L'homme commençait à descendre le chemin escarpé. Dangereux.
Il savait bien que c'était dangereux mais ce n'était rien comparé à ce qu'il devait accomplir ensuite. Au moindre faux pas il pouvait glisser sur les pierres rondes. Il n'y avait vraiment pas de chemin, juste un coup de poignard dans la ligne abrupte de cette falaise sauvage. Il descendait ce canyon vertical sculpté entre les murs ocre de la côte du Grand Océan du Sud. A cet endroit, depuis des siècles, la mer s'acharne sur la roche friable. Elle la modèle à sa guise. Et la falaise recule de décennie en décennie, laissant au milieu de cette mer de fabuleuses statues géantes, le célèbre site des Douze Apôtres, à l'ouest de Melbourne.
Ashe, notre enquêteur français bien connu n'est pas ici en dilettante. Il tente désespérément de repousser les dernières secondes d'une mort annoncée, incapable de rebrousser chemin, la nuque raidie par la gueule foudroyante d'un fusil à lunette qu'il sait braqué sur sa tête. Au moindre faux mouvement, elle risquait d'exploser sous l'impact de la balle. Il devait marcher inexorablement vers les vagues et se laisser happer par les flots, broyer par les masses liquides et disparaître à jamais dans une bousculade effrénée de courants et de reflux.
Comment a-t-il pu foncer, tête baissée, dans un piège machiavélique, alors qu'il venait à peine de rencontrer Victor à l'aéroport de Melbourne. Depuis des mois, ils correspondaient sur un site de rencontre. Les beaux yeux et l'humour du gay « nounours » ne sont pas les seules raisons qui ont décidé Ashe à lui rendre visite. Sur la page de Victor, à la rubrique « amis », une photo l'a intrigué. Celle d'un revenant, Mario David. Un homme croisé à Paris à l'époque où il enquêtait pour une société d'assurances. Un homme que Ashe croyait disparu à jamais et qui avait légèrement modifié son identité.
Quelque chose retenait Ange Cattrioni, chef Adjoint de la police de Perth, du côté de la télévision sans qu'il sache bien quoi. Pas du déroulement de la noyade dont il avait à peine suivi les péripéties. Il y avait autre chose, mais quoi ? C'est venu juste après que la présentatrice de SBS – une Chinoise anorexique à la diction parfaite mais coiffée avec un râteau. Voilà, c'était ça. le type-là ressemblait étrangement à Ashe. Ah oui, à Ashe ! Mais qu'est-ce qu'il devenait celui-là ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Ange composa le numéro de portable de son copain et tomba sur la messagerie vocale.
"L'enfer dans toute sa fureur s'est abattu sur la population de l'Etat du Victoria depuis 24 heures. Beaucoup sont morts, beaucoup ont été blessés. Marysville, qui était l'un des plus beaux hameaux du Victoria, si ce n'est d'Australie, vient d'être rayé de la carte", a lancé le Premier ministre devant des journalistes.
Le véhicule, accélérateur enfoncé au plancher, fuit le bombardement provoqué par les explosions des eucalyptus plongés au coeur de l'enfer. Au loin, une voiture est arrêtée au bord de la route et deux hommes, en tenues ignifugées gris et jaune. Après un bref contrôle, l'un des préposés, les yeux rougis et plein de larmes fait un geste impératif pour indiquer au véhicule fuyard de continuer, que la route est libre.
Quand Ashe s'est retourné une dernière fois, il a vu un gigantesque rideau de fumée et, devant, près de la voiture de sécurité dont le gyrophare clignotait inutilement, deux silhouettes droites, immobiles comme des statues sacrifiées.
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Donc ces ours, ce sont des "bears", homosexuels poilus, plutôt barbus et plutôt virils, d'un certain âge également.
