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sur 1111 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Voix raconte, elle se dit ni homme ni femme, se veut-elle être la voix de notre conscience ? Dans un premier chapitre très court, elle décrit dans l'utopique Archipel du Chien, une de ses îles où se déroule l'histoire.
Sur cette petite île de pêcheurs, de cultivateurs et de vignerons, la plage est formée de galets, l'île est en partie recouverte de la lave noire d'un volcan, le Brau, qui, régulièrement, se rappelle aux habitants. C'est sur cette plage inhospitalière que s'échouent trois corps, trois Noirs.
Le maire ne veut pas de ces cadavres de migrants, il lui faut cacher cette réalité morbide, pour cela il va se montrer capable du pire.
Dans L'Archipel du Chien, une fable au climat noir sur le drame des migrants, Philippe Claudel dénonce l'égoïsme et la lâcheté dont sont capables certains hommes.
Encore cette fois, Philippe Claudel, de sa belle écriture, m'a charmée.
À lire !
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Trois hommes morts, échoués sur la grève d'une île quelconque, même pas belle.
Trois hommes noirs, venant d'un ailleurs où la vie est de toute façon moins belle.
Trois migrants, rejetés par les vagues, aux yeux blancs.
Trois poids morts, dont il faut coûte que coûte se débarrasser !
C'est que le Maire n'en veut pas. Ils nuiront à l'image de l'île ! Les (im)probables touristes fuiraient cet endroit maudit !

Et la machine du rejet, du déni se met en marche.
Cela démarre donc comme cela, presque banalement. Oui, j'ose le dire, banalement, car qui de nos jours n'a jamais vu ces pauvres corps délestés de leurs rêves couchés sur une plage ou l'autre du Sud, au journal télévisé ?
Ce début semblait si banal, ces personnages de l'île étaient tellement typés, tellement « personnages de fable » que j'allais finir par m'ennuyer.

Et puis la machine du déni s'enraye.
Il faut dire qu'un pur, l'Instituteur, s'en est mêlé. Il a voulu vérifier, tenter des expériences, calculer. Quoi ? Je ne vous en dirai pas plus. Car l'arrivée du Commissaire précipite les choses...et nous entrons alors dans le vif du sujet, dans le vif de l'humain. Les stéréotypes se déchirent, la face intime se dévoile. le méchant éprouve de la répugnance à exercer son méfait, le pur ne réfléchit pas et fonce. Et paradoxalement, l'individuel atteint l'universel.

Philippe Claudel signe ici une analyse caustique de l'espèce humaine, analyse dans laquelle nous nous reconnaissons, ou du moins, nous reconnaissons certains autres, car il est bien évident que nous, nous n'avons rien à nous reprocher, n'est-ce pas ?
Les trois corps des migrants ne sont qu'un prétexte à cette analyse car ce n'est pas ce problème qui est mis en scène, ce sont plutôt les réactions de tout un chacun face à cela, ainsi que la réaction face au mal, au pire de l'espèce humaine. Que ce soit en décrivant un phénomène de foule ou différentes réactions individuelles, Claudel nous met à plat face au mal.

Cynisme, sentiment de culpabilité, bêtise, honte, cupidité, remords...tout y passe.
Et la poésie s'en mêle. Qu'il écrit bien, Claudel ! Quelle force de l'expression, quelle puissance dans les images ! J'adore !
Lorsque j'ai refermé ce livre, j'ai réfléchi. Sur moi, sur l'espèce humaine, oui, rien que ça !
Je me dis que sous notre apparence simple, nous sommes compliqués.
Et je me dis que sous notre apparence compliquée, nous sommes simples.
Vous ne me comprenez pas ? Rendez-vous sur l'Archipel du Chien !
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Ce jour-là, je me levai de bon matin. L'aube naissante se déclinait encore dans toutes ses nuances de gris. L'air était froid, le vent humide et salé et les nuages bas et menaçants sur l'horizon... En ce mois de septembre, tout me criait combien la mer pouvait être houleuse et sévère avec ceux qui l'affrontent.

Le ferry qui m'attendait sur le quai me toisait, impassible, du haut de sa froide carcasse métallique.

