AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072818882
416 pages
Gallimard (27/06/2019)
3.67/5   6 notes
Résumé :
«J'habite un corps qui m'est si étranger que je ne sais plus comment en sortir - ni comment y rentrer.» Avec ces «Exercices de piété», Jean Clair continue son œuvre de diariste, en se penchant d'abord sur lui-même. Il évoque de nouveau son enfance en Mayenne, ses parents dont il dresse des portraits émouvants, presque déchirants, la campagne des années quarante et cinquante qui a disparu comme les haies qui la scandaient, revenant ainsi à des thèmes dont ses lecteur... >Voir plus
Que lire après Terre nataleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Jean Clair, homme de passion et de colère raconte....se raconte.
Biographie éclatée, souvenirs emmêlés, ce récit plonge le lecteur, dans la nostalgie des années enfantines et dans le regret d' un monde traditionnel disparu .
L' écrivain , parfois révolté, souvent pessimiste, critique sévèrement l' art contemporain et s' inquiète de l' évolution de notre société.
ce féru d'art et de littérature, écrit des pages émouvantes sur les pietàs du moyen âge, les vierges à l'enfant de la renaissance ou l' oeuvre de Marcel Proust.
Même , si je ne suis pas, toujours, son indignation, lire Cet auteur, est un régal.
L' écriture est sublime, sa culture impressionnante.
« L'écriture est un filet de mots pour attraper les papillons de l' âme « 
Finir l'année avec une telle phrase, un vrai bonheur.
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
LeFigaro
20 juin 2019
L’écrivain et académicien publie un journal non daté où il mêle souvenirs et considérations personnelles, et aussi ses rêves.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
I L'INTRUS


Extrait 22

Enfant, je croyais savoir qui j’étais : j’étais celui qui
étendait sa main vers sa mère ou du même mouvement,
parfois, et de la même main, au dernier instant, tentait
de la frapper, le gamin qui saisit un objet pour le lancer
loin de soi. Que saisir sinon qui s’échappe ? Quelle peur
de perdre ce que l’on est sur le point de gagner ?
La mort au cœur de la possession. Je retirais ma main
au moment même où j’allais toucher au but. Comme
s’il existait un but plus désirable encore que celui qu’on
découvre a portée. Je différais la prise d’un geste capricieux.
Et comme anticipant ma déception, je frappais
celle que je jugeais responsable de ma peine, alors qu’elle
n’avait jamais été que l’occasion de ma joie.
Plus tard, quand on écrira, c’est le même mouvement
absurde, désespéré, qui fait qu’au moment de saisir la
phrase que l’on cherchait, comme assuré de s’emparer du
trésor, au lieu de l’inscrire sur le papier, on se lève
brutalement, et l’on quitte le bureau, comme si la joie était
trop forte, le cadeau trop inattendu, ou que le fait même
qu’il vous soit donné lui retirait d’un coup sa valeur…
Et quand on reviendra calmé, vers la table de travail, le
don du ciel se sera envolé et c’est seul et livré a soi-même
qu’il faudra tout reprendre, mais il n’y aura plus rien.

p.26-27
Commenter  J’apprécie          70
I L'INTRUS
Extrait 1
  J’ai fini par me refuser l’hospitalité. Personne n’est la
ou je suis. La main qui touche l’extrémité du drap n’est
pas la mienne.
  Chassé, je me suis mis a la porte. Pour quelle faute dont
je ne sais rien ? Depuis, sur le seuil, je grelotte, j’ai froid
et je voudrais rentrer, dormir, comme le faisaient, sous la
couette, autrefois mes ancêtres, quand l’hiver était arrivé.
  Qui étais-je ? Qui suis-je, après toutes ces années ?
  Mon corps, conscient de cet éloignement, refuse de
m’abriter. Douleurs du jour et de la nuit. Tout cela est
bien connu. Mais il en serait aussi de l’âme. Chassé corps
et âme ?
  Je ne suis pas devenu une ombre. Ce genre d’affaiblisse-
ment est bien connu. C’est tout entier que j’ai cessé d’être
en moi, sans pour autant savoir ou je suis. Je suis toujours
la, mais ne sais plus qui est la. Comme par distraction, je
me suis mis a distance de moi, ouvrant un vide que je ne
peux plus remplir.
  Il semble que l’on a toujours redouté ces accès, et
conseillé de les combattre.
  Goethe : Niemand wird sich selber kennen, / Sich von
seinem Selbst-Ich trennen *.
  Dans le Talmud, on trouve des avertissements sem-
blables.
                          ùùù

p.15-16

* « Personne ne se connaîtra soi-même, / Ne se séparera de son moi
propre » (Goethe, Zahme Xenien, VII).
Commenter  J’apprécie          40
II L'HOMME DE VERRE


