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sur 1111 notes
Avec " les âmes grises", Philippe Claudel nous avait bien prévenus: L'espèce humaine peut se révéler tout à fait monstrueuse si elle se sent menacée! Prêt à tout pour aller au bout d'un projet, le maire d'une petite île de l'archipel de chien sera capable de mentir, de dissimuler des cadavres, de pousser à de fausses accusations, de ruiner une réputation. C'est puissamment écrit, cela ressemble à un conte noir. Les personnages sont évidemment bien caricaturés. J'ai pensé à un livre lu dans ma jeunesse " le fou de l'île" de Félix Leclerc.
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Il n'y a pas à tergiverser : la plume de Philippe Claudel est toujours aussi puissante, enivrante, poétique, sombre et moralisatrice. Ce nouveau titre ne fait pas exception aux autres publications de l'auteur ! Il est bien écrit et touche à l'âme humaine à travers un conte aussi noir que réaliste. Cette fois-ci, on se penche sur le cas des migrants qui cherchent à fuir leur pays à cause de la guerre ou des conditions déplorables. Ils cherchent un avenir meilleur en tentant le tout pour le tout dans une traversée dangereuse… Or, comme le dit le Docteur, « la mer tolère souvent que les hommes glissent sur son échine, mais parfois elle s'irrite et dévore quelques-uns d'entre eux« . Et c'est justement le point de départ de ce roman, puisque plusieurs habitants d'une petite île portant le nom de l'Archipel du Chien vont un jour découvrir trois corps d'hommes noirs échoués sur le sable… Contrairement à d'autres ouvrages où les auteurs montrent des personnages altruistes et bien intentionnés, Philippe Claudel va présenter des personnages s'emmurant dans les non-dits, les secrets et les mensonges. Ainsi, les témoins vont décider de ne pas divulguer l'information, de dissimuler les dépouilles et de faire comme s'il ne s'était jamais rien passé ! C'était sans compter l'arrivée d'un étranger, un policier que l'on nommera le Commissaire, qui ne tient pas sa langue dans sa poche, juge à outrance et se met à donner des coups de pied dans la fourmilière, bien déterminé à obtenir des réponses…

J'ai trouvé original le fait que l'on ne donne pas de prénom ou de nom aux protagonistes ! On les identifie par leur emploi, leur fonction, leur activité ou leurs caractéristiques : le Curé, le Maire, le Cafetier, le Docteur, la Vieille, Spadon, Fourrure, etc. Cela permet au lecteur de transposer le contexte et les acteurs de la situation. Ce qu'il va advenir sur l'île pourrait arriver n'importe où, même dans un petit village isolé… Il n'est même pas nécessaire de trouver un endroit où les villageois restent entre eux et n'apprécient pas les inconnus… Après s'être adressé au lecteur à la première personne et s'être identifié comme une voix racontant une histoire, l'auteur a opté pour une narration omnisciente. On découvre les ressentis de chaque individu et on confronte leur point de vue sur la situation. Religion, économie, raison, … Chacun va mettre en avant ce qu'il pense de ces trois corps et de ce que le groupe en a fait… Les réflexions sur la lâcheté et l'être humain sont très intéressantes néanmoins, j'ai eu un peu de mal avec le récit. Je ne pensais pas que l'on irait dans cette direction, ni que tout cela finirait de la sorte… Je m'attendais à quelque chose de plus marquant comme « Entre deux mondes » d'Olivier Norek qui aborde également la thématique de l'immigration, mais de façon plus pertinente et émouvante à mes yeux.