J'étais son seul passager ce matin-là. Il devait m'embarquer vers l'île. L'île sans nom, une île comme il en existe des dizaines dans l'Archipel du Chien... Mais la seule qui en fut habitée.

Une île oubliée, ignorée, laissée pour compte, « martelée du battement du sang des hommes, comme un bout de monde tombé dans l'azur ».
Une île de pêcheurs et de paysans, une île où la terre et la vigne en sont la vie et où les plus vieux qui restent en gravent l'histoire dans les sillons de leurs mémoires.

Une île où le vieux volcan, pourtant endormi en des temps oubliés de tous, se rappelle à ses pécheurs comme une idole de granit en manque d'offrande, crachant ses fumerolles et ses cendres grises, vomissant sa colère comme la mer déverse sur la plage ses flots de larmes et ces corps inertes gonflés par le sel.

Je les ai entendu, ce matin-là... J'étais assis sur un banc non loin d'eux. Ils ne pouvaient me voir. J'étais spectateur de leur île, de leurs peurs et de leurs qu'en-dira-t-on.

Il y avait là le Maire, le Curé, le Docteur, l'Instituteur... La Vieille aussi. Et puis le Spadon. Ils avaient tout vu. Ils avaient tous vu. Ils savaient. Et désormais il leur fallait vivre avec ce secret... Mais le pourraient-ils ?

Moi aussi j'avais tout vu. Moi l'Etranger, je m'étais invité sur leur île, dans leurs chaumières, à leurs tables et dans leurs lits. Je savais. Je les voyais chercher à enfouir ces corps dans le cimetière de leurs mémoire.

Mais le volcan et ses entrailles étaient là pour leur rappeler que l'enfer n'est jamais loin et que le Diable ne dort jamais.


- - -

Avec L'Archipel du Chien, Philippe Claudel nous délivre un huis clos insulaire magistral, une mise à nu des sentiments humains et des esprits torturés par un secret que la marée basse ne peut emporter avec elle. Une écriture claire, fluide, élégante, précise, immersive. du grand Claudel !
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Lorsque trois corps s'échouent sur l'ile de l'Archipel du chien, c'est tout un monde qui s'en va à l'agonie. de cette agonie qui s'en va faire plier le coeur, le doute, et le bon sens, il ne tient qu'à un pas pour que les témoins deviennent coupables.
Bourreaux-victimes, voici tout le génie de ce roman.
La mort de ces trois hommes échoués sera le déclencheur pour ouvrir les tréfonds de l'âme noire des hommes qui viendront à leur tour s'échouer en enfer.

Une vieille, un pêcheur, le maire, un instituteur, le curé, ils sont juste témoins de ce que la mer a rejeté sur leur île: la mort. Ils auraient pu avoir un peu de coeur ou du moins un peu de raison. Non, le maire est terrorisé par l'image de ces cadavres salissant son île. Réputation, prestige, avenir, sécurité, toutes les excuses sont bonnes pour enterrer ces cadavres comme des chiens.
Tous ne partagent pas l'avis du maire. L'instituteur paiera très cher sa droiture et son souci d'honnêteté. Ils vont, en fait, tous, payés très cher.
La honte, la mauvaise conscience s'imbriquent comme de gros cailloux venant grossir l'état de malaise général.
Dans cette descente en enfer, la nature s'enjoint au malheur des uns et des autres, elle rejette le mal et distille la puanteur de la mort dans les tréfonds du docteur qui ne parvient plus à sentir autre chose que cette putréfaction.

Philippe Claudel met en exergue tout son talent dans ce roman, il extirpe avec brio toute la noirceur des Hommes. Il pousse jusqu'au dégoût, jusqu'à la nausée, il peint de noir et de larmes l'ile et ses occupants massacrés dans le péché, titubant dans les ruelles macabres d'une vie où ricochent sur la conscience les pierres qu'on jette. Tel un cauchemar aux allures bien réalistes.

J'ai donc beaucoup apprécié ce roman ne fut-ce que pour sa puissance littéraire. C'est un roman très noir mais très habilement amené avec une réelle saveur dans les mots.

Noir mais magistral.
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Une petite île “aux saisons inhumaines” dans L'Archipel du Chien, et soudain les cadavres de trois jeunes Noirs, probables migrants dont la traversée a tourné au désastre et que la mer a rejetés sur la rive un matin de tempête. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Et que va-t-on (en) faire ?

