise d’un traitement alors même qu’on ne savait quasi rien de la chimie de cette étrangeté ni de celle du remède, semblait invraisemblable.
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Avaler une pilule était systématiquement un moment douloureux. Chaque gramme de drogue que j’ingurgitais remettait en question le fondement de ma pathologie et du traitement même. J’avais du mal à digérer qu’on soignât une anomalie que l’on ne nommait pas, par des poisons dont on ne connaissait pas grand-chose. Je souhaitais secrètement qu’elle eût été assez futée pour me prescrire des placebos.

Le mystère dont [la psychiatre] faisait preuve dans les entretiens rendait cette hypothèse réaliste. Parfois j’arrivais même à me persuader que c’en était, ce qui rendait ma prise acceptable. « C’est juste du sucre, Sophie, ce n’est pas dangereux, et tu n’as rien ! » La thèse du placebo était renforcée par l’inefficacité de ces pilules en termes de guérison. Les effets secondaires, eux, par contre, étaient bien réels. Mais pour me rassurer et conforter mon hypothèse, je me disais qu’ils étaient dus au choc de l’annonce de mon statut de « malade mentale ». La simple évocation d’un diagnostic de dérèglement psychique aurait été si puissante qu’elle aurait pu entraîner chez moi : un dégoût et une injustice abyssale tels, qu’ils auraient déclenché une série de symptômes : aménorrhée, cauchemars, taux de testostérone qui grimpait en flèche, fatigue intense, fringales, douze kilos en trop, tremblements parkinsoniens, problèmes pour uriner, autant de signes palpables d’un dérèglement. Et pourquoi pas ? La force de ce jugement de ce que j’étais par mes semblables, cette position de folle serait plus nocive que la pathologie elle-même. Ou alors était-ce la chimie des médicaments finalement ? J’étais perdue. Je n’étais pas suivie, mais égarée, sûrement. C’était insupportable de penser que les seules manifestations visibles étaient dues aux molécules de synthèse et non à la maladie. Cette pensée ne faisait qu’amplifier mon mal-être, mon sentiment d’injustice, l’idée même que c’était la prise de médicaments qui me rendait malade. Participant largement au fait que certains soirs, je décidais de ne pas les avaler. Chaque prise contribuait aussi à alimenter ma dépression.
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Imaginez que vous dites quelque chose à quelqu’un et qu’il ne vous entend jamais. Quelle serait votre réaction ? Vous allez répéter avec emphase ? Vous allez peut-être devenir agressif ? Vous allez peut-être vous mettre en colère, non ? Vous allez devenir fou comme ils disent ? Imaginez maintenant un patient qui vous chante un air sans arrêt, par exemple : sol, sol, si, si, la, si, sol. Vous, vous l’écoutez, vous y croyez, vous êtes capable de répéter : « Oui, sol, sol, si, si, la, si, sol. » Mais ça ne marche pas, la scène se reproduit indéfiniment, il ne guérit pas, vous ne comprenez pas pourquoi. Pourtant, vous êtes persuadés que vous avez bien écouté et vous l’avez reproduit. La vérité, c’est que vous ne l’avez pas entendu, durant tous ces entretiens, non, vous êtes passés à côté. Ce qu’il vous fredonnait, ce n’était pas simplement « Sol, sol, si, si, la, si, sol » mais c’était "À la claire fontaine" qu’il voulait vous transmettre. Vous voyez, c’est ça qui rend fou. Vous voyez ? Vous y avez pensé à ça ? Et si l’apparition des manifestations psychotiques était liée à cette dénégation des messages du fou ? Comme si vous étiez incapables de comprendre ce que le mal a dit ! C’est cette approche qui manque aux psys, ils sont trop rationnels, cartésiens. Ils n’entendent pas la musique qu’ils prennent pour des symptômes et veulent juste couper le son.
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Les fous avaient la faculté de voir juste, ils débusquaient l'injustice partout ou elle se cachait, les aberrations de notre société leur paraissaient parfois tellement gigantesques qu'ils avaient du mal à comprendre comment les "normaux" s'y conformaient sans aucune sorte de rébellion.
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" De toute façon, je ne comprenais pas pourquoi j'étais suivie par cette psychiatre. Rien que le terme " être suivie" me faisait peur. C'est flippant d'être suivie ! J'étais suivie et pourtant, dans mon rétroviseur, jamais je ne l'avais remarqué. C'était un suivi des plus discrets. Parfois, j'y croyais : un véhicule derrière moi, un passant qui empruntait la même route, me faisaient croire, que oui, j'étais suivie. Je me perdais pour essayer de les semer, et constatais au final qu'ils n'étaient pas après moi. "



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Nous n'étions plus capables,
hypnotisés par ce que la masse voulait faire de nous
des êtres incapables de conscience.
page 150.
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Les fous avaient la faculté de voir juste, ils débusquaient l'injustice partout ou elle se cachait, les aberrations de notre société leur paraissaient parfois tellement gigantesques qu'ils avaient du mal à comprendre comment les "normaux" s'y conformaient sans aucune sorte de rébellion.
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D’elle ou de sa maladie, je ne misai pas sur elle. Je ne dis rien de mes points de vue pessimistes. J’avais déjà mentionné que ses comprimés seraient à prendre à long terme, probablement à vie, et qu’il serait dangereuxde les interrompre ou de les supprimer.
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Je le savais, il y avait de bonnes chances que ses symptômes délirants dérivent en schizophrénie. De leur persistance et de leur chronicité dépendrait l’établissement du pronostic. Les bases du syndrome étaient là : hallucinations, délires. Le choc qu’engendrait l’annonce de la prise en charge psychiatrique et la puissance destructrice des pilules auraient vraisemblablement raison de la force de guérison de Sophie.
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