La métaphore de la nature qui reprend ses droits et de la vérité qui finit toujours par éclater est bien présentée. En effet, l'île va progressivement faire écho aux horreurs qui vont se produire. Chaque manipulation, mensonge ou coup bas sera un élément déclencheur des éléments sur l'Archipel du Chien : volcan qui s'éveille, odeur de décomposition, … Tout incite les personnages à délier leur langue, à se repentir et à réaliser de vraies obsèques pour ces pauvres malheureux enterrés sans sépulture. Mais y a-t-il réellement une rédemption ? Dans tous les cas, cela n'arrêtera pas les autochtones déterminés à étouffer l'affaire, quitte à sacrifier un pion trop gênant… Que c'est noir et réaliste ! Philippe Claudel dénonce beaucoup de choses à travers cette fiction !… J'ai d'ailleurs l'impression qu'on rentrait dans du déjà vu avec des clichés comme la ville symbolisée par le quatuor classique (Maire, Prêtre, Instituteur, Docteur) ou les horreurs habituelles (pédophilie, inceste, consanguinité, etc.). J'ai trouvé cela plutôt dommage…

J'ignore si je garderai un bon souvenir de cet ouvrage. En effet, je suis ressortie de cette lecture avec un sentiment très mitigé… Philippe Claudel a publié des livres bien plus marquants et réussis…
Lien : https://lespagesquitournent...
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Dès la première page, une voix vous interpelle : c'est la voix du gêneur, de celui qui va placer discrètement un petit caillou dans votre chaussure. Au début, vous ne sentirez rien ou pas grand-chose. Et puis, au fil de la journée, vous vous mettrez à avoir mal puis à boiter. Il vous faudra vous asseoir, prendre le temps de retirer le caillou qui blesse et qui empêche d'avancer. Vous n'en avez pas envie car vous avez d'autres affaires bien plus importantes en vue. Mais le caillou roule, d'avant, il passe en arrière, abîmant maintenant votre talon.
Enfin, vous cédez, vous ne pouvez plus avancer…
Ce caillou, c'est le livre de Philippe Claudel et c'est l'effet qu'il a produit sur moi depuis que j'en ai achevé la lecture.
Laissez-moi vous expliquer.
C'est une histoire qui nous est contée, une parabole : il était une fois une île sur laquelle on ne vivait pas trop mal. Un maire, un docteur, un instituteur, un curé, une vieille femme, des pêcheurs, des enfants s'y croisaient chaque jour. Ils étaient heureux, en paix, entre soi.
Bien sûr, on est un peu loin de tout mais n'est-ce pas là au fond le prix de la tranquillité ? Et puis, les vignes donnent un vin merveilleux, les oliveraies et les vergers de câpriers offrent des récoltes généreuses. Bon, c'est vrai, ce n'est pas tout à fait le paradis terrestre : il y fait un froid glacial l'hiver et une chaleur écrasante l'été, un volcan menace chaque jour de cracher du feu mais pour le moment, je veux dire, avant que la tragédie commence, tout va bien, enfin, pas trop mal.
Or, un jour, tandis que la vieille femme promène son chien sur la plage, elle voit au loin trois formes qu'elle n'identifie pas. du bois flottant déposé là par la marée ? des bidons ? Peut-être. Elle est vieille et n'y voit plus très bien. Elle s'approche. Ce sont des corps. Morts. Des corps d'hommes noirs et jeunes. le maire est averti, le médecin arrive. L'instituteur qui courait ce matin-là aussi est présent. Ils regardent les trois corps morts.
Que faire ?
Vous feriez quoi, vous, de trois corps morts ?
Selon votre fonction, vous ne feriez certainement pas la même chose. Et c'est bien là le problème…
Dans son dernier roman, Philippe Claudel se livre à une expérience : dans son laboratoire, la cage a la forme d'une île et les rats ressemblent à des hommes. La main de l'auteur-laborantin a introduit quelque chose de nouveau dans la cage. Certains hommes-rats rongés par le stress et la peur courent désespérément sur leur roue pour s'étourdir tandis que d'autres, apparemment plus calmes, poursuivent leur petite vie pépère, mangent de bon appétit, copulent puis s'endorment. Seul leur sommeil agité laisserait penser qu'ils sont un peu tendus eux aussi.
Comment réagit-on face à l'impensable, l'inacceptable, l'intolérable ?
Êtes-vous du genre « la tête dans le sable » ou bien gardez-vous la tête haute pour regarder les choses bien en face ?
Si vous appartenez à la première catégorie, L'Archipel du Chien vous fera passer, que vous le vouliez ou non, dans la seconde.
En effet, ce roman nous place devant nos responsabilités, nous tire de notre silence. 
Car nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Parce que nous savons.
Oui, nous savons que plus de 16 000 migrants ont disparu en mer Méditerranée depuis 2013 en cherchant à atteindre l'Europe. « Comment les siècles futurs jugeront-ils notre temps ? » accuse la voix du gêneur qui poursuit sa route : « Je vais disparaître. Je vous avais promis de n'être que la voix. Rien d'autre. Tout le reste est humain et vous concerne. Ce n'est pas mon affaire. »
En effet, c'est devenu la mienne, cela deviendra la vôtre, inévitablement.
Vous verrez, ce n'est pas facile de marcher longtemps avec un caillou dans la chaussure, si petit soit-il, si patient ou si occupé soit-on. On a beau vouloir l'oublier, il nous rappelle toujours à l'ordre. Discrètement mais sûrement.
C'est le fait des livres forts : ils vous condamnent à « une éternelle lucidité ».
Je ne sais pas si je dois vous remercier Monsieur Claudel. Si le bonheur réside dans l'oubli, je peux dire que votre livre ne m'a pas rendue heureuse.
Non, il m'a ouvert définitivement les yeux que je faisais en sorte de ne garder qu' entrouverts et il m'a forcée à rester éveillée.
Depuis, je boite, j'ai mal à ma conscience.
Je vais devoir enlever ma chaussure et balancer le caillou.
Je ne sais pas quelle forme cela va prendre mais en recommandant ce livre, je sais déjà que je suis sur la bonne voie.

