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EAN : 978B085CL9PY4
Inculte éditions (11/03/2020)
3.42/5   12 notes
Résumé :
Une île au bord de l’Atlantique. Ses plages rongées par l’érosion, ses blockhaus, vestiges enlisés du Mur de l’Atlantique, et une vague plus haute que les autres qui menace de bientôt tout emporter. Une géologue revenue sur les terres de son enfance tente de faire comprendre aux habitants qu’il faut abandonner le rivage, trop dangereux, reculer habitations et commerces avant qu’il ne soit trop tard. Mais sur l’île, qui ne vit que grâce au tourisme, son projet ne pla... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Fable minérale ? Conte écolo ? Prose ensablée ? Manifeste féministe à peine voilé ? « Nos corps érodés », est tout cela. Il faut se mouiller, farfouiller parmi les phrases, attendre que Valérie Cibot interrompe ses digressions marines pour y dénicher des trésors de poésie, des passages intéressants (comme celui des maudits blockhaus p65-67). Mais à vouloir crier l'océan, hurler sa haine de l'homme irresponsable, Valérie Cibot enlise le lecteur. L'attention s'érode, l'empathie s'éloigne. Oui, Valérie, nous comprenons votre révolte : les falaises qui s'affaissent, les marées toujours plus vives, l'aveuglement suicidaire devant la menace. Oui, vous avez raison, pour les rivages comme pour les glaciers, la science approuve la nature mais l'homme, désormais réfractaire à la raison, préfère l'ignorer avec pour seul prétexte son égoïsme. Malheureusement vos déferlantes ont fini par me repousser, à défaut de me fasciner. À trop produire d'écume, on ne voit plus l'horizon. Au fil du récit, votre verve sert une longue hallucination qui m'a perdue autant qu'elle m'a frustrée, parce que votre style est prometteur; vous êtes une auteure à suivre.
Votre obsession à faire corps avec les éléments naturels (ex : p31, p52) fait une victime : l'humanité. On la retrouve enfin quand la vague est passée, qu'elle a effacé les dernières présomptions. Alors des hommes et des femmes soudain surgissent, plus vivants que les silhouettes informes qui hantaient jusque-là vos marées basses. Leurs histoires sont touchantes, mais il est trop tard, le livre est terminé.
Bilan : 🌹🔪
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Bon le début était prometteur, mais la descente vers la fin fut bizarre.
Je n'ai guère aimé l'environnement du bord de mer, le sujet aurait pu me captiver mais le reste à fait que je n'ai pas adhéré au roman. Ni le style, ni la construction ne m'ont plu. Un style particulier. Un avis parlait de poésie, heummm je ne l'ai point trouvée, et pourtant je suis très sensible à la poésie. Certes quelles petites touches mais bien palotes. Pas de quoi en faire un foin.
C'est bien dommage, car j'en espérai plus, sans le pourquoi du comment de ma déception. Je n'ai pas lu son premier roman, et bien je pense que je ne le lirai pas. Dans une lecture, pour ma part, c'est l'écriture qui l'emporte sur l'histoire, là l'écriture est étrange, comme si on avait pris un sac avec des mots, des bouts de phrase et qu'on l'aurait fait voler sur des pages, retombant par ci par là. Bref, on pourrait dire original mais pas convainquant pour ma part. Histoire de goût sans doute. Et je vous parle pas des passages dont je n'ai pas compris la teneur vis à vis du sujet.
Allons passons à autre chose.

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Il était une fois une île entourée d'un océan dont les vagues impitoyables rongent toujours plus les plages et les falaises. Cependant, le travail patient de la nature ne fait que conclure les ravages causés par la main de l'homme. Et quand une femme vient dire qu'il faut évacuer le rivage, reculer le front de mer pour éviter que tout sombre, personne ne l'écoute. Personne ne veut l'entendre. Parce que des intérêts économiques supplantent les exigences écologiques. « Il faut accepter de reculer, tout simplement, avant qu'une vague ne vienne et n'emporte tout, une vague qui serait l'autre nom de la tempête. » (p. 17) Face aux îliens, la géologue est seule. Et soudain, la vague, ce pourrait être elle, si personne ne fait rien pour la stopper.

Voilà un très court roman, fort beau, sous-tendu de symbolique, souvent étrange et laconique, avec une chute déconcertante, presque abrupte. J'avoue sans honte ne pas avoir tout compris des motivations des personnages. J'ai lu le texte sans déplaisir, fascinée par les descriptions marines, mais j'en ressors comme on émerge d'un cauchemar, interloquée et soulagée. Chose certaine, ce roman me marquera pour longtemps.
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Tout un vocabulaire de la Terre, du roc, du sable et de la mer, des microcosmes écologiques, du mouvement de la vie, de l'inexorable, du geste, de l'humain, salement humain. le récit commence comme un pamphlet alarmiste, comme une présentation d'une île qui a connu la guerre et qui connaîtra la destruction. Puis un coup dans la nuque, un éclat d'une violence extrême, et le corps et l'âme qui s'engourdissent, et tout devient métaphore, danse, chant, cri, pensée, vent, vague, vague à l'âme, instabilité, flou.

