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EAN : 9782234065154
288 pages
Stock (15/09/2010)
3.1/5   478 notes
Résumé :
« Vous êtes une sorte de médecin, n'est-ce pas ? — Pas vraiment..., murmura l'Enquêteur. — Allez, ne soyez pas si modeste ! » reprit le Responsable [...]. « Rappelez-moi le but exact de votre visite ? — À vrai dire, ce n'est pas vraiment une visite. Je dois enquêter sur les suicides qui ont touché l'Entreprise. — Les suicides ? Première nouvelle... On me les aura sans doute cachés. Mes collaborateurs savent qu'il ne faut pas me contrarier. Des suicides, pensez donc,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (92) Voir plus Ajouter une critique
3,1

sur 478 notes
Tout d'abord, je voudrais exprimer toute ma gratitude à Lili Galipette pour m'avoir offert ce livre et, par là même, m'avoir fait connaître un auteur qui m'a bouleversée. J'en avais bien entendu parler mais que voulez-vous, ce pauvre Philippe porte le même nom qu'un écrivain que je déteste, vous savez, le frère de Camille... et comme je fonctionne souvent au feeling... Je passe quelquefois, je l'avoue, à côté de certains qui ont pourtant un talent indéniable.

Mais revenons donc à ce livre, que j'ai littéralement dévoré. D'ailleurs, je me surprends et je découvre que j'aime énormément ces romans dystopiques à la Huxley ou Orwell. Mais le petit plus de Claudel (Philippe, hein ! Vous suivez toujours ?) c'est cet absurde qu'il y injecte, à la manière de Kafka. J'ai cru me retrouver dans ces épisodes de la Quatrième dimension que j'adorais. Je suis restée scotchée, fascinée même, page après page, cherchant à savoir ce qui allait arriver à l'enquêteur, ce pauvre hère qui espère toujours alors qu'il lui arrive des choses de plus en plus graves. "C'est en ne cherchant pas que tu trouveras"... dit l'auteur, ce qui pourrait s'appliquer à la fois au personnage et au lecteur.

Folie ? Déshumanisation ? Certes... mais provoquées par un certain totalitarisme. Ce roman donne à réfléchir... Je vous invite vraiment à y mettre le nez dedans ! Quant à moi, je vais aller lire un autre roman de ce même auteur que je classe dans mes coups de coeur.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le genre d'intrigue que j'adore ! Entre kafka, Orwell et bien d'autres visionnaires. Philippe Claudel, dissèque l'absurdité de notre société en l'extrapolant (juste ce qu'il faut). On s'enfonce, à travers les déboires de ce pauvre « Enquêteur », dans les méandres de l'irrationnel, dans l'impossibilité d'être reconnu pour ce que l'on est, dans notre humanité. Sous l'emprise d'un « Big Brother » omniscient, ubiquiste, déifié, la société totalitaire qui est dépeinte dans ce roman transforme les humains en robots soumis, uniquement reconnus par leurs fonctions et non par leur personnalité puisqu'ils n'ont même pas de nom. Mais, attention, on n'est pas dans « 1984 ». C'est effectivement une dénonciation, souvent très drôle, des dérives vers lesquelles notre monde s'achemine inexorablement. Mais Claudel instille dans le texte quelque chose de plus individuel, de moins volontairement politique.
Car on assiste également aux méandres intérieurs de l'enquêteur, son incapacité personnelle à exister pour lui-même et dans la mission que la société lui a confiée. Et si toutes ces aventures n'étaient que le produit de son cerveau malade ? Une hallucination ? Comme le laisse suggérer les derniers chapitres.  On peut y voir aussi une dimension onirique. Et si tout cela n'était qu'un cauchemar, comme le personnage le pense (et le souhaite) à un moment ? Il y a plusieurs grilles de lecture possibles.
L'écriture est précise, très précise. On s'attarde souvent sur des détails, pour mieux nous faire ressentir l'absurdité et l'incongruité d'une situation. le rythme est assez lent mais on se laisse emmener facilement dans les multiples péripéties du personnage.
Je ne connaissais pas encore cet auteur. Cette lecture fut un réel plaisir. Jubilatoire !
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Quelle étrange histoire !
l'enquêteur est envoyé dans une ville pour analyser une série de suicides dans « l'entreprise ».
Depuis son arrivée, rien ne se déroule comme prévu. Pour lui, ça vire rapidement au cauchemar :
Personne ne l'attend dans cette ville déserte sous la neige
L'hôtel qu'il trouve enfin tard dans la nuit est des plus énigmatique
Un policier étrange est au courant de ses moindres faits et gestes
…………
Plus les pages se suivent et plus le cauchemar prend de l'épaisseur.
Toute puissance du pouvoir financier, flots migratoires, déshumanisation, êtres robotisés….., l'enquêteur est au coeur de tout cela présenté comme un conte fantastique dans un monde kafkaïen.
Un livre plus que déroutant et dérangeant servi par la plume impeccable de Philippe Claudel.
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Roman de Philippe Claudel.