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"La plupart des hommes ne soupçonnent pas chez eux la part sombre que pourtant tous ils possèdent. Ce sont souvent les circonstances qui les révèlent, guerres, famines, catastrophes, révolutions, génocides. Alors quand ils la contemplent pour la première fois, dans le secret de leur conscience, ils en sont horrifiés et ils frissonnent."

C'est à une démonstration implacable que se livre Philippe Claudel dans cet Archipel du chien, totalement inventé et pourtant si familier à nos yeux et à nos oreilles, un lieu que l'on devine méditerranéen. Une seule île y est habitée, un endroit isolé, une sorte de vase clos que seule une liaison hebdomadaire de ferry relie au vaste monde. Un volcan, des habitations classées au patrimoine de l'humanité, des vignes, des oliviers et des pêcheurs. Des vies simples et calmes en apparence. Jusqu'au jour où trois cadavres d'hommes noirs sont retrouvés échoués sur la plage. Qui sont-ils, que s'est-il passé ? le Maire, inquiet pour le projet gigantesque qui pourrait développer le tourisme et l'économie de l'île décide de cacher l'événement et de faire disparaître les corps avec la complicité des trois témoins à l'origine de la découverte. La démonstration peut commencer...

Car ici, sur ce caillou brûlé par le soleil, secoué par les vents et les spasmes du volcan, c'est un spécimen de l'humanité qui s'apprête à entrer en représentation afin de nous tendre un miroir et nous dire - regardez-vous, oui, vous... c'est ainsi que vous vous comportez, qui que vous soyez et où que vous habitiez. La cupidité, l'égoïsme, l'injustice, la lâcheté. Voici ce qui se reflète au fur et à mesure que l'on avance dans l'histoire, au fil d'une intrigue tenue qui déploie habilement toute son intensité dramatique. Et dont la forme, très dépouillée amplifie la puissance. Les habitants n'ont pas de noms, ils n'ont que des fonctions. A chaque lecteur de projeter sur eux son propre vécu, réel ou imaginaire.

