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EAN : 9782070324071
142 pages
Gallimard (03/03/1987)
3.8/5   69 notes
Résumé :
Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure où elle se crée des fictions, les entretient et s'y attache. S'emploie-t-elle à cultiver la lucidité et le sarcasme, à considérer le vrai sans mélange, le réel à l'état pur ? Elle se désagrège, elle s'effondre. D'où pour elle ce besoin métaphysique de fraude, cette nécessité de concevoir, d'inventer, à l'intérieur du temps, une duré... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Histoire et utopie ne décevra pas les amateurs de Cioran. Pessimiste, désabusement, mise en lumière de la laideur humaine, plus proche de la vérité que tous les bons sentiments, l'empathie, le pardon, la quête d'un âge d'or et d'une société idéale qui ne sont que les revers naïfs d'une médaille noire, rarement grise foncée... j'ai trouvé certaines de ses analyses d'une lucidité froide et d'un modernisme historique étonnant...je me suis noté de le relire pour approfondir certains passages.
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Cioran n'aime pas du tout les utopies, qu'il considère comme stupides : la nature humaine étant ce qu'elle est, la société ne peut guère être autrement.
Le pessimisme de Cioran n'est manifestement pas surfait. Rien n'est sûr, grosso modo, à part la mort et le vice.
La principale caractéristique des utopies est de créer des êtres-marionnettes, incapables de la moindre réflexion et dépourvus du plus petit trait psychologique.
Cependant, le scepticisme de Cioran n'est pas intégral ; il accorde tout de même un léger avantage à la société capitaliste.
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Alors que dans "La chute dans le temps", Cioran se recentrait sur l'individu, il se place ici au niveau du collectif, du temps historique. Pour cet ouvrage aussi, il s'agit de plusieurs feuillets rassemblés par l'éditeur, ce qui donne une succession de plusieurs textes centrés sur des thèmes particuliers. On commence par une comparaison entre la société capitaliste et communiste sous la forme d'une lettre adressée à un ami roumain pour en arriver à des réflexions sur le pouvoir et la marche de l'Histoire. L'Histoire, qui d'ailleurs, ne mène à rien et n'a aucun sens, selon Cioran. Pour résumer très grossièrement, c'est toujours le plus fort de la meute qui prend le pouvoir.
On retrouve toute la misanthropie de Cioran dans un style toujours très lyrique, mais précis. Cependant, j'ai eu parfois bien du mal à comprendre où il voulait en venir. Ses idées sont tellement contraires à la pensée dominante, qu'on reste souvent bouche bée, les yeux écarquillés devant ses assertions. C'est d'ailleurs ce qui me plait dans ses livres. Il n'hésite pas à dénigrer l'homme, l'humanité et lui-même, mais son nihilisme est parfois déroutant, presqu'inquiétant. Attention à ne pas se laisser submerger !
Pour amateurs éclairés.
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Publiés pour la première fois en 1960 par Gallimard, les six chapitres qui constituent "Histoire et utopie" sont à la fois un tour d'horizon des tyrannies, des démocraties, des utopies et des religions, une manière de nouveau "Le Prince" - en écho à celui de Machiavel- et enfin une vision implacable de l'individu social et de tous ses défauts. Court, bien écrit et pertinent cet ouvrage donne à penser et à réfléchir. Juste un bémol concernant l'évocation de l'URSS et de ses satellites qui est forcément datée, à l'inverse des considérations sur l'âme slave et sur les tyrans de l'Est.
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Machiavel revu à l'aune de la psychologie individuelle des tyrans et collective des peuples dont l'acceptation docile de l'asservissement conduit au ravissement. Avec une analyse de la "cosmogonie" russe qui nous donne des clefs pour appréhender l'actualité
Un essai dérangeant qui déconstruit l'espérance en la démocratie, dévaste nos utopies, écharpe nos idéaux et nous abandonne au pessimisme structurel de Cioran.

