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Critique de Presence


Ce tome est complété par "Le sorcier des abysses". Ils comprennent 3 histoires d'une série indépendante de toute autre. Ils contiennent les aventures de Marada parues dans les numéros 10, 11, 12, 22 et 23 du magazine "Epic illustrated", initialement publiées en 1982 et 1984. le scénario est de Chris Claremont, les dessins, l'encrage et la mise en couleurs sont réalisés par John Bolton. Ce commentaire porte sur les 2 tomes.

L'épée brisée (39 pages) - Au troisième siècle avant Jésus Christ, dans l'Empire Parthe, une caravane organisée par le tribun Gaius Marcellus Fulva est attaquée par une petite troupe menée par Donal mac Llanllwyr. Dans le palanquin de la caravane, il découvre une belle femme aux cheveux d'argent qu'il reconnaît comme étant Marada, une guerrière redoutable et renommée. À sa grande surprise, Marada est apeurée et ne fait montre d'aucun esprit combatif. Après le pillage, mac Llanllwyr trace un sigil dans les airs, permettant à sa troupe et lui de se retrouver dans leur repère, une cité taillée dans le roc des côtes anglaises. Dans le palais, Marada reste submergée par la peur et elle finit par raconter son histoire à Llanllwyr, comment elle s'est retrouvée captive du sorcier Simyon Karashnur qui l'a offerte au démon Y'Garon. Elle se lie également d'amitié avec Arianrhod, sa fille.

Chasse royale (19 pages) - Quelque part dans un territoire désertique de l'Afrique de l'Est, Marada et Arianrhod tombent dans une embuscade et sont capturées par les troupes de la reine Candance. Celle-ci leur explique qu'elle a l'habitude de se livrer à l'art de la chasse, avec une proie humaine. Marada et Arianrhod bénéficient de 2 heures d'avance sur la reine.

Le masque du sorcier (37 pages) - Marada et Arianrhod voyagent à bord d'un navire pour rallier Rome. Arianrhod lance un sort pour essayer de les transporter par magie au château de son père. Manquant de pratique, son sort a pour effet de transporter Marada sur un autre navire qui vogue vers la cité de Djeriabar où elle sera, contre sa volonté, l'hôte du magicien Jaffar Ibn Haroun Al-Rashid.

L'introduction de l'édition anglaise (Marada the she-wolf) comprend un dessin en noir & blanc (première version de l'une des pages de la première histoire) où l'héroïne porte le bikini en métal, caractéristique de Red Sonja. Il s'agit donc bien à la base d'un projet avec ce personnage qui a été retravaillé en cours de route (la petite histoire veut que la mise en chantier du film Red Sonja - avec Brigitte Nielsen et Arnold Schwarzenegger - ait jeté le doute sur le droit de Marvel à utiliser ce personnage) pour laisser place à Marada. À la lecture, il est possible de constater le point commun évident, dans les 2 cas il s'agit d'une femme habile à l'épée, indépendante, capable de défaire les meilleurs bretteurs masculins en combat singulier. Mais la similitude s'arrête là, car dès le départ Claremont stipule clairement que les aventures de Marada se déroulent dans le contexte historique de l'empire romain, et non dans le royaume fictif d'Hyperborée. En outre il se paye le toupet de montrer Marada comme une femme soumise et craintive dans sa première apparition. On est loin de la fougueuse et insoumise Red Sonja.

Il faut donc plusieurs scènes avant que Marada ne retrouve les caractéristiques d'une héroïne d'Heroic-Fantasy. Si elle se révèle habile et létale dans son maniement de l'épée, elle n'en devient pas pour autant une pourfendeuse d'ennemis à la chaîne. Claremont lui insuffle un minimum de personnalité, et de chaleur humaine envers son prochain. Il lui a concocté un événement particulièrement traumatisant expliquant son changement de caractère, ayant un impact durable tout au long de ces pages. Il ne s'agit donc pas d'une simple succession de courses poursuites, entrecoupées de combats contre des monstres, des magiciens et des mercenaires patibulaires. Il utilise bien les conventions du genre avec méchants sorciers et monstres immondes et agressifs. Il peut même se permettre d'être un peu plus explicite que dans un comics de Red Sonja, avec une femme violée par un démon. Mais il peut aussi montrer que Marada est vulnérable de plusieurs façons, et qu'elle peut même sourire et apprécier la vie (dans la dernière histoire), voire être amoureuse.

