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Citations sur Nos corps érodés (15)

« Il faut accepter de reculer, tout simplement, avant qu’une vague ne vienne et n’emporte tout, une vague qui serait l’autre nom de la tempête. » (p. 17)
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M. Karpman était enfant, pourtant il se souvient forcément des hommes qui allaient s’y embaucher parce que ça payait bien. Des millions de mètres cubes de sable, de gravier, de ciment, des pelleteuses, des grues. Sur la plage, l’administration française a pour mission d’exproprier les cabanes des ostréiculteurs. Une première fois la zone est devenue interdite d’accès. Les barbelés, les champs de mines autour, les forêts abattues pour faire passer les engins et les matériaux acheminés d’Allemagne, mais pas que. Ensuite, la construction : le terrassement des fondations, le déblaiement, l’installation de la treille métallique, les fers pour armer le béton. Une technique nouvelle à l’époque. Des entreprises de pointe. Après le ferraillage, le coffrage en bois pour décider de sa forme. Les éléments standardisés adaptés au relief. Le coulage, d’un seul tenant, avec des bétonnières installées en batterie, qui malaxent sans interruption. Le camouflage, enfin : stries tracées, ondulations dans le béton, herbe et terre, façades de pierres, taches de peinture. Plusieurs semaines de travail pour qu’ils se fondent dans le paysage.
Au début, les hommes étaient réticents alors les nazis ont envoyé des prisonniers et même quelques Juifs rescapés des pogroms de l’Est. Cela n’a pas duré. La somme d’argent quasi infinie du Troisième Reich, la France libérée par la force de l’économie française… Au lieu des ruines promises par les alliés, l’intégration au sein d’une économie européenne mobilisée autour de l’effort de guerre allemand. Des affiches de propagande partout. Le travail pour tous. Échapper au STO en Allemagne. Comment tout a basculé quand les hommes se sont dit qu’il valait mieux toucher cet argent que de le laisser aux Juifs et aux étrangers. Les blockhaus ne sont pas les poux hérités des nazis ; ils sont le signe de notre soumission à nous, les gens de l’île.
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Je m'installe en terrasse et je commande un thé pour nourrir mes larmes. Avoir une tasse à serrer, une chaleur qui se propage.
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Hors saison l'océan ventile l'ennui et la plage, sa marginalité de bout du monde attire les effondrés, les troués, ceux que la lente désagrégation des lieux n’effraie pas. Les troués. Les effondrés. Leurs voix.
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Pendant le laps de temps qu'il leur a été accordé sur cette terre, les êtres des marais ont choisi la fragilité. Tant pis si on les écrase, ils auront vécu une forme pure, un intervalle de perfection.
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Bientôt les déferlantes, l’assaut, la plateforme inondée, les couloirs jonchés d’algues, les murs asphyxiés. À l’intérieur : le silence en couche épaisse, la poussière partout. Déposée là comme une cendre, tenace et vaporeuse, sur le crépi étanche. Trois pièces. Déchets, graffitis, cadavre d’un rat.


Un instantané de ce moment. Ces quelques débris de temps qui ont précédé la fin.
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Le blockhaus bouge, dehors l’océan arrive, lèche les coquilles, plus intense à chaque aspiration. Son roulis s’installe. La poussière fossilisée s’abat sur nos fronts. Brisant la croûte, explosant les mottes, lissant les pierres. L’océan pèse. Il est trop tard. L’inclinaison s’est modifiée. La coupole pointe vers la vase. La dune s’effondre, le blockhaus avec.
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Devenir lichen, algue, cormoran, krill, vent, sable, sel, océan, dune, coquillage, blockhaus. Se laisser diluer. Ne plus s'appartenir.
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Les terrains disponibles ne manquaient pas, mais faire venir les matériaux coûtait cher, très cher. Prendre le sable de l'île coulait de source. Les élus ont autorisé la construction de carrière le long du bras de mer pour extraire les granulats, les lourdes tractopelles ont raclé jusqu'au dernier grain tandis que la dune se déplaçait au gré des barrages, sans cesse repoussée, malmenée, jusqu'à ce que le sable vienne à manquer. Les plages du côté ouest de l'île, les plus exposées au marnage, se sont trouées. Le sol s'est affaissé. La dune a reculé avant de pencher vers l'avant. Des cuvettes se sont creusées dans la vase à marée basse sans que jamais ensuite l'eau ne revienne les combler.
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Sous le cartilage, là où les articulations de la main et de l'avant-bras se rencontrent, une raideur. Les os changés en roche. La jointure du poignet, son nom sérieux c'est le carpe. J'imagine les ondulations des nageoires, les branchies qui s'ouvrent et se ferment sur les côtés, les gestes aquatiques. L'écume se brise en flocons et me recouvre tout entière. Envie de sombrer comme un brise-lames, la tête la première.
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