La Coquetière

Trop accaparée par les travaux de la ferme, Eva n'a pas le loisir de s'intéresser à la politique jusqu'à ce que celle-ci s'invite dans son poulailler... sous la forme d'un jeune étudiant juif évadé d'un camp.

Alors que l'idéologie nazie s'impose avec force dans toute l'Allemagne à grands coups de nouveaux règlements et de contrôles permanents, Eva décide de cacher le fugitif. Elle a bien conscience de prendre des risques inconsidérés pour elle-même et toute sa famille malgré le danger constant et fort proche même, car représenté en premier lieu par ses propres enfants très engagés dans le mouvement des jeunesses hitlériennes. Au moindre soupçon, ils se feraient le devoir de la dénoncer !

Comment avoir assez de maitrise de soi pour garder le secret sans commettre le moindre faux-pas, ne jamais se trahir tandis que la pression du régime nazi se fait de plus en plus forte et que chacun est à l'affût du plus petit manquement, même au sein d'une campagne reculée ?
Contre toute attente Eva se débrouille plutôt bien...
Mais impossible d'en dire plus pour ne pas prendre le risque de dévoiler toute l'intrigue de cette belle histoire d'éveil et de résistance, très prenante malgré son côté trop sentimental et assez peu crédible.

Un bon roman sans jugement, sur fonds d'histoire nazie. L'essentiel de ce récit n'est pas le nazisme mais la révélation d'une personne dans cette Histoire nazie. Eva est fermière et ne connaît que son environnement immédiat, que ce soit l'agriculture ou la campagne. Son mari est appelé sous les drapeaux. Ses enfants sont enrôlés dans les jeunesses hitlériennes et s'éloignent d'elle et de sa naïveté.

Cette situation, elle la vit de manière lointaine et détachée. Elle continue à gérer la ferme et à suivre les conseils de son mari pour accroître les revenus. Mais sitôt son mari parti, elle découvre un fugitif dans son poulailler. Il est étudiant et a fui un camp. Il est juif mais Eva ne sait même pas ce que cela veut dire.

Elle se fie à son instinct et le protège. C'est une relation dépourvue de jugement, étrangère au contexte qu'ils vont vivre. Et au-delà, une passion amoureuse. Eva prend conscience qu'il y a autre chose que sa ferme, sa vie de campagnarde et d'épouse servile.

L'histoire prend un tournant particulier quand on lui confie une jeune fille réfugiée dans un couvent voisin avec lequel elle commerce. Elle est juive aussi.

Que vont devenir ces trois-là ? Eva fera preuve de bon sens et de courage face à l'étau de l'Histoire qui se resserre.

Un très beau récit, sensible, d'apprentissage et qui éclaire sur la bonté possible de l'être humain.

Un roman court, dense qui nous plonge dans l'Allemagne nazie, celle des campagnes profondes où l'on voit la nazification progressive de la vie des paysans. L'héroïne, Eva, n'avait jamais réfléchi à sa vie, à sa condition de fille et de femme de paysan, elle se contentait de s'occuper de sa ferme (surtout de ses volailles) et de ses enfants, prenant les tâches comme elles viennent, ne se liant avec personne.
L'amour, le sens de la vie, la situation politique de son pays, tout cela ne l'a jamais effleuré. Sa "venue progressive au monde", sa prise de conscience d'elle-même, de son existence, de ce qui l'entoure arrivent peu à peu au fil des pages du roman, à partir du moment où, impulsivement, elle va cacher dans son poulailler un jeune étudiant juif.
Magnifique portrait de femme qui découvre son corps, les sentiments et le fait qu'elle est humaine dans cette liaison pour laquelle elle risque sa vie. Elle est plus portée sur l'action que sur la réflexion improductive; ce n'est pas une intellectuelle mais elle planifie et agit, ou réagit toujours de façon adéquate et sereine malgré le danger et le lourd climat politique.
En outre, j'ai beaucoup appris sur la vie agricole allemande des années 1930-40, la pression de production qui pesait sur les épaules des paysans et l'élevage des poulets!
En bref, une belle histoire humaine et un portrait de Juste qui nous révèle un pan de l'histoire intérieure allemande un peu méconnue.