Extrait 3

  Les tours sur l’horizon marquent à l’ouest de Paris les
frontières de l’empire conquis par ce matériau stérile, fait
de sable et de cendre, qui abrite les humains qui logent
entre leurs murs. Derrière ces écrans, leurs silhouettes
montrent une fébrilité, ou bien une inquiétante lenteur,
de celles qui annoncent les catastrophes, quand on les
regarde se déplacer dans leurs bureaux, leurs offices,
leurs salles de réunion, pareils à des protistes bougeant
sous l’objectif, ou simplement des mouches dans une
cage de verre, et s’immobiliser soudain, aplatis sous les
parois vitrées comme dans des éprouvettes rangées sur
les paillasses.

p.38-39
Commenter  J’apprécie          50
I L'INTRUS


Extrait 18

Après le dentiste, la moitié de mon visage avait disparu.
Elle n’était pas insensible, elle n’existait plus. Un
trou. Il me faudrait aller vérifier dans un miroir que la
partie est toujours là, alors même que ma main rencontre
une absence.
La première frayeur, la plus forte, à découvrir le fauteuil
hérissé de canules, de tuyaux, de fraiseuses, et le miroir
par-dessus, aveuglant, les sons aigus dans les oreilles, les
chuintements, les crissements, les souffles : une machine
de science-fiction. Tout cela pour une pauvre dent ? La
première dent sous l’oreiller, pour la souris, qui déposerait
à sa place un sou, un chocolat, un bonbon… Cette
fable, ces contes autour des dents, la dent de lait, la dent
de sagesse, la vie pavée de petites dents, la dent contre
ceux qu’on n’aime pas… La dent, à l’évidence, pour un
enfant, avait à faire a de grandes choses. Pour les gens
simples, une dent qui tombe en rêve annonce la mort
d’un proche. La Chute de la maison Usher… Le dentiste,
cet homme étrange, habillé de blanc, sous les apparences
d’un sculpteur sur ivoire, d’un graveur sur émail, ou d’un
simple modeleur, avait en vérité à traiter avec les fins
dernières, qui décidait du destin et prolongeait la dent qui
aurait du tomber ou qui précipitait sa chute.
Les trente-deux petites choses blanches, semblables
à de l’ivoire, qui brillent dans l’obscurité, et qui s’épar-
pillent sur le plancher, dont parle Poe dans Bérénice…
Les dents sont les seules choses qui se laissent voir de
notre squelette, et même elles s’exhibent, elles éclatent,
quand on rit, de tout leur éclat.
Entre-temps, l’anesthésique avait perdu de son pouvoir
et peu a peu repoussait la moitié de la mâchoire que
je croyais perdue.
...

p.23-24
Commenter  J’apprécie          10
I L'INTRUS


Extrait 20

Cette  nuit,  voulant aller aux  toilettes,  je n’ai rien
retrouvé de la chambre ou je dors. À tâtons, j’ai cherché
la porte, elle est là, à côté du lit. Mais il n’y avait rien,
qu’un mur lisse et nu. Ce qui est à gauche était à droite,
et ce qui était à droite était passé à gauche. Comme une
image dans une glace, mais sans lumière. Continuant à
me cogner à des meubles inconnus, j’ai tenté de trouver
une autre issue, dans le coin symétrique. Mais il n’y en
avait pas. J’ai commencé à avoir peur. Je me souvenais
en fait de la chambre ou j’avais dormi la semaine passée
et dont la disposition m’était restée en mémoire et non
de la chambre ou je dors depuis des années.
Ce trouble que j’éprouve envers moi-même : je ne
reconnais plus mes propres extrémités, mes issues, mes
ouvertures, mes chemins. J’habite un corps qui m’est si
étranger que je ne sais plus comment en sortir – ni com-
ment y rentrer.
...

p.25
Commenter  J’apprécie          20

Lire un extrait
Videos de Jean Clair (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Clair
Intervention de l'écrivain Jean Clair lors du colloque "Que vaut le corps humain?" le 6 décembre 2019. #bernardins#colloque#corps
Le Collège des Bernardins est un espace de liberté qui invite à croiser les regards pour cheminer dans la compréhension du monde et bâtir un avenir respectueux de l'homme.
Pour tout savoir de l'actualité du Collège des Bernardins, suivez-nous sur les réseaux sociaux
Facebook : https://www.facebook.com/CollegedesBernardins/ Twitter : https://www.twitter.com/CBernardins Instagram : @collegedesbernardins
autres livres classés : mémoiresVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (19) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1704 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}