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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Chaque civilisation croit que son mode de vie est le seul bon et le seul concevable, qu'elle doit y convertir le monde ou le lui infliger. On ne fonde pas un empire seulement par caprice. On assujettit les autres pour qu'ils vous imitent, pour qu'ils se modèlent sur vous, sur vos croyances et vos habitudes ; vient ensuite l'impératif pervers d'en faire des esclaves pour contempler en eux l'ébauche flatteuse ou caricaturale de soi-même.
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Nous n'agissons que sous la fascination de l'impossible ; autant dire qu'une société incapable d'enfanter une utopie et de s'y vouer est menacée de sclérose et de ruine.
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p.119.

Aujourd’hui, réconciliés avec le terrible, nous assistons à une contamination de l’utopie par l’apocalypse : la « nouvelle terre » qu’on nous annonce affecte de plus en plus la figure d’un nouvel enfer. Mais, cet enfer, nous l’attendons, nous nous faisons même un devoir d’en précipiter la venue. Les deux genres, l’utopique et l’apocalyptique, qui nous apparaissaient si dissemblables, s’interpénètrent, déteignent maintenant l’un sur l’autre, pour en former un troisième, merveilleusement apte à refléter la sorte de réalité qui nous menace et à laquelle nous dirons néanmoins oui, un oui correct et sans illusion. Ce sera notre manière d’être irrépprochables devant la fatalité.
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chapitre V : Mécanismes de l’utopie
En quête d’épreuves nouvelles, et au moment même où je désespérais d’en rencontrer, l’idée me vint de me jeter sur la littérature utopique, d’en consulter les « chefs-d’œuvre », de m’en imprégner, de m’y vautrer. À ma grande satisfaction, j’y trouvai de quoi rassasier mon désir de
pénitence, mon appétit de mortification. Passer quelques mois à recenser les rêves d’un avenir meilleur, d’une société « idéale », à consommer de l’illisible, quelle aubaine ! Je me hâte d’ajouter que cette littérature rebutante est riche d'enseignements, et, qu’à la fréquenter, on ne perd pas
tout à fait son temps. On y distingue dès l’abord le rôle (fécond ou funeste, comme on voudra) que joue, dans la genèse des événements, non pas le bonheur, mais l’idée de bonheur, idée qui explique pourquoi, l’âge de fer étant coextensif à l'histoire, chaque époque s’emploie à divaguer sur l’âge
d'or. Qu’on mette un terme à ces divagations : une stagnation totale s’ensuivrait. Nous n’agissons que sous la fascination de l’impossible : autant dire qu’une société incapable d’enfanter une utopie et de s’y vouer est menacée de sclérose et de ruine. La sagesse, que rien ne fascine, recommande le bonheur donné, existant ; l’homme le refuse, et ce refus seul en fait un animal historique, j'entends un amateur de bonheur imaginé.
[...] L’air vous irrite : qu’il change ! Et la pierre aussi. De même le végétal, de même l’homme. Descendre, par-delà les assises de l’être, jusqu’aux fondements du chaos, pour s’en emparer, pour s’y établir ! Quand on n’a pas un sou en poche, on s’agite, on extravague, on rêve de posséder tout,
et ce tout, tant que la frénésie dure, on le possède en effet, on égale Dieu, mais personne ne s’en aperçoit, même pas Dieu, même pas soi. Le délire des indigents est générateur d’événements,
source d’histoire : une foule de fiévreux qui veulent un autre monde, ici-bas et sur l’heure. Ce sont eux qui inspirent les utopies, c'est pour eux qu’on les écrit. Mais utopie, rappelons-le, signifie nulle part.
Et d’où seraient-elles ces cités que le mal n’effleure pas, où l’on bénit le travail et où personne ne craint la mort ? On y est astreint à un bonheur fait d’idylles géométriques, d’extases réglementées, de mille merveilles écœurantes, telles qu’en présente nécessairement le spectacle d’un monde parfait, d’un monde fabriqué. [...]