"C'est en ne cherchant pas que tu trouveras." l'enquêteur est pourtant missionné pour chercher des explications à la vague de suicides survenus au sein du personnel de l'Entreprise. l'enquêteur se heurte à l'absurdité et l'absence de sens de la Ville et de ses habitants. le Policier, le Garde, le Guide, le Responsable, le Psychologue, tous semblent perturber à dessein sa mission et se mettre en travers de sa route même pour les actions les plus banales. Dans l'Entreprise, chacun a un rôle bien défini et personne ne quitte les rails dans lesquels il avance. l'enquêteur, "un être scrupuleux, professionnel, attentif, rigoureux et méthodique, qui ne se laissait pas surprendre ni perturber par les circonstances ou les individus qu'il était amener à rencontrer au cours de ses enquêtes" (p. 70), est perdu dans un monde qu'il ne comprend pas et doit se résoudre à l'inexpliquable.

Comment ne pas penser au terrifiant Château de Kafka! Mais la ressemblance est subtile. Philippe Claudel explore davantage le côté social du monde. Là où chacun est réduit à un rôle, "dans un système impersonnel et asexué de fonctions, de rouages, un grand mécanisme sans intelligence dans lequel ces fonctions, ces rouages interviennent et interagissent en vu de le faire fonctionner" (p. 221), l'enquêteur n'est qu'un rôle parmi d'autres. le roman est nourri de théâtralité, avec des entrées et des sorties fracassantes, des personnages dont le masque est figé pour l'éternité, des répétitions et des scènes qui semblent déjà écrites. l'enquêteur se perd dans "cet univers forcément faux, totalement onirique et qui n'était en rien la vie." (p. 142) Et qu'est-ce que le roman, le récit, si ce n'est une apparence de réel sans le souffle de la vie?

L'absence totale d'anthroponymie ou de toponymie rend l'onomastique factice: l'intrigue se déroule nulle part et est menée par personne. La non-personnalisation des protagonistes ou des lieux rend le récit universel mais intangible, encore plus impalpable. Dans l'impossibilité de nommer, de s'accrocher à des référents qui ne soient pas schématiques, le texte devient un canevas désincarné et transposable à l'infini. le récit n'en est que plus percutant. En n'accusant personne, il désigne tout le monde.

Les 23 suicides dénombrés dans l'Entreprise, gigantesque matrice tentaculaire qui englobe la Ville - qui est la Ville - l'énigmatique portrait du vieil homme qui préside chaque lieu, les appels désespérés d'un inconnu, le sentiment de mort que ressent l'enquêteur et le final dans une plaine désertique font de ce roman une somme d'angoisse et de questionnements. S'agit-il d'un voyage initiatique? D'une acceptation de la mort? D'un futur apocalyptique? D'une réalité différée? D'une critique de la société qui tue et engloutit ses membres sans considération aucune? Après tout, qu'importe la réponse. le lecteur est l'enquêteur, l'auteur est le Fondateur, le texte est l'Entreprise. Chacun doit tenir sa place, même s'il ne la connaît pas et ne la comprend pas. le Fondateur ne sait pas ce qu'il a fondé, l'enquêteur ne sait plus sur quoi il doit chercher. Ultime réponse, à mettre en regard de la première phrase citée: "Ici, c'est en se bandant les yeux qu'on réussit à voir." (p. 262)

Philippe Claudel signe un texte fort qui, s'il m'a moins enchantée que le rapport de Brodeck, n'en reste pas moins une réussite stylistique. Je l'ai lu en deux heures, happée par le destin malchanceux de l'enquêteur, avide de poursuivre avec lui l'expérience glaçante d'un univers dénué de logique apparente. Encore une belle découverte de la rentrée littéraire 2010!
Lien : http://lililectrice.canalblo..
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Voilà un auteur qui n'a pas peur d'explorer des genres différents, au risque de déconcerter ses lecteurs! Une même qualité d'écriture, mais au service d'un ouvrage tout à fait déroutant et peu réjouissant.

Si l'histoire commence par un réaliste Enquêteur qui va faire une enquête sur des suicides dans l'Entreprise, on se retrouve ensuite dans un univers bizarre, à la fois totalitaire et totalement instable, où les choses et les gens changent constamment.