Ils sont six, seulement six témoins de ce drame, six personnes à qui le Maire impose le silence, l'obligation de faire comme si rien ne s'était passé, comme s'il ne s'agissait que d'un mauvais rêve. Parce que c'est plus pratique et plus simple, parce qu'il vaut mieux ne pas troubler la tranquillité des âmes, perturber les certitudes, déranger les consciences ni faire obstacle aux intérêts économiques.

Les trois cadavres, préalablement congelés, seront jetés comme de vulgaires ordures, furtivement et à la va vite, dans l'une des bouches du volcan de l'île, le Brau. Mais le silence, surtout lorsqu'il est coupable et alourdi du poids de la mauvaise conscience, a un prix - et une punition. Ils auront ici les aspects conjugués d'un Commissaire misanthrope, teigneux et obstiné, de preuves accablantes apportées par un satellite - oeil divin moderne et technologique - et de la malédiction sans recours de la culpabilité, de la nature et peut-être de Dieu…

Dès les premières phrases, j'ai été littéralement happée par ce texte puissant : “Vous convoitez l'or et répandez la cendre. Vous souillez la beauté, flétrissez l'innocence. Partout vous laissez s'écouler de grands torrents de boue. La haine est votre nourriture, l'indifférence votre boussole. Vous êtes créatures du sommeil, endormies toujours, même quand vous vous pensez éveillés. Vous êtes les fruits d'une époque assoupie. (...) Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps ?” Un texte aux accents prophétiques, bibliques, frère en esprit du livre d'Isaïe, qui regarde ce monde, le juge et le condamne : “Vous ne voulez jamais voir. Je suis celui qui vous le rappelle. Je suis le gêneur. Je vois tout. Je sais tout. (...) Je suis la voix.”

L'écriture est inspirée, précise, ciselée, avec (je me répète) des passages qui ont le souffle de certains textes bibliques ; les personnages, aux psychologies travaillées, sont bien campés et fortement incarnés, bien qu'ils ne soient - comme des archétypes - qualifiés que par leurs fonctions ; et le récit, haletant, ponctué par les grondements réprobateurs et menaçants du volcan, est très bien construit avec, comme dans une tragédie antique, une montée en tension qui nous emporte au fil des pages jusqu'au dénouement.

L'oeuvre - souvent sombre - de Philippe Claudel (“Les âmes grises”, “La petite fille de Monsieur Linh”, “L'arbre du pays Toraja”...) me touche profondément. "L'Archipel du Chien", roman particulièrement désespéré, intimement dérangeant, qui nous interpelle et nous questionne sur notre époque et sur nous-mêmes, m'a bouleversée. Car “l'histoire qu'on va lire est aussi réelle que vous pouvez l'être. Elle se passe ici, comme elle aurait pu se dérouler là. Il serait trop aisé de penser qu'elle a eu lieu ailleurs. Les noms des êtres qui la peuplent ont peu d'importance. On pourrait les changer. Mettre à leur place les vôtres. Vous vous ressemblez tant, sortis du même inaltérable moule.”

Vous l'aurez compris, "L'Archipel du Chien" est pour moi un grand livre, à lire absolument.
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Ce que j'ai ressenti:

» Et je viens en un lieu où la lumière n'est plus. » Chant IV L'enfer de Dante.

L'Archipel du Chien, c'est toute une poésie sombre, un ensemble d'îles où, l'ombre des poètes se glisse entre les pages et dorment tranquillement sur ses plages désertes et hostiles. Philippe Claudel saisit en plein vol toute une beauté infernale, et nous conte une grande histoire, avec une plume renversante de tremblements émotionnels intenses. Un roman magnifique! L'incipit de ce roman est sublime, vivant, vibrant, tellement bouleversant… Il donnera le ton, avec mystère et efficacité, pour une prise de conscience aiguë sur les maux de nos jours…Si j'ai mis cette citation de Dante, c'est parce que j'ai trouvé qu'il y avait dans cette ambiance, comme une réminiscence des premiers chants de la Divine Comédie. Je suis très sensible à la poésie, j'adore la dénicher dans les oeuvres contemporaines, alors forcément, cette lecture est une fulgurante découverte. Elle est imprégnée de courants inspirés, insufflée de vents marins tempétueux, incandescente de vibrations terrestres et poisseuse de sentiments humains égarés…Un imbroglio entre beauté et drame contemporain.

