![]() |
Un vent souffle à Pont-Saint-Esprit en cette année 1951. Non pas une brise lourde de ses poussières radioactives mais tout aussi nocif, un air chargé en LSD. A rendre fou un fou, et un moins fou dans un fournil. Toute la population est atteinte. Mal et mal-être, qui prit son origine dans le pétris du pauvre Antoine. le boulanger dans le pétrin et le seigle du boulanger. Souffle divin, Seigneur ô Seigneur, aie pitié de nous et de nos âmes. Protège-nous de ce mal qui emplit nos poumons du Satan. Rompez ce pain et distillez les effluves boulangères de ce pain entre malin et divin. New-York, Lucy regarde les étoiles dans le ciel. Dix-neuf ans, accroc à sa dose et pute à l'occasion. Elle balance son cul sur le rythme de la ville, sombre et déchargée de ses illusions. Son cul une illusion d'ailleurs. Lève la tête, ma belle et vois tes illusions se perdre dans ces nuits étoilées de Manhanttan. Elle rajuste sa culotte, tire sur sa jupe en skaï, et regarde ces diamants étincelant dans la noirceur du ciel. D'ailleurs ça pourrait faire une bonne chanson, Paul ça t'inspire ? Entre ces deux mal-êtres, l'ombre de la CIA plane. Et avec elle, l'expérimentation. L'acide lysergique et ses effets. Dans la famille des psychotropes hallucinogènes, l'institution innove, propose et s'essaie aux mépris des règles et des bonnes manières. La paranoïa me guette, depuis que les spoutniks volent dans ma tête, comme des étoiles filantes zébrant le ciel, de son sillage strié se déverse une poudre magique, à rendre fou ou euphorique, question de dosage. Notre pauvre Antoine qu'est-il devenu après cet épisode malencontreux de la panification artisanale. Sera-t-il finaliste du meilleur boulanger de France ou de Navarre avec son pain aux céréales et à la farine de seigle ? Sortira-t-il un jour de sa torpeur ou de son asile de fou, à en perdre l'esprit saint, surtout ne pas sauter du pont. A quel sein se vouer même, alors qu'il croise des années plus tard le cul de Lucy, ou plutôt son regard son sourire ses étoiles qui brillent dans le ciel, ses seins qu'une poupée gonflable n'oserait revendiquer, même dans un sex-shop. Les mots s'enchaînent dans son esprit, ils fusent, volent s'envolent, planent même au-dessus de la page blanche. La prose est jubilatoire, comme prise sous acide, alors que l'homme marche sur la lune, Claro et Antoine s'éprennent de Lucy alors que la face cachée de la lune ou de la CIA délivre ses instants psychédéliques, cette lune si petite, si inaccessible et qui pourtant ne ressemble pas moins à une boule de flipper frappant les esprits sains même si à Pont-Saint-Esprit, les seins sont enfermés. Sortez-moi cette poupée gonflable, alors, disent de concerts les pervers de la rue Saint-Denis, même en 1969. Amen ou Hallelujah, le Créateur veille sur sa brebis égarée et ce rossignol désenchanté. le sex-shop montre portes closes. « Tous les Diamants du Ciel », et dire que ça pourrait faire une chanson des Beatles. Lien : http://leranchsansnom.free.f.. + Lire la suite |
En partenariat avec le festival Paris en toutes lettres, la BnF accueille chaque année deux écrivains en résidence littéraire. Cette année, Emmanuelle Bayamack-Tam et Arno Bertina proposent une restitution publique de leurs travaux respectifs.
Née en 1966, Emmanuelle Bayamack-Tam a publié aux éditions P.O.L. une douzaine de romans, ainsi qu'une pièce de théâtre, Mon père m'a donné un mari (2013). Elle a reçu le prix Alexandre-Vialatte 2013 pour Si tout n'a pas péri avec mon innocence et le prix du Livre Inter 2019 pour Arcadie (2018), une fable politique et écologique. Sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, elle écrit également des romans plus « noirs », tels Les Garçons de l'été (2017) et Il est des hommes qui se perdront toujours (2020). En 2019, elle publie éden, son premier roman pour la jeunesse.
Pour Emmanuelle Bayamack-Tam, la fonction de la littérature est de déstabiliser. Sa langue volontairement violente et organique aborde des sujets souvent provocants. « J'écris pour déranger. À commencer par moi-même. […] La littérature qui m'intéresse est celle qui fait bouger les lignes, qui déstabilise. Je n'attends pas qu'un livre me conforte dans mes idées reçues, ni qu'il me procure une sérénité factice. Quand j'écris, dès que je sens que le lecteur s'est tranquillement installé dans l'histoire, je le malmène. Je débusque toute position confortable, et je la détruis. », déclarait-elle en 2018.
Né en 1975, Arno Bertina a publié des romans et récits très variés, mais qui ont en commun la forme de l'enquête sur sa propre « identité mobile ». Je suis une aventure (2012) est une sorte de roman picaresque dont un des protagonistes est le tennisman « Rodgeur Fédérère ». Des Châteaux qui brûlent (2017) met en scène un huis clos d'une semaine entre des salariés d'un abattoir breton en grève et le ministre de l'Industrie qu'ils séquestrent. En mars 2020, L'Âge de la première passe, récit documentaire, relate le travail mené durant trois ans auprès de prostituées congolaises mineures.
Arno Bertina se dit également « passionné par les aventures collectives » depuis son année de résidence à la Villa Médicis en 2004-2005, durant laquelle il a coécrit la « farce archéologique » Anastylose (2006). Il a ainsi participé à toutes les aventures de la constellation d'écrivains à géométrie variable (Bruce Bégout, Mathias Énard, Claro, Maylis de Kerangal, Hélène Gaudy, Oliver Rohe…) qui s'est constituée en 2004 autour de la revue et des éditions Inculte.