Suite de témoignages d'intervenants de la Cimade, écrits dans des styles divers, du plus retenu à une imitation pas très maîtrisée du langage parlé, expliquant leur métier, car c'en est bien un et qui demande ténacité, désir chevillé d'enrayer un système ubuesque et inhumain, connaissances juridiques pour faire respecter la loi extrêmement évolutive et tirer parti des négligences, dédains trop nets de la légalité, commis par l'administration.., attention parfois à des êtres pour lesquels la sympathie n'est pas aisée, ou pas possible, souplesse, empathie réfrénée pour tenir le coup et être efficace, et capacité de résister aux doutes quand ils prennent conscience de passer parfois aux yeux des retenus, au premier contact pour un rouage de la machine absurde qui les broient, et de ce qu'il y a de juste là-dedans, qu'annule la bouffée de plaisir quand une libération est obtenue.
Pour que nous ayons conscience de ce qui se fait en notre nom... impression oppressante venant de ces quatre vingt dix récits ou réflexions (si j'ai bien compté).
Commenter  J’apprécie         30
Datant de 2010, cet ouvrage nous rappelle que les idées que professent certains populistes auxquels il conviendrait de faire barrage, sont déjà mises en pratique depuis de nombreuses années dans notre pays : racisme d'état, politique du chiffre, déshumanisation… En recueillant les témoignages de militants de la CIMADE, ce livre nous plonge dans l'univers à la fois absurde et abjecte des centres de rétention. Rétention qui, contrairement à la détention, concerne principalement des personnes à qui il n'est reproché aucun crime ou délit – si ce n'est de ne pas avoir les bons papiers. Je ne peux que tirer mon chapeau à toutes celles et ceux qui sont ainsi engagés à leur côté. Il ne faut pas manquer de courage, ni d'abnégation pour continuer à combattre ainsi de l'intérieur la machine d'une administration inique. J'ajoute que même sur la forme, nombre de ces récits sont fort bien écrits et agréables à lire, malgré leur sujet.
Commenter  J’apprécie         00
Ceux qui ont été traducteurs officiels de la préfecture au tribunal et qui se retrouvent devant le même tribunal pour leur propre expulsion.
Ceux qui n'ont personne à appeler pour prévenir qu'ils sont enfermés. Ceux qui ont marché des milliers de kilomètres et qui sont en France depuis à peine quelques jours. Il y a des ingénieurs, des vendeurs de pneus,. Des ouvriers, des sociologues, des fils de président. Des Circassiens. Il y a ceux qui sont en danger, en tristesse ou en colère. Ceux qui sont en perplexité. Ceux qui trouvent qu'on ne fait rien pour eux...
Sous la pression de la Cour européenne des droits de l'homme, de nombreux États européens ont officiellement suspendus la reconduite des Tamouls au Sri Lanka. En 2007, la CEDH a demandé à la France de suspendre ces reconduites. Paris n'en a pas tenu compte. Invariablement, les préfectures placent en rétention les Tamouls qui sont déboutés de l'asile, et les juges confirment leur maintien en rétention. Ils sont présentés à leur consulat qui délivre immédiatement un laissez-passer. Nous saisissons alors la CEDH qui prononce la suspension de la reconduite pour risque de traitement inhumain et dégradant.
À ce même moment, à Rouen, la Cimade reçoit une dame originaire de Guinée, arrêtée par la police à l'aéroport, alors qu'elle s'apprêtait à prendre un avion pour rentrer dans son pays d'origine. …. Sans doute que l'on préférait d'abord la priver un peu de liberté, puis l'expulser, pour pouvoir, sur les listes du ministère, inscrire son nom dans la case « expulsés »et, ainsi, grossir le chiffre de fin d'année.
Elle devait avoir des arguments convaincants de droit, puisque le TA (Tribunal Administratif) accordera une suite favorable à sa requête et annulera l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris trois jours plus tôt. Mais c'était trop tard. La préfecture l'avait déjà reconduite en Bulgarie, en violation incontestable, une fois de plus, d'une disposition légale.
Mais ils ne sont pas fous. Ils savent qu'il s'agit là de traitements inacceptables, ils savent que la mission qui leur est confiée est d'une incongruité flagrante, et plus ils savent, plus ils gonflent des ballons, plus ils font sauter des enfants sur leurs genoux, plus ils distribuent des bonbons, plus ils se pâment devant les jolis minois enfermés tout en regrettant – dans le verbe du moins – qu'il en soit ainsi.