« La plupart des hommes ne soupçonnent pas chez eux la part sombre que pourtant tous ils possèdent. Ce sont souvent les circonstances qui la révèlent, guerres, famines, catastrophes, révolutions, génocides. Alors quand ils la contemplent pour la première fois, dans le secret de leur conscience, ils en sont horrifiés et ils frissonnent. »

Parce qu'elle est intemporelle et perdue dans des mers oubliées, cette histoire peut se lire comme un conte moderne, une fable noire qui met en relief les flux migratoires du désespoir, et dénonce l'indifférence honteuse de ceux qui y en sont confrontés. Triste, sombre, magnifique, nécessaire, universel. Une histoire pour qu'enfin les mentalités changent, pour un devoir de mémoire plus investi, pour que chaque vie compte. L'Archipel du Chien a un environnement inhospitalier, une ambiance qui s'assombrit à l'instar de ses habitants, un lieu de perdition que Philippe Claudel nous décrit à force de tourments venteux et d'éruptions colériques. La Nature même devient le reflet de ses âmes sombres, et elle décide, dans un dernier souffle de rébellion, de déverser ses catastrophes climatiques, vomissant sa lave incandescente sur la lâcheté des hommes…

« le Chien crache des saisons inhumaines. »

Ce livre est un véritable coup de coeur, un coup de foudre dont chaque lecteur passionné espère, quand il se perd dans les mers de son imaginaire. L'Archipel du Chien est une belle destination, pour aller s'échouer sur ses plages noircies d'encre lyrique…Il m'a touchée par ses thèmes volcaniques et renversée par sa poésie sensible…Intelligent dans la forme et le fond, il se dégage de ses pages, une intensité sinistre d'avenir teinté de trop d'égoïsme tout autant, qu'un joli espoir utopique…Une lecture entre ombre et lumière, un petit diamant noir étincelant! Peut être que si, plus de monde écoutait « la voix », on verrait venir un peu plus de clarté sur le squelette du Chien…On peut toujours aboyer, heu, rêver…

« Pourquoi dis-tu que c'est un rêve? »

Ma note Plaisir de Lecture 10/10

Chronique complète sur le blog ;)
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Une petite voix dans votre tête... une petite voix qui vous questionne « comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps ? ».
Quoi, comment, où, que se passe-t-il ?
Il se passe que sur cette petite île, peu importe son nom, trois cadavres ont été retrouvés sur le sable. Des migrants. Alors, pour ne pas gêner la communauté et les projets de cette petite cité, le maire accompagné d'une poignée de citoyens décident de ne rien dire et de jeter les corps dans un trou. Ne rien dire surtout ! Mais cette omerta est brisée par l'instituteur, cet homme que les habitants dénigrent car il vient d'ailleurs...


L'Archipel du chien est un roman dérangeant qui oscille entre moiteur et froideur, entre nervosité et inertie.

Encore une fois, Philippe Claudel dépeint le bouc émissaire, ici l'instituteur. Une victime censée servir d'expiatoire à toute une communauté pour la laver de toutes ses fautes et même l'innocenter.

C'est un roman qui parle à notre conscience, qui nous interroge sur l'autre, sur les rapports sociaux. C'est aussi un roman qui accorde à la nature un certain pouvoir sur nos actes, puisque Dieu même (le rôle du curé n'a ici aucun impact) ne peut plus rien pour nous.