La chose qui frappe le plus dans les récits utopiques, c'est l’absence de flair, d’instinct psychologique. Les personnages en sont des automates, des fictions ou des symboles : aucun n’est vrai, aucun ne dépasse sa condition de fantoche, d’idée perdue au milieu d’un univers sans repères.
[...] Pour mieux saisir sa déchéance ou celle d’autrui, il faut passer par le mal et, au besoin, s’y enfoncer : comment y arriver dans ces cités et ces îles d’où il est exclu par principe et par raison d’État ? Les ténèbres y sont interdites ; la lumière seule y est admise. Nulle trace de dualisme :
l’utopie est d’essence antimanichéenne. Hostile à l’anomalie, au difforme, à l’irrégulier, elle tend à l’affermissement de l’homogène, du type, de la répétition et de l’orthodoxie. Mais la vie est rupture, hérésie, dérogation aux normes de la matière. Et l’homme, par rapport à la vie, est hérésie au second degré, victoire de l’individuel, du caprice, apparition aberrante, animal schismatique que la société – somme de monstres endormis – vise à ramener dans le droit chemin. [...]
Rien ne dévoile mieux le sens physique de la nostalgie que l’impossibilité où elle est de coïncider avec quelque moment du temps que ce soit ; aussi cherche-t-elle consolation dans un passé reculé, immémorial, réfractaire aux siècles et comme antérieur au devenir. [...] Tout à l’opposé, celle dont procède le paradis d’ici-bas sera démunie de la dimension du regret
précisément : nostalgie renversée, faussée et viciée, tendue vers le futur, obnubilée par le « progrès», réplique temporelle, métamorphose grimaçante du paradis originel. Contagion ? automatisme ? cette métamorphose a fini par s’opérer en chacun de nous. De gré ou de force, nous misons sur l’avenir, en faisons une panacée, et, l’assimilant au surgissement d’un tout autre temps à l’intérieur du temps même, le considérons comme une durée inépuisable et pourtant achevée, comme une histoire intemporelle. Contradiction dans les termes, inhérente à l'espoir d'un règne nouveau, d'une victoire de l'insoluble au sein du devenir. Nos rêves d’un monde meilleur se fondent sur une impossibilité théorique. Quoi d’étonnant qu’il faille, pour les justifier, recourir à des paradoxes
solides ? [...]
Échafauder une société où, selon une étiquette terrifiante, nos actes sont catalogués et réglés, où, par une charité poussée jusqu'à l’indécence, l’on se penche sur nos arrière-pensées ellesmêmes, c’est transporter les affres de l’enfer dans l’âge d'or, ou créer, avec le concours du diable, une institution philanthropique. Solariens, Utopiens, Harmoniens1 – leurs noms affreux ressemblent à leur sort, cauchemar qui nous est promis à nous aussi, puisque nous l’avons nous-mêmes érigé en idéal.
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p.59.

Ce qu’ils souhaitent en secret c’est notre affaissement, notre humiliation et notre ruine. Assimilant notre réussite à une usurpation, ils réservent toute leur clairvoyance à l’examen de nos pensées et de nos gestes pour en publier le vide, et ne deviennent cléments que lorsque nous commençons à descendre la pente. Si vif est leur empressement au spectacle de notre dégringolade, qu’ils nous aiment alors tout de bon, s’attendrissent sur nos misères, fuient les leurs pour partager les nôtres et s’en repaître. Pendant notre élévation, ils nous scrutaient sans pitié, ils étaient objectifs ; maintenant, ils peuvent se permettre l’élégance de nous voir autres que nous ne sommes et de nous pardonner nos anciens succès, persuadés qu’ils sont que nous nous n’en aurons pas de nouveaux. Et telle est leur faiblesse pour nous qu’ils dépensent le plus clair de leur temps à se pencher sur nos difformités et à s’extasier sur nos carences.