Valérie Cibot écrit comme un ermite, bulot accroché à son rocher, qui lèche le sel sur la pierre et se satisfait du roulis de l'eau, qui s'enfoncerait dans la vase plutôt qu'avoir à faire aux humains, aux hommes surtout. L'humanité dans son livre est sombre, vieillissante, grinçante, redoutable, tranchante, irascible, dégueulasse, conservatrice, immuable - on voudrait s'en débarrasser pour laisser l'île respirer : ce n'est pas la Terre qui doit disparaître mais ceux qui la détruisent, qui détruisent le sol à même leurs pieds, scient la branche sur laquelle ils bâtissent leur vie.

Le livre est tantôt d'une dureté âpre, cassante comme deux silex qui s'entrechoquent, tantôt d'une poésie douce, contemplative, mélodique et rêveuse. Les mains des hommes qui brisent, les pétales de fleurs qui enflamment le ciel. Moitié politique moitié plus rien à foutre. Une ode qui fait mal, qui ouvre le ventre comme un poisson à qui l'on enlève les arrêtes, une chanson amère au beurre salé, qui vous rappelle à l'ordre, vous remet à votre place, une transe hallucinatoire, qui vous confond avec le paysage.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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"Nos corps érodés", c'est l'histoire de Mona, géologue, et d'une île, son île, un territoire vibrant vacillant qui subit les perturbations climatiques et les effets du tourisme de masse.
L'île est menacée, une ultime vague pourrait déferler et emporter avec elle l'équilibre, la stabilité de toute une communauté. Mona prévient, alerte, et doit faire face au déni de chacun face à l'inéluctable.
Le récit qui passe du « je » au « elle » traduit le basculement de Mona devenue poreuse aux éléments, aux matières, aux sensations à l'image de l'île livrée à l'érosion. Et c'est dans la langue, magnifique et poétique, mouvante et organique de Valerie Cibot que l'on ressent au plus près l'instabilité, les vacillements des lieux qui agissent ceux qui les habitent.
Une fable troublante et forte dans sa résonance actuelle. Et une très forte envie de lire le premier roman de Valérie Cibot !
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
M. Karpman était enfant, pourtant il se souvient forcément des hommes qui allaient s’y embaucher parce que ça payait bien. Des millions de mètres cubes de sable, de gravier, de ciment, des pelleteuses, des grues. Sur la plage, l’administration française a pour mission d’exproprier les cabanes des ostréiculteurs. Une première fois la zone est devenue interdite d’accès. Les barbelés, les champs de mines autour, les forêts abattues pour faire passer les engins et les matériaux acheminés d’Allemagne, mais pas que. Ensuite, la construction : le terrassement des fondations, le déblaiement, l’installation de la treille métallique, les fers pour armer le béton. Une technique nouvelle à l’époque. Des entreprises de pointe. Après le ferraillage, le coffrage en bois pour décider de sa forme. Les éléments standardisés adaptés au relief. Le coulage, d’un seul tenant, avec des bétonnières installées en batterie, qui malaxent sans interruption. Le camouflage, enfin : stries tracées, ondulations dans le béton, herbe et terre, façades de pierres, taches de peinture. Plusieurs semaines de travail pour qu’ils se fondent dans le paysage.
Au début, les hommes étaient réticents alors les nazis ont envoyé des prisonniers et même quelques Juifs rescapés des pogroms de l’Est. Cela n’a pas duré. La somme d’argent quasi infinie du Troisième Reich, la France libérée par la force de l’économie française… Au lieu des ruines promises par les alliés, l’intégration au sein d’une économie européenne mobilisée autour de l’effort de guerre allemand. Des affiches de propagande partout. Le travail pour tous. Échapper au STO en Allemagne. Comment tout a basculé quand les hommes se sont dit qu’il valait mieux toucher cet argent que de le laisser aux Juifs et aux étrangers. Les blockhaus ne sont pas les poux hérités des nazis ; ils sont le signe de notre soumission à nous, les gens de l’île.
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Si l’on veut sauver notre terre, il faut retrouver un paysage immobile. Je le répétais à tous ceux que je croisais, au début. Aux pêcheurs, aux promeneurs, aux promoteurs aussi, qui venaient en mairie quémander des terrains constructibles. J’essayais d’infléchir le sens des politiques publiques, de parler aux émotions ou au porte-monnaie, c’était selon. Je parlais, je parlais sans cesse de ce que je croyais être bon pour cette terre, bon pour nous qui y vivions : ne plus toucher aux dunes, arrêter digues, enrochements, renforts en béton cloués aux falaises, blocs calcaires en sabots, épis qui piègent le sable d’un côté et dénudent de l’autre. Arrêter – y compris les digues sous-marines en géotextile, y compris les drains à deux mètres de profondeur sous la plage, y compris les bateaux porteurs de minerais extraits de bassins de décantation et étalés au bulldozer. Ne plus lutter. L’eau gagne toujours. L’océan est un peu plus proche chaque année. Oublier tout ce jargon administratif aussi : gestion du trait de côte / plan de prévention des risques du littoral / relevés topographiques par drone / zones à risque de submersion marine / Bureau de recherches géologiques et minières. Retrouver des gestes simples. Ancestraux.