L'ombre de l'actualité plane sur ce roman, celle des migrants et celle des mafias. L'écrin choisi par le romancier n'est pas anodin, comme ce volcan dont il fait un personnage très présent, dont on sent la puissance et l'envie d'engloutir ce petit monde trop perverti. Si les personnages n'ont pas de noms, la nature, elle, explose par tous les sens rappelant ainsi à l'homme sa condition minuscule malgré sa propension à faire le mal.

Démonstration implacable, oui. Constat pessimiste qui va jusqu'à celui de l'échec de la littérature à inspirer les hommes... Celui-ci on le laissera dans la bouche du personnage le plus féroce de l'histoire et on se permettra d'espérer le contraire, que les livres pourraient peut-être influencer en bien l'humanité. Sinon à quoi ça sert que Philippe Claudel se décarcasse ?
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Sur une île quelque part dans notre monde, à un moment donné de notre époque, les cadavres de trois hommes noirs âgés d'une vingtaine d'années sont retrouvés gisant sur la plage.
Un élément perturbateur qui est quasiment devenu un fait divers banal de nos jours. Tel est en tout cas le point de départ de ce roman de Philippe Claudel. Un roman social, sociétal et aux relents naturalistes forts et perturbants.

Il y a une première fois à tout, et L'Archipel du Chien est le premier roman que je lis de l'auteur. J'avais lu l'adaptation du Rapport de Brodeck en 2 tomes adapté brillamment par Manu Larcenet, mais après m'être fait une idée du fond de l'oeuvre de Philippe Claudel, j'avais envie de découvrir la forme. Et de ce point de vue je n'ai pas été déçue, l'écriture du romancier est magnifiquement travaillée à la fois acerbe et poétique avec des images fortes et des miroirs tendus sur les parts les plus sombres de l'âme humaine.
J'ai été bluffée et tout de suite embarquée par la force et la beauté de l'incipit qui vaut à lui seul la lecture de ce roman. J'ai aussi beaucoup aimé les portraits de personnages tour à tour touchants ou saisissants de vérité. Que ce soit le cynisme, la lâcheté, la cupidité, la fourberie ou autre petitesse ordinaire, Philippe Claudel passe tous ses personnages au scalpel.
On retrouve des procédés littéraires présents dans le Rapport de Brodeck avec l'indétermination (de temps, de lieu et parfois des personnages désignés par des surnoms ou des fonctions) qui contribue à l'universalité du propos. C'est un procédé inhabituel mais qui fonctionne bien et n'enlève rien à la force du récit bien au contraire car il semble qu'ainsi Philippe Claudel ne cantonne pas son propos à des archétypes.

Ce que j'ai regretté en revanche c'est le côté trop prévisible de certaines scènes et le fait que vers le milieu du récit l'auteur semble faire des digressions et l'évènement de départ devient un prétexte pour parler du reste des habitants de l'île et de ce que cache leurs "sourires de convenance". Et j'avoue que dans ces décennies où les infos nous gavent de ce type d'info (certes véridiques et révoltantes), j'ai ressenti comme un trop plein. Peut-être qu'avec l'âge je deviens trop sensible mais ce trop plein de pessimisme et de roman qui vous envoie en pleine gueule que parfois le quotidien de certaines personnes est qu'au bout du tunnel c'est le train qu'on voit ... Non trop de noir pour ma sensibilité.
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Philippe Claudel, L'archipel du chien - 2018 -

D'entrée de jeu, une voix interpelle le lecteur et ses mots agissent comme un coup de poing. Dès lors, on ne pourra que se sentir concernés par l'histoire et les personnages.

Une vieille institutrice et deux autres insulaires découvrent trois corps morts sur la plage, de jeunes noirs, des immigrants selon le maire qui veut cacher cette découverte aux autorités judiciaires et aux journalistes pour ne pas nuire à son projet les Thermes. Seul l'instituteur se questionne et entreprend une démarche pour comprendre. Que trouvera-t-il et qu'adviendra-t-il de lui ?