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Videos de Emil Cioran (34) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emil Cioran
CHAPITRES : 0:00 - Titre
C : 0:06 - CRÉATION - Paul Bourget 0:17 - CRÉATION DE L'HOMME - Jean Dutourd 0:28 - CROIRE - Comte de Las Cases
D : 0:38 - DÉBAUCHE - Restif de la Bretonne 0:51 - DÉCEPTION - Fréron 1:04 - DÉLUGE - Jean-François Ducis 1:15 - DÉMOCRATE - Georges Clemenceau 1:26 - DERRIÈRE - Montaigne 1:36 - DOCTRINE - Édouard Herriot 1:46 - DOULEUR - Honoré de Balzac 1:58 - DOUTE - Henri Poincaré
E : 2:11 - ÉCHAFAUD - Émile Pontich 2:23 - ÉCOUTER - Rohan-Chabot 2:33 - ÉGALITÉ - Ernest Jaubert 2:43 - ÉGOCENTRISME - René Bruyez 3:00 - ÉGOÏSME - Comte d'Houdetot 3:10 - ÉLECTION - Yves Mirande 3:21 - ENFANT - Remy de Gourmont 3:33 - ENNUI - Emil Cioran 3:41 - ENSEIGNER - Jacques Cazotte 3:53 - ENTENTE - Gilbert Cesbron 4:05 - ENTERREMENT - Jean-Jacques Rousseau 4:14 - ÉPOUSE - André Maurois 4:37 - ÉPOUSER UNE FEMME - Maurice Blondel 4:48 - ESPOIR - Paul Valéry 4:57 - ESPRIT - Vicomte de Freissinet de Valady 5:07 - EXPÉRIENCE - Barbey d'Aurevilly
F : 5:18 - FATALITÉ - Anne-Marie Swetchine 5:27 - FIDÉLITÉ - Rivarol
5:41 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Paul Bourget : https://en.wikipedia.org/wiki/Paul_Bourget#/media/File:Paul_Bourget_7.jpg Jean Dutourd : https://www.purepeople.com/media/jean-dutourd-est-mort-a-l-age-de-91_m544292 Comte de Las Cases : https://www.babelio.com/auteur/Emmanuel-de-Las-Cases/169833 Restif de la Bretonne : https://fr.wikiquote.org/wiki/Nicolas_Edme_Restif_de_La_Bretonne#/media/Fichier:NicolasRestifdeLaBretonne.jpg Fréron : https://www.musicologie.org/Biographies/f/freron_elie_catherine.html Jean-François Ducis : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-François_Ducis#/media/Fichier:Jean-François_Ducis_par_le_baron_Gérard.jpg Georges Clemenceau : https://www.lareorthe.fr/Georges-Clemenceau_a58.html Montaigne : https://www.walmart.ca/fr/ip/Michel-Eyquem-De-Montaigne-N-1533-1592-French-Essayist-And-Courtier-Line-Engraving-After-A-Painting-By-An-Unknown-16Th-Century-Artist-Poster-Print-18/1T9RWV8P5A9D Édouard Herriot : https://www.babelio.com/auteur/Edouard-Herriot/78775 Honoré de Balzac : https://www.hachettebnf.fr/sites/default/files/images/intervenants/000000000042_L_Honor%25E9_de_Balzac___%255Bphotographie_%255B...%255DAtelier_Nadar_btv1b53118945v.JPEG Henri Poincaré : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/be/Henri_Poincaré_-_Dernières_pensées%2C_1920_%28page_16_crop%29.jpg René Bruyez : https://aaslan.com/english/gallery/sculpture/Bruyez.html Yves Mirande : https://www.abebooks.com/photographs/Yves-MIRANDE-auteur-superviseur-film-CHANCE/31267933297/bd#&gid=1&pid=1 Remy de Gourmont : https://www.editionsdelherne.com/publication/cahier-gourmont/ Emil Cioran : https://www.penguin.com.au/books/the-trouble-with
+ Lire la suite
>Sciences sociales>Science politique>Types d'Etats et de gouvernements (94)
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