On pourrait commencer par planter. Dès que quelqu’un passait la porte de mon bureau, je me lançais dans des tirades enflammées pour qu’il comprenne l’enjeu. À la place des dunes à blanc, mobiles comme au Sahara, soumises aux caprices des éléments, rematelasser. Revenir aux premiers gestes : dans les zones effondrées une couverture de genêts et de touffes d’armoise, plus loin des brise-vent en filet coco de cinquante centimètres de haut. Atténuer le vent pour que les graines germent. Piéger le sable. L’entraîner dans des turbulences afin qu’il se dépose derrière les palissades. Provoquer la levée des semis. Immortelle du désert. Armoise de Lloyd. Soude brûlée. Bugrane épineuse. Gaillet des sables. Euphorbe. Linéaire à feuilles de thym. Chardon bleu des dunes. Recréer un cordon dunaire, redonner de la stabilité au paysage et aux hommes.
Mais en vérité, même si l’on plante, il sera trop tard. Et même si l’homme, enfin, stoppe l’extraction, ce ne sera pas suffisant. Les végétaux pousseront, tiendront le sable à nouveau, rendront les dunes résistantes au vent, aux glissements de terrain et aux coulées de boue, mais l’océan est déjà venu trop loin. Il faudrait tout reconstruire, grain après grain, combler les effondrements, ériger les rochers, planter et se défendre, ne plus laisser les promoteurs ou les politiques décider.
Si nous ne réagissons pas, ce qui nous attend c’est l’exil. Bientôt le niveau de l’eau atteindra la zone urbanisée et les constructions s’effondreront sous les assauts venus du large. Pêcheurs et retraités deviendront les premiers réfugiés climatiques de ce continent.
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Ceux qui vivent sur l’île ont vu le sable leur passer entre les doigts et ils ne l’ont pas retenu. Pendant des millénaires le ciel avait été blanc, les grains tenaient à la dune, du bleu en larges aplats se déposait au-dessus des rangées de pins et des falaises calcaires. Personne ne se méfiait. Ensuite les blockhaus ont été construits et tout a été modifié. Depuis soixante-quinze ans qu’ils ont pris place dans le paysage, le monde autour d’eux s’effrite, grain à grain, et ceux qui vivent sur ce bout de terre regardent ailleurs.
Plus tard, un ciel mauve va recouvrir l’île. Un ciel d’aube et de crépuscule, de pétales de rose et de bruyère, un ciel de nacre et de taffetas pourpre. Un ciel qui ne ressemble à rien. Qui n’annonce rien. La seule certitude, c’est qu’il vient après l’érosion, quand il ne reste plus que des miettes de croûte terrestre, que tout a été rongé.
Mais quelques jours avant que le ciel ne devienne mauve, autour de l’un des blockhaus le sable s’est écroulé. Personne n’a réagi. Maintenant le blockhaus penche sur la dune, l’eau monte, à l’intérieur ne restent que des corps nus qui flottent. Nos corps. Qu’importent les os, qu’importe la chair. Nous flottons dans la soute à munitions. Lymphe et sang. Larmes et sel. Et le béton bouge en nous.
En réalité, ce qui a eu lieu ici marque à la fois le crépuscule et l’aube. La clarté est venue de l’onde. Disons qu’une vague a tout emporté et que cette histoire-là, c’est celle de la vague.
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Ceux qui vivent sur l'île ont vu le sable leur passer entre les doigts et ils ne l'ont pas retenu. Pendant des millénaires le ciel avait été blanc, les grains tenaient à la dune, du bleu en larges aplats se déposait au-dessus des rangées de pins et des falaises calcaires. Personne ne se méfiait. Ensuite les blockhaus ont été construits et tout a été modifié. Depuis soixante-quinze ans qu'ils ont pris place dans le paysage, le monde autour d'eux s'effrite, grain à grain, et ceux qui vivent sur ce bout de terre regardent ailleurs. Plus tard, un ciel mauve va recouvrir l'île. Un ciel d'aube et de crépuscule, de pétales de rose et de bruyère, un ciel de nacre et de taffetas pourpre. Un ciel qui ne ressemble à rien. Qui n'annonce rien. La seule certitude, c'est qu'il vient après l'érosion, quand il ne reste plus que des miettes de croûte terrestre, que tout a été rongé.
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Les terrains disponibles ne manquaient pas, mais faire venir les matériaux coûtait cher, très cher. Prendre le sable de l'île coulait de source. Les élus ont autorisé la construction de carrière le long du bras de mer pour extraire les granulats, les lourdes tractopelles ont raclé jusqu'au dernier grain tandis que la dune se déplaçait au gré des barrages, sans cesse repoussée, malmenée, jusqu'à ce que le sable vienne à manquer. Les plages du côté ouest de l'île, les plus exposées au marnage, se sont trouées. Le sol s'est affaissé. La dune a reculé avant de pencher vers l'avant. Des cuvettes se sont creusées dans la vase à marée basse sans que jamais ensuite l'eau ne revienne les combler.
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