Illustration de notre monde moderne où les intérêts économiques priment sur tout, l'oeuvre dénonce en partie les attitudes de soumission que l'on adopte trop souvent face à ce constat. Mais au-delà de cela, elle se veut une réflexion plus profonde sur la nature humaine. Les gestes, les situations deviennent les révélateurs de la face sombre de l'âme.

Dérangeant, troublant, ce roman ressemble à une fable où même la présence des odeurs est significative. Je l'ai lu en un jour, happée par l'intrigue, inquiète pour le jeune instituteur et pour la suite des choses. J'ai bien aimé.
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Dès les premières lignes, j'ai retrouvé le style de Philippe Claudel que j'avais beaucoup apprécié dans les âmes grises. On rentre immédiatement dans l'histoire.

D'ailleurs, l'Archipel du Chien ça parle de quoi ?
Les corps de trois migrants sont retrouvés sur une plage d'une île de l'Archipel du Chien. Oui mais voilà, ces corps sont un peu gênants. Pourquoi ne pas faire comme s'ils n'avaient jamais existé ?
Après tout, il ne s'agit que de personnes sans importance. Qui se souciera de leurs disparations ?
D'autant plus, qu'un projet touristique est en cours. Autant ne pas porter préjudice à la réputation de l'île et s'en mettre pleins les poches.
C'est décidé ! Chacun (ou presque) continuera sa petite vie comme si de rien n'était.
C'était sans compter sur l'Instituteur, ce paria qui n'est pas né sur l'île. Il fouine, il fouine, encore et encore. Il ne le sait pas, mais ce qu'il va découvrir va le mener à sa perte... le maire et ses moutons ne sont pas loin!

Les personnages sont caricaturaux et n'ont pas de nom. Ils sont tout le monde et n'importe qui.
Ils sont utilisés pour dénoncer notre égoïsme, notre cupidité et notre indifférence. Chacun de nous privilégie son intérêt au détriment des autres. Nous sommes tous coupables de notre lâcheté et de notre passivité.
Nous aimons nous nourrir de la tristesse, du chagrin et de la détresse des autres pour casser notre routine et nous faire oublier l'espace d'un instant nos vies misérables. Nous nous cherchons des excuses et nous voilons la face pour ne pas voir notre vraie nature.
A mon sens, le côté moralisateur de ce récit n'est pas un défaut, je trouve qu'il appuie le message que souhaite véhiculer l'auteur.

Le seul bémol pour moi est que l'écriture s'essouffle au cours de l'histoire et perd de sa force. On retrouve l'intensité du début et la justesse de chaque mot uniquement à la fin. Ce livre ne me laissera pas la même emprunte que les âmes grises mais j'ai passé un agréable moment. J'ai déjà hâte de retrouver la plume de Philippe Claudel.
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Voici ma première lecture de Philippe Claudel ! Et je dois avouer que j'ai eu beaucoup de mal dans mes premières pages, avec ce ton dur, inquisiteur, jugeant le lecteur ! Je me demandais "mais qu'est ce qu'il me veut ? pourquoi me parle t'il sur ce ton ? que sait il de moi pour se permettre de me juger ?".
Puis débute l'histoire, un récit très dur et sans concession pour les personnages. Chacun d'eux est très typé, avec son rôle à joué et comme dans une bonne tragédie grecque, celui qui doit mourir meurs, parce que c'est son destin, et aucun n'essayera de changer quoi que ce soit pour le sauver. Chacun se cherchera des excuses pour se justifier.
Et cette odeur qui envahit l'île, présente dans toute les maisons, obsédante, les personnages semble l'oublier mais en même temps, leurs comportements semblent guidés par cette présence un peu particulière...
Une odeur tellement puissante que je réussissais la sentir. J'ai même senti les pages du livres pour vérifier que ça ne venait pas de là... mais non, le livre sentait le papier... Mais tout de même, je la sentais cette affreuse odeur de cadavre... Jusqu'à ce que je fouille un peu dans ma chambre et que je retrouve une petite souris, sous mon lit, abandonnée là par une chatonne cruelle. Merci Loeki de m'avoir permis d'expérimenter la lecture en 3D
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Le narrateur, tel un lanceur d'alerte, inspiré par les noyades de migrants, s ‘empare de ces drames contemporains pour dénoncer ceux qui ont tendance à occulter cette réalité. Inutile de chercher où se trouve l'île volcanique du Chien sinon dans l'imaginaire de Philippe Claudel. Une île dont la quiétude est troublée par une triple découverte macabre. Nous voilà immiscés dans la petite communauté des six témoins, liés par l'omerta. Des personnages atypiques hauts en couleur, aux noms symbolisant une caractéristique ( Pilule, Fourrure, Biceps) ou une profession : le maire soucieux d'attirer les touristes par son projet des Thermes, hostile aux médias, qui redoute d'être trahi par un des détenteurs du secret. Qui aura le dernier mot ? Suspense et rebondissement. L'Instituteur, l'étranger, à la voix dissonante, outré par la décision de l'édile, mène son enquête. Débarque un Commissaire, à la diatribe féroce sur les îles, détenteur de photos satellites qui ont de quoi inquiéter l'élu !