On peut invoquer Kafka ou se dire qu'il en fume du bon ce Claudel!
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Lorsqu'il poussa la porte de la salle du petit-déjeuner, le vacarme avait totalement cessé : les Touristes avaient disparu. Il n'en restait plus un seul. Toutes les tables étaient débarrassées et propres. Aucun détritus ne traînait ! Comment cela était-il possible alors qu'il avait dû rester absent tout au plus quatre minutes ?
Les chaises avaient été replacées dans un alignement soigneux. Il regarda sa place : la tasse de café s'y trouvait encore, ainsi que la seconde biscotte qu'il n'avait pas complètement fini de manger, et sur la chaise, légèrement de travers par rapport à la table, son imperméable. C'était le seul endroit où demeurait quelque chose.
Les Serveurs eux-mêmes étaient devenus invisibles.
L'Enquêteur courut vers sa place. Il voulait sortir au plus vite de cette salle, de l'Hôtel, afin d'être dehors et de respirer à pleins poumons un peu d'air frais, de sentir cette fraîcheur sur ses tempes, sur sa nuque, dans ses poumons, dans son cerveau pour ainsi dire, son cerveau qui était mis à rude épreuve, à tel point que l'Enquêteur se demandait s'il n'allait pas subitement éclater. Mais comme il était en train d'enfiler son imperméable et de retrouver la très désagréable sensation d'humidité, il entendit dans son dos une voix forte qui l'interpellait d'assez loin :
"Vous ne terminez pas votre petit-déjeuner ?"
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“L’Entreprise est un colosse aux pieds d’argile. Notre monde est un colosse aux pieds d’argile. Le problème est que peu d’êtres tels que vous, je veux dire les petits, les faibles, les exploités, les serfs contemporains, s’en rendent compte. Il n’y a plus de roi depuis bien longtemps. Les monarques d’aujourd’hui n’ont plus ni tête ni visage. Ce sont des mécanismes financiers complexes, des algorithmes, des projections, des spéculations sur les risques et les pertes, des équations au cinquième degré. Leur trônes sont immatériels, ce sont des écrans, des fibres optiques, des cricuits imprimés, et leurs sangs bleus, les informations cryptées qui y circulent à des vitesses supérieures à celle de la lumière. Leurs châteaux sont devenus des banques de données. Si vous brisez un ordinateur de l’Entreprise, un parmi des milliers, vous coupez un doigt au monarque. Vous avez compris ?”
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Le problème, reprit la femme, c'est que tout le monde suit cette ligne sans discernement. Lorsqu'on lève les yeux, on voit pourtant bien qu'elle va droit dans le mur. C'est le résultat d'une erreur de tracé, ou d'une discrète tentative de sabotage, on ne saura jamais : l'employé qui l'a peinte jadis a mal compris les ordres, ou bien a voulu mal les comprendre, et plutôt que de la faire obliquer sur la droite de façon à ce qu'elle conduise les personnes jusqu'à mon cabinet, il l'a fait aller dans le mur, et l'a même continuée sur le mur, en tout cas sur deux mètres, le plus haut point atteint par son pinceau, et il l'a terminée par une flèche qui désigne les nuages. [...] mais dites-vous bien que j'ai vu certains individus, près du mur, n'osant pas s'éloigner de la ligne, essayer d'escalader ce mur de cinq mètres, sans prises et qui se termine par des barbelés, jusqu'à se déchirer la peau des doigts et se briser les ongles, et pour aller où ? Au ciel ? Vous comprenez le conditionnement qui peut être celui des hommes dans certaines circonstances, lorsqu'ils doivent obéir à des consignes, des conseils ou des directives.
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La distraction et le zèle se paient cher aujourd'hui. Les heures supplémentaires creusent les tombes de ceux qui les accumulent. L'époque des utopistes est révolue. On pourra toujours acheter quelques rêves, plus tard, à crédit, chez des antiquaires, dans des collections ou des brocantes de village, mais dans quel but? Les montrer aux enfants? Y aura-t-il encore des enfants? Avez-vous des enfants? Vous êtes-vous reproduit? L'homme est de nos jours une quantité négligeable, une espèce secondaire douée pour le désastre. Il n'est plus désormais qu'un risque à courir.
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Je ne pense pas, on pense à travers moi ou plutôt on me pense. Je n’ai la possibilité d’aucune initiative. On me fait croire que j’ai une Enquête à mener. En vérité il n’en est sans doute rien. Je suis ballotté, chahuté, froissé puis caressé, bousculé puis remis droit. On me place et on me déplace, on m’interdit de traverser une rue, ensuite on m’ouvre le chemin, on me sourit, on m’étreint, on me réchauffe pour me précipiter, à la minute suivante, contre un mur. (…) On m’écoute patiemment pour m’abandonner plus vite à mon sort. Quelle justification chercher à cela?
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Connaissez-vous ce grand roman sur l'indicible mais aussi sur l'autre, sur l'étranger, que l'on doit à un écrivain contemporain et qui reçut le prix Goncourt des Lycéens ?
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