Je me demandais ce qu'un livre qui se passe exclusivement dans le milieu gay pouvait donner...Et bien c'est avant tout un fabuleux thriller policier, vraiment bien écrit. Un récit en plusieurs temps, fait par 2 personnages, une intrigue excellente avec forces rebondissements, qui se dévoile petit à petit. Les victimes sont parfois plus coupables que les coupables eux-mêmes. L'ambiance est également très bien retranscrite, j'ai sué dans la chaleur de Melbourne, et senti l'odeur de la fumée des incendies.
Alors bien entendu, si l'idée de 2 hommes qui s'embrassent et ont une relation sexuelle ou sentimentale vous défrise, passez votre chemin. J'ai trouvé que ce n'était pas plus pesant que dans la plupart des thrillers policiers hétéros, le sexe n'est pas là pour le sexe, quand il est là, c'est pour servir l'intrigue et il reste relativement suggestif.
Alors que la description ne le présageait pas, il s'agit d'un livre faisant partie d'une série, Ashe ayant déjà sévi dans d'autres opus. ;)
Très bonne lecture.
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L'intrigue se déroule à Melbourne (Australie) et ses environs dans le milieu homosexuel masculin.
Ashe, homosexuel, ancien enquêteur pour une boîte d'assurance française, vivant à Perth (Australie) donne rendez-vous à Victor après de nombreux échanges de mails. Il veut surtout le rencontrer car, sur sa page, parmi ces amis, il reconnaît un homme croisé à Paris, il y a plus de 10 ans. Et il tombe dans un traquenard… N'ayant pas de nouvelles de son ami Ashe, Ange Cattrioni, flic, part à sa recherche, son sixième sens en éveil.
Ce roman policier alterne aux fils des chapitres la narration concernant Cattrioni et le journal (donc à la première personne) de Ashe. La tension est particulière et oppressante accentuée par la canicule puis les incendies qui se rapprochent des protagonistes. Au fils des pages, une seule envie : comprendre les liens qui unissent les différents protagonistes et connaître la fin de cette intrigue.
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Un homme que l'on oblige à se noyer devant des touristes, une rencontre par internet, un rendez-vous à Melbourne, un meurtre commis 10 ans auparavant à Paris. Voilà les ingrédients de ce thriller qu'on prend plaisir à lire. Un seul regret la couverture racoleuse qui n'a aucun rapport avec le sujet.
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On ne peut pas garder quelqu’un prisonnier pendant des années, cela n’arrive que dans des faits divers exceptionnels même si tout le monde a entendu parler de cette jeune Autrichienne enlevée et séquestrée pendant douze ans par son ravisseur ou de ce père allemand qui avait retenu sa fille dans le sous-sol de sa maison pendant vingt autres années et lui avait fait une collection d’enfants.
Ces actes exceptionnels étaient le fruit de circonstances particulières et de cerveaux malades.
La police marchait sur des œufs parce qu’il était de notoriété publique qu’il vivait avec un mec connu. Pas people mais presque. Pas très célèbre mais journaliste ou producteur ou quelque chose comme ça à la chaîne de télé Seven. Alors on a d’abord abusé des vérifications, on a remonté toute la hiérarchie, ça a pris du temps. Tout le monde a voulu assurer ses arrières et on s’est planté, voilà la vérité.
C’était risqué mais jouable, je l’avais compris ce matin. Enfin, si on est très joueur et si on se fie au hasard. Celui de la roulette par exemple. Il y a trente-six numéros et la boule ne s’arrête que sur un seul. Pour moi, après ce qu’ils m’avaient expliqué, c’est à peu près à cette hauteur que je situais leurs chances de réussite. Pas plus.
Cette fois il était décidé à faire le grand saut, à partir à l’autre bout du monde, dans un pays, une culture qu’il ne connaissait pas mais où on lui avait dit que n’importe qui pouvait refaire sa vie, où il pouvait définitivement oublier son passé. Ou plutôt ses passés successifs. Ses vies antérieures.
En général, la ressemblance, ce sont les autres qui la voient. On est habitué à se regarder dans la glace, en portrait inversé, et on ne se voit jamais comme on est réellement.
Un aller retour dans le noir 2018 - 10 ans - par Hervé Claude