Lire un roman de Philippe Claudel c'est encore et toujours porter un certain regard sur l'homme et ses actions...
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Un archipel, une île de cet archipel... La vie des habitants c'est la pêche, la culture de la vigne, des oliviers ou des câpriers... Cette île est perdue, comme ses habitants... Cette île volcanique est probablement perdue en Méditerranée par très loin des routes empruntées par les passeurs qui amènent des migrants Africains, assez proche cependant du continent européen... Cette île fictive est certainement située en Italie, puisque l'auteur dénonce "la pieuvre" qui fait un trafic très rémunérateurs de ces pauvres bougres fuyant la misère... Mais cette île, va aussi servir de cercueils à trois malheureux retrouvés noyés sur une plage, bouleversant la vie d'une petite partie des habitants, et surtout montrant le vrai visage des différents protagonistes, avec leur droiture et leur humanité, ou leur bassesse et leur égoïsme. Je rapprocherais ce roman, très sombre et sans concession des "Ames grises" autre grand roman du même auteur. Philippe Claudel, signe ici un livre très sombre, très inconfortable, très dérangeant, mais merveilleusement écrit. A découvrir.
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Une petite île, située pas très loin du pays dont elle dépend mais qui l' a oubliée, et proche d'un autre continent qu'elle ignore. Cette île qui vit des richesses que son volcan lui procure appartient à l'Archipel du Chien : belles vignes, terre riche d'oliveraies, de vergers et de câpriers. La mer est poissonneuse et donne aux pêcheurs de quoi faire vivre leurs familles. On y vit bien sur cette île où tout le monde se connaît. Mais un matin, une tâche apparaît sur ce joli tableau. La mer a rapporté des corps, des corps jeunes et noirs. Que faire de ces étrangers échoués ?

Philippe Claudel, dans « L'Archipel du Chien », renoue avec les codes et l'atmosphère du « Rapport de Brodeck »: un lieu indéfini mais que l'on pourrait facilement situé sur une carte, et des personnages archétypes désignés par leur fonction - le Maire, le Docteur, l'Instituteur, le Curé, le Commissaire - aux personnalités symboliques. Nul besoin d'autres détails pour plonger dans cette histoire qui entremêle les ingrédients d'un roman policier aux effets de style du conte. Dans ce lieu imaginaire qui est une île mais qui pourrait être l'Europe, Philippe Claudel nous parle d'une triste actualité, celle des migrants qui fuient les ravages des guerres et des famines.
En quelques pages pour le lecteur, en quelques mois sur l'île, l'auteur nous dévoile les méandres de la nature humaine ou comment des hommes ordinaires prennent des décisions au nom d'une raison que l'on entend mais qui les mène au pire. On ne les déteste pas ces hommes, ils ne sont pas nés monstres. Ils veulent juste, par peur de  «  l'étranger » - thème récurrent chez Claudel – se barricader en s'aidant de leur égoïsme et de leur indifférence. La question qui se pose alors, matérialisée par le personnage cynique du Commissaire, et qui bien évidemment n'aura pas de réponse, est de savoir à quelles lâchetés sommes-nous prêts pour préserver notre tranquillité ?

Ce roman de Claudel a gêné plus d'un lecteur qui voit en l'écrivain un moralisateur. Pour ma part, je n'ai pas eu du tout cette impression. Il ne jette la pierre sur personne. D'une part, c'est une récit de qualité, une narration maîtrisée, une intrigue réelle, qui procure un vrai bon moment de lecture. L'utilisation de la parabole est bien venue. D'autre part, n'est-ce pas aussi le rôle de la littérature de mettre nos principes à l'épreuve face à une réalité, laide mais réelle ?
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Notre âme est-elle donc si noire que cela? Philippe Claudel n'en doute pas...

Trois cadavres africains rejetés par la mer, macabre cadeau empoisonné pour quelques insulaires, maire en tête, qui cherchent à s'en débarrasser discrètement. Il s'agit de préserver la tranquillité des lieux des maelströms d'actualité et de ne pas enterrer un projet immobilier salvateur pour l'archipel.

S'inspirant de la dramatique actualité des migrants méditerranéens, Philippe Claudel produit une fable cynique et réaliste sur le désastre humanitaire et les enjeux économiques induits. Confrontant le politiquement correct et le pragmatisme, il nous questionne et nous incite à la détermination.

L'archipel du Chien, chenil de méchants corniauds à ciel ouvert devient la métaphore de notre Europe, réduisant à une minuscule lentille notre vision collective et détachée de la situation.

La suite tourne au conte cruel, brouet de toutes les vilénies de l'espèce humaine: manipulations, délation, opportuniste, couardise, bêtise et j'en passe... portées par une galerie de portraits à désespérer de nos semblables.

Tout cela est un peu simpliste mais diablement jubilatoire et bien troussé, avec cette plume ciselée qui jongle avec les mots dans d'élégances associations.
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