Ce huis clos renferme un microcosme de la société mue par les conflits d'intérêt, gangrénée par la corruption, l'argent, les compromissions , le mensonge où l'égoïsme prévaut. S'y répand une atmosphère incommodante, délétère. L'auteur explore nos travers, sonde l'âme humaine, débusque sa partie sombre qui en fait parfois un Monstre, ce qui réveille même la colère du volcan.
Un côté théâtral, de tragédie grecque dans la mise en scène.
Philippe Claudel, sous couvert de cette voix qui apostrophe avec véhémence le lecteur au début et à la fin de l'histoire, signe le roman engagé d'un « agitateur » en prise directe avec l'actualité, ponctué de dialogues savoureux, de réflexions sur Dieu, « en préretraite » pour le Curé, où alternent épisodes graves et scènes comiques.
Un récit prégnant et obsédant, teinté d'humour, irrigué par des références bibliques et mythologiques, servi par une écriture ciselée, acérée, poétique, aux comparaisons imagées convoquant des tableaux dignes de Cranach ou de Milos Sobaïc. (Milos Sobaïc: auteur qui a illustré le roman de Claire Fourier: Un tombeau pour Damiens, éditons du Canoë)
N'attendez pas pour débarquer.
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C'est une petite société bien symbolique qui est réunie ce jour là sur une plage de l'île de l'Archipel du chien. le Maire, le docteur, le curé, deux ouvriers, la Vieille et l'instituteur encerclent trois corps échoués, trois jeunes hommes africains rejetés par la mer. Aucun papier pour leur donner une identité, une existence, alors, dans un pragmatisme froid, le Maire décide de ne rien dire, de les confier au gouffre du volcan. Il impose le silence à tous, arguant que les investisseurs pourraient renoncer au projet des thermes si important pour le devenir de l'île si l'affaire venait à se savoir et de toute façon, "ce-n'est-pas-comme-si-on-était-responsable-de-ce-qui-s'est-passé-n'est-ce-pas" ?

Mais peut-on en toute impunité se détourner à ce point de la misère humaine, celle qui pousse les hommes et femmes à fuir et à s'en remettre à l'arbitraire de passeurs cupides ?

Avec une écriture fluide rehaussée d'un vocabulaire toujours pertinent, Philippe Claudel propose de s'interroger à l'aune d'une micro-société sur de nombreux ressorts humains, individuels ou collectifs, entre lâcheté, résignation, manipulation, violence mais aussi, pour ne pas céder à toute cette noirceur, de ménager une petite voix ténue, discordante qui propose de rétablir vérité et dignité.
Lien : https://leschroniquesdepetit..
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