La relative brièveté de chacune des aventures ne permet pas à Claremont de développer des intrigues ambitieuses, et la narration ne se focalise pas sur la psychologie des personnages. Il emploie avec une certaine libéralité les bulles de pensées pour que les personnages puissent exposer de manière explicative leurs réflexions, leurs préoccupations. Néanmoins il insuffle suffisamment de personnalité pour que ses récits s'élèvent au dessus de la production de masse mensuelle. Il bénéficie également d'un dessinateur d'exception.

"Marada" est un travail de jeunesse de John Bolton, pourtant sa méticulosité est déjà bien présente. Les 2 premières histoires avaient à l'origine été réalisées en noir & blanc et elles ont bénéficié d'une mise en couleurs à posteriori, réalisée par Bolton lui-même. Pour le lecteur qui a déjà eu la curiosité de regarder ces planches en noir & blanc (sur internet), il pourra regretter que la couleur masque la finesse des dessins. Pour les autres lecteurs, ils découvriront une mise en couleurs naturaliste et nuancée. La dernière histoire a été conçue et réalisée directement dans l'optique de la couleur, avec un degré de sophistication nettement supérieur.

Pour ces planches, John Bolton fait preuve dès la première page d'une proche ambitieuse, ne reposant pas uniquement sur une réalisation à gros budget. Il dessine les personnages, les animaux et les environnements de manière naturaliste, avec un grand niveau de détails, sans pour autant rechercher un rendu photoréaliste. L'histoire commence par un dessin pleine page dans lequel des hommes à cheval progresse en colonne dans un désert de sable. La couleur rend bien la teinte sablonneuse, les pattes des chevaux soulèvent de petits nuages de sable, les cavaliers ont des tenues légères (qui ne les protègent pas du soleil), les chevaux portent des harnais raisonnablement ouvragés, le palanquin est doté de tentures avec motif. Tout au long de ces pages, le lecteur pourra se régaler de l'attention portée aux tenues vestimentaires variées et sophistiquées, entre véracité historique et fantaisie imaginative. Il pourra facilement se projeter dans les lieux, que ce soient les superbes pentes verdoyantes aux abords de la citadelle de LLanllwyr, les bains chauds souterrains, la sombre forêt entourant le repère de Karashnur, le désert brûlant de Candance, ou encore l'île méditerranéenne de Djeriabar. Il pourra également apprécier la diversité des morphologies des personnages, ainsi que leur visage expressif (même s'il est patent que Bolton s'est fortement inspiré de Kulan Gath de la série "Red Sonja, pour l'apparence de Karashnur). Il pourra également identifier quelques clins d'oeil adressés par Bolton à ses références (de Russ Heath à Paul Gulacy, en passant par Frank Frazetta et John Buscema). La progression de Bolton au long de ces pages aboutit au dernier épisode, totalement enchanteur dans sa maîtrise graphique, rehaussant une description réaliste des lieux et des personnages par des touches fantastiques tout en retenue, avec un encrage délicat (évoquant un peu le doigté de Charles Vess), et une savante mise en couleurs.

Chris Claremont et John Bolton s'inspire de Red Sonja pour créer leur propre personnage totalement original, progressant d'histoire en histoire, pour finir par une merveille d'aventure légère et sophistiquée, à l'opposée des stéréotypes et des clichés du genre. Ils ont ensuite collaborés sur The Black Dragon (1985, en anglais). Ils ont également réalisé des histoires courtes des X-Men, voir X-Men Vignettes.
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